ASC de Montgaillard, la solidarité alimentaire
Le club de La Réunion lutte contre le gaspillage et la précarité alimentaires par la distribution de colis, un restaurant solidaire et des formations. Autant d’actions racontées par son président, Fabrice Sanson.
Les colis alimentaires que l’Association Sportive et Culturelle de Montgaillard distribue chaque mois aux plus vulnérables depuis la saison dernière lui ont valu le trophée Philippe-Séguin 2024 du Fondaction du Football, dans la catégorie « santé et environnement ». Mais le club, qui tire son nom du quartier de Saint-Denis de La Réunion où il est implanté, ne se contente pas de cette action. Il la complète avec un « restaurant solidaire » ouvert deux fois par semaine et par des ateliers de prévention et de formation pour ses quelque deux-cents licenciés, dont une trentaine de féminines. Fabrice Sanson, son président depuis janvier 2023, détaille des initiatives « lancées pour rendre nos enfants citoyens et illustrer les valeurs du club que l’on retrouve sur les terrains : l’entraide, le partage, le respect et la solidarité ».
L’ENTRAIDE
« Une opération d’économie circulaire »
Joueur à l’AS Angoulême C92 puis au SO Châtellerault dans les années 1990, éducateur fédéral depuis 2018 à La Réunion – à l’EF de Saint-François puis à la JA du Port et, désormais, à l’ASC de Montgaillard –, c’est en devenant président de ce dernier club que Fabrice Sanson a transposé au football une activité qu’il pratique dans le civil. « Je suis chargé de mission à la Fondation Abbé-Pierre et je travaille pour une association habilitée à l’aide alimentaire, Mère Veille, qui réalise cela depuis des années. C’était donc naturel pour moi mais ce qui ne l’a pas été, c’est de la replacer dans un club sportif ».
Cela, c’est ce qu’il appelle « une opération d’économie circulaire : récupérer, trier et redonner des produits que les magasins jettent. On a commencé avec deux ou trois commerces et aujourd’hui, une dizaine sont agréés pour cette collecte. Ils jouent le jeu en nous donnant des denrées propres et en mettant chacun à disposition une personne le jour où l'on récolte, pour effectuer un premier tri et scanner les produits. Ils peuvent ainsi libérer de la place pour leurs stocks et bénéficier d’une déduction de leurs impôts, puisque cela passe en dons ».
Sans aucun coût pour le club car l’association où il travaille prête son camion frigorifique, fournit le carburant et paie les assurances. Non sans un nécessaire apprentissage des acteurs de l’opération, dont il se charge. « J’effectue tous les ans, pour les bénévoles qui souhaitent s’investir dans ce projet, une journée de formation sur la chaîne du froid, les denrées périssables… Cela nous permet d’avoir des gens autonomes et aptes à lutter contre le gaspillage alimentaire sur une île où l’on perd encore malheureusement beaucoup trop de produits ».
L’installation des denrées au club house de l'ASCM (photo ASC de Montgaillard).
LE PARTAGE
« Du bénévolat pur et dur »
Initiée la saison dernière, la démarche mobilise l’ensemble du club. « On ramasse un samedi matin par mois dans les magasins et on distribue le jour-même dans une salle aménagée qui est devenue notre club house, détaille le président. Une équipe référente différente est désignée à chaque fois, en passant par toutes les catégories d’âges. Les parents et les jeunes sont responsables du camion qui arrive, de le vider, de préparer les colis alimentaires et de les distribuer. C’est un gros samedi, il faut être disponible toute la journée ».
Mais sans réticence de leur part quand il s’agit de traiter un chargement distinct d’un mois à l’autre, qui est composé aussi bien de frais que de sec, de fruits et légumes, de viande mais aussi de produits d’hygiène, de papier toilette, de lessive, de brosses-à-dents… « Cela dépend de ce que l’on récupère, explique Fabrice Sanson. On a chargé par exemple trois palettes de lait en une fois et on n’en a plus eu ensuite pendant six mois. On essaie toujours de mettre du riz, une denrée de base ici, que l’on prépare en sachets individuels à partir de sacs de 20 kg pour être sûr que tout le monde en ait. On reconditionne tout le sec et le non-alimentaire, stocké si besoin chez notre association partenaire. Tous les joueurs du club sont investis. Ils ont tous réalisé l’opération au moins une fois, certains à trois ou quatre reprises. Les nouveaux sont d’abord assez surpris, notamment leurs parents. Mais ce sont souvent eux qui s’impliquent le plus. Cela nous permet une rotation entre anciens et nouveaux et d’avoir une quarantaine de parents accompagnateurs en capacité ».
« C’est vraiment du bénévolat pur et dur, on est exactement dans le partage, poursuit le président. En constatant qu’il y avait de plus en plus de personnes âgées, on a ainsi décidé en septembre dernier de désigner deux ou trois joueurs pour amener les sacs au domicile des mamies ». Avec un effet inattendu : « Les gens du quartier ont désormais une autre image du club de foot que celle qui fait du bruit, avec des gamins qui crient… Ils viennent maintenant nous regarder jouer le dimanche, certains connaissent les noms et prénoms des joueurs. Une autre ambiance s’est installée, ils voient que l’on est aussi dans une dimension sociale qui aide l’ensemble des habitants ».
Les joueurs, dirigeants et éducateurs prêts pour la distribution (photo ASC de Montgaillard).
LE RESPECT
« Ne pas créer de dépendance alimentaire »
Le lancement d’une telle campagne n’est pourtant pas allé de soi. « Personne n’y croyait au départ, reconnaît Fabrice Sanson. Les gens savaient que cela existait, que c’était mon métier à côté du football mais cela leur paraissait très compliqué à mettre en œuvre. Il a fallu dédramatiser. Il faut effectivement aller chercher soi-même les produits et il y a des réglementations à respecter mais, en fait, c’est très simple : si on distribue sorti du camion, il n’y a pratiquement rien à faire ».
Au point aujourd’hui d’être « un peu dépassé par l’ampleur des choses. On était parti pour une quarantaine de familles que l’on avait identifiées au club et dans le quartier, puisque l’on avait décidé dès le début d’ouvrir à l’ensemble de ceux dans le besoin de notre secteur. On en est aujourd’hui à plus de quatre-vingts colis par mois et on a même dû refuser une dizaine de personnes sur notre dernière opération puisque l’on n’avait plus rien à distribuer. À La Réunion, une bonne part de la population est au RSA*. En y ajoutant celle au minimum vieillesse, on n’est pas en manque de demandeurs, c’en est même inquiétant ».
Les collectivités locales ont donc vu d’un bon œil cette démarche intervenant en complémentarité avec leurs propres actions. « La seule chose à laquelle nous veillons avec la mairie, c’est de ne pas créer de dépendance alimentaire, souligne le président. Les bénéficiaires ne doivent pas dépendre du club car le jour où l’on s’arrête, parce que l’on part en vacances par exemple, il faut qu’ils restent autonomes. On est très vigilants là-dessus alors, on régule. Quand on distribue un colis, c’est environ 30 à 40 kg de marchandises. Pour une personne seule, cela correspond à peu près à quinze jours de couverture des besoins et pour une famille, à une semaine. C’est pour cela que l’on a choisi un rythme mensuel car si on distribuait toutes les semaines, on risquerait de créer cette dépendance ».
* Revenu de solidarité active, qui couvrait en juin 2023 un quart de la population légale de l’île (source Caf de La Réunion, mai 2024).
L’attente avant l’ouverture (photo ASC de Montgaillard).
LA SOLIDARITÉ
« L’idéal ? Que notre action s’arrête »
Le vendredi 20 décembre dernier, jour férié à La Réunion pour commémorer l’abolition de l’esclavage dans l’île, en 1848, un « repas partagé » a été organisé au club où « chacun a amené à manger, issu uniquement de denrées récupérées dans des magasins qui allaient les jeter ». L’une des autres actions périphériques de l’ASC de Montgaillard pour approfondir sa lutte contre le gaspillage et la précarité alimentaires. « On intervient aussi sur du soutien scolaire où on explique notamment aux enfants tout ce qui touche au recyclage. On a aussi les trois poubelles de tri, le tout pour propager les bonnes pratiques ».
Un « restaurant solidaire » a également été monté par le club. « Il fonctionne deux fois par semaine, avec des repas préparés en fonction des denrées récupérées, explique Fabrice Sanson. Il est ouvert à tout le monde les mardis et essentiellement aux femmes les jeudis. On a ciblé ainsi car on n’y arrivait malheureusement pas en mixité. La culture est compliquée ici, les places de l’homme et de la femme ne sont pas les mêmes. Les jeudis, cela donne aux femmes un temps de parole libérée alors que les mardis, il y a moins d’échanges : beaucoup d’hommes viennent manger et s’en vont, sans véritables dialogues. On n’est pas du tout sur la même expérience... ».
En cette période de vœux, le président en formule dès lors un principal. « Dans l’absolu, l’idéal serait que notre action s’arrête parce qu’elle n’aurait plus lieu d’être. Mais des marchandises pourtant encore consommables envoyées à la poubelle et des gens qui n’ont pas assez à manger, il y en a encore malheureusement trop... ».
Fabrice Sanson (en chemise blanche au centre) trophée du Fondaction du Football en mains à la cérémonie de remise 2024 (photo ASC de Montgaillard).
L’ASC DE MONTGAILLARD EN VIDÉO
Les bonnes pratiques du football amateur
Avec cette série des « Belles réussites du football amateur », la FFF met à l’honneur les initiatives et actions engagées par ses clubs partout en France. De quartier ou ruraux, avec plus ou moins de licenciés et licenciées mais toujours la même passion des pratiquants et pratiquantes, éducateurs et éducatrices, dirigeants et dirigeantes, de tous âges et toutes générations.
- Étape 1 : Les Enfants de la Goute-d’Or (Ligue de Paris Île-de-France)
- Étape 2 : RC Lemasson Montpellier (Ligue d’Occitanie)
- Étape 3 : GF Gesté-Tillières (Ligue des Pays de la Loire)
- Étape 4 : AS Bidache FC (Ligue Nouvelle-Aquitaine)
- Étape 5 : FC de Beausoleil (Ligue Méditerranée)
- Étape 6 : Val d’Europe FC (Ligue de Paris Île-de-France)
- Étape 7 : AS Pagny-sur-Moselle (Ligue du Grand Est)
- Étape 8 : FC Saint-Étienne-du-Rouvray (Ligue de Normandie)
- Étape 9 : Lyon-La Duchère (Ligue Auvergne Rhône-Alpes)
- Étape 10 : TO Jura Foot (Ligue Bourgogne Franche-Comté)
- Étape 11 : Lamballe FC (Ligue de Bretagne)
- Étape 12 : FC Plessis-Robinson (Ligue de Paris Île-de-France)
- Étape 13 : US Noyelles (Ligue des Hauts-de-France)
- Étape 14 : AS Fontonne Antibes (Ligue Méditerranée)
- Étape 15 : Olympique Senséen Arleux-Féchain (Ligue des Hauts-de-France)
- Étape 16 : CSO Amnéville (Ligue Grand-Est)
- Étape 17 : CS d’Ayze (Ligue Auvergne Rhône-Alpes)
- Étape 18 : AS Ginglin Cesson (Ligue de Bretagne)
- Étape 19 : ASC de Montgaillard (Ligue Réunionnaise)