La Rouennaise de Football, terre d'accueil
Depuis 2016, l'Association Rouennaise de Football, club pilote du Fondaction du Football, a fait de l’intégration par le football des personnes exilées une mission de cœur. À l'heure du déploiement du plan d'engagement de la FFF, le président Philippe Diallo était en Normandie, mardi, pour saluer l'action de ce club amateur.
« Nous au moins, on est engagé ». Une main blanche et une main noire de part et d'autre d'un ballon imageant la terre, Anthony Trolet pointe du doigt avec fierté et émotion le logo de l'Association Rouennaise de Football qu'il a créée, « en me levant, un matin de 1994 ». Sans se douter que ce club de 132 licenciés qu'il préside maintenant depuis trente ans deviendrait un jour un symbole de la mission sociétale du football, un modèle en matière d'inclusion et de promotion de l'égalité, connu et reconnu pour son action en faveur des personnes réfugiées. « Nous comptons vingt-et-une nationalités différentes », pointe le dirigeant.
C'est « l'engagement exemplaire » du club normand dans ce domaine particulier que Philippe Diallo, président de la FFF, et Jacques Bungert, président du Fondaction du Football, sont ainsi venus saluer mardi matin au complexe sportif Saint-Exupéry de Rouen, en présence, notamment, de Sarah Vauzelle, maire-adjointe chargée des sports, Romain Feret, président du District de Seine-Maritime, Guillaume Naslin, délégué général du Fondaction, Amel Bouzoura, directrice de l'engagement de la FFF, ou encore Kirstie Abergel, directrice de la Ligue de Normandie.
Tout savoir sur le plan d'engagement de la FFF
Anthony Trolet, président du club rouennais (à gauche), accueille Jacques Bungert, président du Fondaction du Football (deuxième à gauche) et Philippe Diallo, président de la FFF (photo Philippe MAYEN / FFF).
« Tout le monde voit bien qu’au-delà du football, il se passe quelque chose en plus, a souligné Philippe Diallo. Ce quelque chose, c’est de donner du sens au jeu que l’on pratique, c’est de tisser des liens, c’est d’inclure toutes les populations dans la pratique du football. L’Association Rouennaise est un club pour moi exemplaire, fait de dirigeants bénévoles, qui ont une famille, un travail et qui prennent de leur temps, en dehors de leurs occupations personnelles, professionnelles, pour donner aux autres. Ça, c’est déjà quelque chose de formidable. Et ils ont tendu la main à des gens d’Irak, d’Afghanistan, du Soudan, de Somalie, du Mexique, des joueurs venus de loin, chassés de leur pays pour des raisons diverses et variées, des guerres, des désastres climatiques. Grâce au football, tous ces gens ont trouvé un club d’accueil, une capacité à se faire des amis, à faire des études, à apprendre la langue française, à poursuivre leur vie ici, à trouver un chemin d'intégration, une place dans la société française. Cet accueil est le sens même de la mission de la FFF. »
Quand on a lancé le plan d’engagement de la FFF, l’idée était de donner du sens à l’action menée par nos clubs, leurs dirigeants et leurs éducateurs. Dans ce club amateur, on a un exemple de ce que peut donner une action concertée. Je suis très fier de ce qui est fait par l’Association Rouennaise de Football. C'est remarquable dans tous les sens du terme. Je suis fier d’être dans une fédération qui promeut ces valeurs.Philippe Diallo, président de la FFF
Entre terre de foot et terre d'accueil, la Rouennaise, membre du réseau FARE (Football Against Racism in Europe) depuis 2021, a jeté un pont il y a désormais huit ans. Pierre-Yves Orlianges, son secrétaire, raconte : « Un jour de 2016, l'association France terre d’asile et le Comité olympique et sportif de Seine-Maritime nous ont demandé s'il était possible que des réfugiés puissent faire un peu de sport chez nous. Tous les dirigeants ont répondu oui, à l’unanimité, de manière naturelle, nos joueurs ont donné chaussures, maillots, shorts et chaussettes, et un partenariat a été mis en place. On est encore surpris que nous, petit club de juste 60 licenciés à l'époque, un budget de 6 000 euros, pas de terrain, pas de club-house, rien du tout, ayons été les seuls à accepter. Nous sommes très heureux que d’autres clubs soient aujourd’hui dans cette démarche. »
Philippe Diallo avec Abdulrahman Adam Al Tahir, l'un des joueurs de l'Association Rouennaise de Football, ancien réfugié, et Pierre-Yves Orlianges (au fond), secrétaire du club (photo Philippe MAYEN / FFF).
Récompensée par un Trophée Philippe-Séguin du Fondaction du Football en 2017, dans la catégorie Fair-Play et Citoyenneté, mais aussi d'autres prix régionaux et départementaux, l'initiative du club rouennais a en effet inspiré de nombreuses autres à travers l'Hexagone. « 3 à 4 000 de nos 12 700 clubs développent des projets sur l’accueil de réfugiés. D'autres sont sur l'accompagnement à la transition écologique, d'autres sur la féminisation, l'insertion professionnelle, le respect des valeurs républicaines... En venant ici, dans ce club où l'on ressent une formidable bienvaillance, j’ai voulu montrer que la FFF était sensible à ces missions et était au soutien des milliers de clubs amateurs et de leurs dirigeants bénévoles dont les actions donnent une dimension supérieure à notre pratique sportive et permettent au football de participer à une meilleure cohésion sociale dans notre pays, au mieux vivre ensemble », a dit Philippe Diallo.
Inclusion, intégration, ce sont des grands mots mais là, on les vit. On sait pourquoi on est là. C'est une fantastique source d’optimisme pour l’avenir.Jacques Bungert, président du Fondaction du Football
Pour pouvoir être de cette matinée exceptionnelle, joueurs et dirigeants ont tous posé un congé. « C'est magnifique de recevoir la FFF et son président. On va s’en rappeler très longtemps. Cela honore et met en lumière le travail de mes dirigeants et de mes joueurs sur l’accueil des réfugiés », se réjouit Anthony Trolet, heureux de voir et de désigner du doigt autour de lui tous ceux auxquels son club a ouvert ses portes depuis 2016. « Là-bas, c'est Ali, il est irakien. Il ne parlait pas un mot de français il y a cinq ans. Aujourd'hui, un peu grâce à nous mais beaucoup grâce à sa persévérance, il le parle couramment, est intégré, régularisé, a un travail et un salaire. Là c'est Mojtaba, un Afghan, passé par l'Iran et la Suède. Il suit des cours d’opthalmologie, prépare un BTS et lit le français comme vous et moi. Certains sont là depuis huit ans, c'est ça la vraie réussite. Comme dit l'un d'entre eux qui a appris ce mot récemment, c'est une dinguerie ! »
L'Association Rouennaise de Football fière d'exposer son Trophée Philippe-Séguin du Fondaction du Football (photo Philippe MAYEN / FFF).
Venu du Darfour, au Soudan, en 2015 en tant que demandeur d'asile, Abdulrahman Adam Al Tahir (37 ans) est le premier à avoir trouvé refuge auprès de l'association rouennaise. « C'était compliqué, je ne parlais pas la langue, seulement le soudanais, un peu l'anglais, quelques dialectes africains, se souvient-il. Dans mon pays, j'étais ingénieur dans l'agriculture et je pratiquais surtout des sports de chameaux ou de chevaux. J'ai vraiment commencé à apprendre à jouer au foot ici. Aujourd'hui, je travaille dans le BTP et je suis très heureux dans ce club. Il m'a aidé à apprendre le français, conseillé pour mes démarches de formation. Beaucoup de Soudanais sont arrivés à Rouen à partir de 2017. Quand il y a besoin de traduire, j'aide à mon tour. C'est comme une famille, avec les joueurs on est comme des frères. »
« Je suis très ému de retrouver Abdulrahman huit ans après, confie Jacques Bungert, le président du Fondaction du Football qui a fait de l'AFR l'un de ses clubs pilotes. Il était à la remise du Trophée Philippe-Séguin en 2017 puis en 2018 à Clairefontaine (à l'occasion de la Journée internationale des réfugiés en juin). Inclusion, intégration, ce sont des grands mots, mais là, on les vit. On sait pourquoi on est là. Ce que l’on voit là est exceptionnel. Ces joueurs seront peut-être demain des bénévoles qui viendront encadrer. C’est très, très vivifiant. C’est tout le sens du travail du Fondaction : essayer d’identifier les bonnes pratiques au service du football, les valoriser, pour que la FFF puisse ensuite leur donner de l’ampleur. C'est une fantastique source d’optimisme pour l’avenir. »
On fait ça de manière naturelle, pas pour les honneurs ou la célébrité. Quand vous aimez gens, ils vous le rendent.Anthony Trolet, président de l'Association Rouennaise de Football
Et de présenter ses actions (photo Philippe MAYEN / FFF).
Pragmatiques, les dirigeants du club espèrent aujourd'hui que cette mise en lumière, en présence de l'adjointe aux sports de la ville de Rouen, Sarah Vauzelle, leur permettra aussi de trouver plus facilement des terrains et des créneaux pour les entraînements, qui leur font beaucoup défaut. « L’Association Rouennaise de Football, en lien avec France terre d'asile, nous a démontré que la solidarité est avant tout une mise en action, celle de ses licenciés qui ont fourni des équipements, celle du club qui a financé le coût des licences, et celle des réfugiés soudanais qui, petit à petit, se sont fait des amis et ont partagé leur culture. Félicitations au club pour son engagement et merci à la FFF et au Fondaction de les valoriser et d’avoir entrepris cette expérience positive à l’échelon national », a salué l'élue municipale.
Anthony Trolet ne cache pas la modestie des moyens de son club, « un budget de 10 000 euros, essentiellement des fonds privés, peu de subventions », mais le regret est vite effacé par la fierté d'accomplir une mission d'une importante signification à ses yeux. « On a fait ça de manière naturelle, pas pour les honneurs ou la célébrité, dit-il des trémolos dans la voix. Les réfugiés que nous avons accueillis sont maintenant intégrés, on a réussi à trouver du travail pour beaucoup de nos joueurs. Ils participent à la vie du club, à l’organisation de repas solidaires, aux kermesses, ils aident à l’entraînement des jeunes. Ils sont présents. Malgré nos différences, culturelles, religieuses, de couleur ou la barrière de langue, on arrive toujours à un consensus, il y a toujours une compréhension de l’autre, un échange riche, une écoute et on a l’objectif commun de gagner des matches, parce qu’on joue aussi au football pour ça. Finalement, on se ressemble. Quand vous aimez les gens, ils vous le rendent. Et ils aiment notre pays. »
LA VIDÉO
Football & Réfugiés, le guide réédité
Édité en 2019 par le Fondaction du Football et la FFF, et inspiré de l'expérience de l'Association Rouennaise de Football, le guide Football & Réfugiés destiné aux clubs amateurs est aujourd'hui réédité avec un contenu actualisé, en collaboration avec la délégation interministérielle pour l’accueil et l’intégration des réfugiés. « On réédite ce guide parce que le contexte, législatif notamment, et les enjeux ont évolué, a expliqué Jacques Bungert, président du Fondaction, en présentant le document. L’objectif reste le même : donner aux clubs un outil pédagogique, synthétique, pour les conseiller, les accompagner dans leurs actions dans le domaine d’accueil et d’inclusion des réfugiés, les personnes en situation migratoire. Ce guide se veut très pratique, il identifie les organismes d’aide, donne les contact d’autres clubs qui peuvent partager leur expérience. Il extrêmement bien fait. »
Télécharger le guide Football & Réfugiés 2024
(Photo Philippe MAYEN / FFF).