ÉQUIPE DE FRANCE

Les coulisses de la photo des Bleus

jeudi 13 juin 2024 - 20:30 - Claire GAILLARD
Photo artistique des Bleus Euro 2024

Ils sont 100 visages derrière les Bleus, âgés de 4 mois à 96 ans, enfant, femme et homme, boucher, Maire, garçon de café, éleveur bovin ou pianiste, venus de partout et toute origine à s’être laissé photographier par Jean-François Robert pour poser ensuite avec l’Équipe de France avant l’Euro 2024. Récit d’un projet artistique ambitieux. 

Vendredi 7 juin 2024. 11 heures, passé de quelques minutes. Dans le gymnase du CNF Clairefontaine, tout a été minutieusement installé dès la veille et au petit matin par les équipes de l’agence Modds et le photographe Jean-François Robert. Depuis 2018 et le deuxième titre de champion du monde, celui qui a portraitisé les plus grandes stars comme Johnny Depp, Charlotte Gainsbourg ou Vincent Cassel est missionné par la Fédération Française de Football pour prendre la photo dite artistique de l’Équipe de France. Un cliché différent, qui tranche avec la traditionnelle photo officielle, passage obligé avant une phase finale de grande compétition.

L’esprit ? De l’élégance, de la légèreté, de la mixité aussi pour ce tableau mêlant les Bleus et Bleues avant la Coupe du monde féminine 2019. « C’est la 6ème ou 7ème fois que je réalise cette photo artistique, j’ai un peu l’habitude et l’expérience mais, cette année, la demande était différente, explique Jean-François Robert. La FFF souhaitait illustrer le fait que l’Équipe de France était l’équipe de toute la France et de tous les Français. Quelqu’un a émis l’idée de faire venir des gens, des supporters pour prendre cette photo au milieu des joueurs sauf que comme celle-ci est utilisée sur les réseaux sociaux, la sortie de l’image n’est pas très grande. Devant un fond uni, les joueurs sont assez petits, si on ajoutait des personnes, je pense que cela serait devenu complètement illisible. »

« Ces portraits de Français et Françaises ? C’est comme un joueur en plus, le fameux 12ème homme dont on parle souvent. Les joueurs sont importants, c’est bien qu’on les voit, qu’ils soient beaux mais c’est presque anecdotique car pour une fois car c’est l’ensemble, la composition qui a une vraie signification. »

Jean-François Robert, photographe

Durant quelques jours, la réflexion fait son chemin et la proposition artistique prend forme dans l’esprit du photographe : faire les portraits de Français et Françaises qui seraient imprimés sur une bâche géante tendue derrière l’Équipe de France de façon à ce que les Français et la France soient derrière les Bleus pour l’Euro 2024 (du 14 juin au 14 juillet en Allemagne). « Cela permet aux joueurs d’avoir une visibilité puisqu’ils sont, eux, en couleurs avec leurs maillots et cela donne l’impression qu’il y a 26 joueurs sur la photo, reprend Jean-François Robert. C’est comme un joueur en plus, le fameux 12ème homme dont on parle souvent. Finalement, les joueurs sont importants, c’est bien qu’on les voit, qu’ils soient beaux évidemment comme d’habitude mais c’est presque anecdotique car, pour une fois, c’est l’ensemble, la composition qui a une vraie signification. » Une idée qui s’inscrit parfaitement dans le cadre de « Bleu collectif », un dispositif lancé par la FFF afin de rassembler les Équipes de France engagées dans des grandes compétitions cet été et de réunir l’ensemble des Français derrière elles.

« On voulait que ça représente la population française : tous les âges, tous les corps de métier, toutes les catégories socio-professionnelles, toutes les origines. C’était un exercice compliqué mais une aventure humaine incroyable. »

Marie Delcroix, co-fondatrice de l’agence Modds

L’idée validée par la FFF, l’agence Modds a dû s’activer pour identifier des profils, organiser les shootings et miser sur le bouche-à-oreille afin de réaliser ces portraits de femmes et d’hommes. « Il a fallu faire jouer les réseaux. On voulait que ça représente la population française : tous les âges, tous les corps de métier, toutes les catégories socio-professionnelles, toutes les origines, raconte Marie Delcroix, co-fondatrice de l’agence Modds. C’était un exercice compliqué mais une expérience hyper forte et une aventure humaine incroyable. On a eu uniquement des gens enthousiastes à l’idée de participer à ce projet. Il y a eu une vraie liesse de la part de tout le monde, de belles rencontres avec des moments à part. »


10 des 100 portraits de Français et Françaises réalisés avec, de haut en bas et de gauche à droite : Anna (33 ans, médecin généraliste), Fabrice (28 ans, chef de rang), Julien (40 ans, expert comptable et ses deux enfants Nayan, 7 ans, et Jivan, 4 ans), Martine (73 ans, Maire dans les Yvelines), Arnauld (42 ans, BTP), Denis (59 ans, éleveur), Eric (65 ans, pompier), Sana (15 ans, collégienne, licenciée dans un club de foot), Rayen (19 ans, poissonnier) et Daniel (96 ans, retraité). 

Pour la première journée de prises de vue, un studio est monté à Paris dans l’appartement de fonction d’un commerçant. Les métiers du quotidien défilent : un primeur, un boucher, un fromager, un garçon de café mais aussi une pianiste pour une vingtaine de portraits pris ce jour-là. Direction le Vexin ensuite afin de photographier la Maire d’un village des Yvelines et d'aller à la rencontre d’un éleveur de vaches et de son fils ou d’un apiculteur. « De bouche à oreille, on a eu accès à plein de métiers et de profils différents, les gens se sont démenés pour s’organiser et être là, se souvient Marie Delcroix. Ils nous ont recommandé d’autres personnes. » Pour certaines très âgées puisque qu’un EHPAD a même ouvert ses portes à l’équipe artistique. « On a aussi photographié le personnel soignant dont une aide-soignante à qui on a proposé le matin-même de participer, poursuit Marie Delcroix. Elle est allée choisir un maillot avec le numéro 3 parce qu’elle jouait au foot plus jeune quand elle était en Guyane. Elle était tellement heureuse de pouvoir renfiler un maillot avec son numéro. »

« Sans être tous de supers supporters, ils sont tous attachés à l’Équipe de France. On a tous un souvenir des Bleus de 1998 pour les plus vieux, de 2018 pour les plus jeunes, de finale de Coupe du monde gagnée ou perdue, de moments vécus grâce à cette équipe. Cela va au-delà du sport. »

Jean-François Robert, photographe

De ce bébé de 4 mois dans les bras de son père à cet homme de 96 ans, il a fallu guider et diriger la prise de vue de ces gens éloignés de l’industrie du spectacle. Le travail et l’œil de Jean-François Robert ont permis de les rassurer : « Je fais des portraits depuis quelques années et je pense que les gens en eux-mêmes sont intéressants, star ou pas. Je leur disais : ‘‘OK, vous posez avec un maillot de l’Équipe de France mais moi, ce que je veux, c’est vous avoir vous en photo’’. Mon travail, c’est de créer un lien avec la personne que je photographie pour qu’il se passe quelque chose à un moment donné qui soit de l’ordre de la rencontre. Je suis satisfait quand je pense que les personnes que j’ai prises en photo, ce sont vraiment elles. Elles ne jouent pas un rôle. Techniquement, la consigne était la suivante : ‘‘Vous portez un maillot, on considère que vous sortez du boulot et que vous allez directement au stade.’’ Sans être tous de supers supporters, ils sont tous attachés à l’Équipe de France. On a tous un souvenir des Bleus de 1998 pour les plus vieux, de 2018 pour les plus jeunes, de finale de Coupe du monde gagnée ou perdue, de moments vécus grâce à cette équipe. Cela va au-delà du sport. »

Après cinq journées intenses de travail, les 100 visages sont dans la boîte. Il faut visionner, trier, sélectionner pour conserver le portrait qui fait sens. Puis s’attaquer à la composition de la bâche. « Cela n’a pas été si difficile que cela, peut-être parce que j’ai l’habitude mais il y a des évidences de rythme, raconte Jean-François Robert. On commence par les photos qu’on aime le plus, à côté on en met d’autres, on se rend compte que c’est trop ceci ou pas assez cela. On fait des ajustements et quand cela convient, on poursuit la mosaïque. »


Le photographe Jean-François Robert (au centre) et son agent Marie Delcroix, cofondatrice de l'agence de photographes MODDS, avec les assistants photographes et opérateur digital devant la fameuse bâche.

Peu à peu, les Français et Françaises prennent place sur la toile qui mesure 4 mètres de haut sur 7 mètres 50 de large. Imprimée, elle sera installée au CNF Clairefontaine le jeudi 6 juin avant que le podium ne soit monté le lendemain matin. Surprise garantie pour les Bleus sauf pour le sélectionneur Didier Deschamps qui, impressionné, l’a découverte en avant-première la veille du shooting avec émotion. Ses joueurs ont adoré l’initiative et ont donné le meilleur pour être à la hauteur du set design.

« À chaque fois, c’est une prouesse technique et photographique. On ne se rend pas compte des coulisses mais prendre une photo de groupe n’est pas facile. Cela se construit. On travaille avec une graphiste architecte qui nous fait des plans pour affiner les positions, les couleurs, et l’harmonisation de l’ensemble. C’est une photo que l’on travaille énormément en amont car lors de la prise de vue, on a parfois 2 ou 3 minutes seulement pour l’organiser et la prendre, conclut la co-fondatrice de l’agence. Une année, Jean-François a fait 10 clics, pas plus ! Il faut que lors de ces clics, ce soit parfait, cohérent et qu’on ressente une émotion. » 

En 2024, il aura fallu 50 clics à Clairefontaine et plusieurs centaines ailleurs pour que la France s’invite dans la photo artistique des Bleus.

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