José Alcocer : « Franchir les grands obstacles »

Le sélectionneur des U17 tricolores, qui lancent leur Euro 2024 mardi 21 mai contre l'Angleterre à Larnaca (19h30), présente les enjeux d’une épreuve dont la France a joué les deux dernières finales.

« Vainqueure en 2022, finaliste en 2023, quel est l’objectif de la sélection nationale U17 pour cette 40e édition de l'Euro U17 ?
L’objectif du staff et des joueurs est de réaliser le meilleur tournoi possible, d’aller le plus loin possible, de participer à cet Euro en le vivant pleinement. Participer à un Euro est un événement unique et rare, tout le monde doit en être conscient. La sélection U17 a été sacrée en 2022 et vice-championne en 2023 mais pour les joueurs de cette génération, cela reste leur toute première participation à un championnat d’Europe. Dans le staff, nous sommes quelques-uns à avoir pris part à plusieurs Euros parce que nous sommes là sur la durée mais pour les joueurs, non seulement c’est une découverte et une grande aventure, mais tout simplement le premier gros événement de leur jeune carrière. Il ne faut pas l’oublier. Il arrive que certaines générations ne participent à aucun Euro, ni en U17, ni en U19, voire en Espoirs. C’est pour cela que je dis que le premier objectif sera de prendre la mesure d’un événement unique et rare. Et pour eux, cela restera toujours leur première phase finale internationale. C’est la raison pour laquelle on va essayer, avec le staff, de les accompagner pour leur donner l’expérience et la confiance nécessaires pour aborder ce tournoi du mieux possible.

Parlez-nous de cette génération 2007 ?
Avec le staff, nous avons découvert les 2007 il y a deux ans. Il s’agit de la dernière génération qui ne sera pas passée par le groupe de développement U15 que la Direction technique nationale (DTN) a mis en place depuis deux saisons, pour les générations 2008 et 2009. C’est un groupe de joueurs plutôt travailleurs, à l’écoute, avec un très bon état d‘esprit. Quelques joueurs ont déjà évolué en professionnel, d’autres ont des profils d’avenir très intéressants. Au-delà des résultats, c’est une génération agréable à entraîner qui cherche sans cesse à progresser. Avec le staff, nous avons apprécié de les retrouver sur chaque rassemblement international.

Un championnat d’Europe, par essence, rime avec excellence. Avec l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal dans votre groupe, vous êtes servis…
Nous avons hérité du groupe le plus relevé, incontestablement. Pour la première fois, il n’y a pas eu de protection lors du tirage au sort entre les équipes ayant terminé premières et deuxièmes des qualifications. On se retrouve donc dans un groupe qui réunit, selon moi, les quatre meilleures équipes du tournoi. C’est motivant, c’est un défi. Les Anglais, on les a battus chez eux au tour Élite (2-1) et ils vont, on s’en doute, s’en souvenir. Nous les avions rencontrés lors du troisième match, là ce sera notre premier de l’Euro, ce n’est pas du tout la même chose. Quand on sait l’importance de bien entrer dans une compétition, cela donne encore plus de relief à ce premier rendez-vous. On aura trois matches de très, très haut niveau mais pour aller loin, il faudra performer contre tout le monde. Si ce sont trois finales ? Non, cela reste des matches de groupes. L’objectif sera de se qualifier pour les quarts de finale en terminant dans les deux premiers. Comme toujours, nous procédons étape par étape. La seule différence est qu’habituellement, nous montons en puissance au fur et à mesure des rencontres. Cette année, il nous faudra être prêts dès le début. 

La sélection a bouclé invaincue ses deux tours de qualification (photo Philippe LE BRECH / APL / FFF).

Vous avez évoqué l’expérience de l’Euro 2022 et de la victoire finale en Israël. Quels enseignements comptez-vous mettre à profit pour aborder cette nouvelle édition ?
Avec le staff, nous sommes conscients qu’un titre de champion d’Europe nécessite énormément de travail, de présence, d’accompagnement pour des choses qui se jouent sur de tout petits détails. Les détails d’un match, dans la préparation, la récupération peuvent faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre. Les joueurs connaissent la charge de travail nécessaire et ont appris à connaître ce qu’il fallait mettre en place pour aller vers la réussite. Nous sommes très lucides sur ce point. Tout le groupe sait très bien que ce n’est pas parce qu’on mettra tout cela en place que la réussite sera inévitablement au bout. Nos adversaires travaillent bien également et seront redoutables. Cela va se jouer sur de toutes petites choses. 

Les plus jeunes ont l’honneur de lancer un été historique pour la Fédération, avec neuf sélections impliquées. Quel regard portez-vous sur cette performance d’ensemble ?
Elle traduit une vraie cohérence dans le travail réalisé au sein des sélections. On a un très bon exemple, et souvent il vient d’en haut : c’est exactement ce qui se passe avec les équipes de France A, avec les Espoirs aussi. À notre niveau avec tous les sélectionneurs, avec les managers des sélections Lionel Rouxel et Sabrina Viguier, il existe une cohérence entre les différentes sélections : dans le travail, dans l’état d’esprit, dans ce qu’est le parcours d’un jeune international. Notre objectif principal, il ne faut pas l’oublier, est d’abord de faire en sorte que les joueurs entrent et restent dans ce parcours "en bleu". Nous sommes, évidemment, très contents de gagner des matches, des titres en sélections de jeunes, nous sommes tous des compétiteurs, il n’y a pas de problème avec cet aspect car la compétition est un élément de leur formation et nous n’oublions jamais notre mission première de formateur. Si demain je dois ne pas gagner en U17 et voir les Olympiques remporter les Jeux de Paris et les A l’Euro en Allemagne, ça me va (sourire). Au-delà des titres, notre mission essentielle est de préparer nos jeunes internationaux dans le long parcours qui peut les conduire vers l’Équipe de France. Nous sommes là pour les accompagner dans leur apprentissage des grandes compétitions.

José Alcocer joyeusement chahuté après la finale remportée de l’Euro U17 2022 (photo DR).

Un mot sur chacun de vos adversaires ?
L’Angleterre, c’est un peu l’épouvantail du groupe. Elle a des joueurs terriblement forts athlétiquement et techniquement. C’est une équipe très complète, capable de jouer individuellement, qui a un peu les mêmes caractéristiques que nous au niveau de la puissance. Franchement, ils ont une très, très belle génération, ils m’ont impressionné. On les a battus donc, forcément, ils auront un degré de motivation décuplé. L’Espagne est fidèle à elle-même avec les caractéristiques qu’on lui connaît. Un jeu en 4-3-3 avec des joueurs capables de redoubler les passes, d’user leur adversaire, d’utiliser l’ensemble du terrain... Il se trouve que l’on va jouer contre eux sur le plus grand des terrains à Chypre donc, je pense que l’on va pas mal courir. Leurs deux meilleurs 2007 sont déjà en A (Pau Cubarsi et Lamine Yamal), c’est dire s’ils ont une génération 2007 exceptionnelle. Enfin le Portugal, on l’a affronté lors d’un tournoi U16 (victoire 4-2 en février 2023). Ce sont des joueurs très fort techniquement, capables d’aller plus vite vers le but que les Espagnols, par exemple. Ils peaufinent leur collectif avec des rassemblements plus fréquents que nous en France. Le groupe sera extrêmement difficile, on le sait. Les joueurs ont choisi notre devise : "Il n’y a pas de grande réussite sans grands obstacles." C’est ce qui nous attend. On verra si l’on est capables de franchir les grands obstacles (sourire). »

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