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US Ramonville, à l’écoute du handicap

mercredi 12 février 2025 - 17:30 - Richard LOYANT
Football pour sourds US Ramonville

Le club de Haute-Garonne est un pionnier en football adapté avec son école de foot pour sourds, la première de France, imaginée et racontée par son président, John Bernard.

L’Union Sportive Ramonvile a innové la saison dernière, en créant la première école de football pour sourds de France. Une cinquantaine de joueurs en déficit auditif sont aujourd’hui intégrés aux entendants dans toutes les catégories jeunes et adultes du club, pour pratiquer sous la supervision d’éducateurs spécialisés en toute "normalité". Couplée à des actions de sensibilisation au sein du club occitan, comme la promotion de la langue des signes française (LSF), cette action a été couronnée par le trophée Philippe-Séguin 2024 du Fondaction du Football dans la catégorie « solidarité et inclusion ». John Bernard, jeune président-joueur de 33 ans de l’USR, présente ce « projet novateur qui prouve que le football est bien plus qu’un sport : c’est un puissant vecteur d’inclusion sociale et de solidarité sur et autour des terrains ».

 LA PREMIÈRE AUDITION 
« Refusés par les clubs jusqu’à leurs 16 ans »

Ramonville-Saint-Agne, commune de 16 000 habitants de la banlieue sud de Toulouse, abrite depuis près de quarante ans un Pôle d’enseignement des jeunes sourds (PEJS), qui accueille une soixantaine d’enfants. Une population que le club de la commune a inévitablement côtoyée, comme l’explique John Bernard. « Tout est parti d’une rencontre avec deux éducateurs eux-mêmes sourds, venus m’exposer une problématique à laquelle ils devaient faire face : des enfants sourds ne pouvaient pas pratiquer le football. Ils étaient refusés par les clubs alentours jusqu’à leurs 16 ans, l’âge à partir duquel ils pouvaient prendre une licence handisport. » 

« Je leur ai proposé un test en les mêlant aux entendants, poursuit le président. On a commencé par deux ou trois, âgés de 7 ans. » La greffe a rapidement pris et ils sont aujourd’hui une cinquantaine, intégrés dans toutes les catégories, des U7 jusqu’à un vétéran de 50 ans, en restant libres de passer sous l’égide de la Fédération Française Handisport (FFH) quand ils atteignent leurs 16 ans. Le tout sans nécessiter de lourdes adaptations pour le club.

« La principale spécificité du football sourd est que l’arbitre a un drapeau au lieu d’un sifflet, qu’il agite pour signaler les fautes, précise le dirigeant. On a aussi une personne bilingue au club, Théo Latger, présent tous les mercredis aux entraînements et chargé d’un relais si besoin entre les enfants ou entre les parents. Il a conçu un petit livret numérique sur la langue des signes pour apprendre aux entendants quelques signes basiques à comprendre ou transmettre, pour échanger. On l’a communiqué à toutes les catégories l’an dernier et cette saison, dans le cadre d’une action éducative sur le handicap en général ». Pour le reste, « les enfants sont intégrés aux entendants sur les mêmes créneaux horaires d’entraînements et de matches. Ils n’ont pas de créneaux dédiés à leur pratique, sauf s’ils le demandaient mais ce n’est pas d’actualité pour l’instant ». 

Séance d’entraînement mêlant joueurs sourds et entendants (photo US Ramonville).

 L’ENTENTE ENTRE JOUEURS 
« Une méconnaissance à surmonter »

Pour ces jeunes jusqu’ici sevrés de ballon, l’adhésion a évidemment été immédiate. « C’était un peu triste de savoir qu’avant, ils jouaient tout seul dans leur jardin ou parfois dans la cour de récré. Ils étaient privés d’un apprentissage cadré du football, d’éducateurs véhiculant les vraies valeurs de la FFF. Aujourd’hui, ils disputent des matches, ou participent aux plateaux pour les plus petits, avec les entendants et sont extrêmement contents de cette action ».

Même si l’approche a été un peu plus délicate pour les joueurs du club. « Les enfants ont été un peu perturbés au tout début, reconnaît John Bernard. Ils ne leur faisaient pas de passes, c’était un peu rageant. Ils avaient des aprioris sur les sourds, il y avait un palier à franchir, une méconnaissance à surmonter. Il a suffi d’un peu de pédagogie et ils jouent maintenant normalement, en nous disant que ce sont des joueurs de foot comme les autres. On communique avec les gestes pour les déplacements, les positionnements sur le terrain et il n’y a plus de soucis ». 

Une évolution rapide dont se réjouit le président. « Nos jeunes entendants ne réfléchissent plus en termes de handicap, c’est aussi cela qui a été apprécié : peu importe les différences, ils se sont vite aperçus qu’ils étaient capables de faire une passe, de tirer, de célébrer comme les autres. Cela a changé leur regard, leur a donné une ouverture. Maintenant, ils ne se posent plus de questions et jouent au foot, tout simplement ». 

John Bernard avec le président de la FFF Philippe Diallo et Julien Fernandez, service civique qui a contribué à l’action (photo US Ramonville).

 L’APPUI DES ADULTES 
« Un échange s’est créé »

Côté parents, l’initiative a pris d’emblée. « Ils ont toujours été ouverts sur le fait d’inclure des enfants sourds parmi les entendants, souligne le dirigeant. Un échange s’est créé et pas mal se sont engagés au club en tant que bénévoles, pour aider ». Un soutien d’autant plus apprécié que le nombre de joueurs intéressés s’est rapidement multiplié. « Les sourds forment une petite communauté, très proche et soudée, cela s’est donc très vite su lorsque l’on a lancé cette pratique. L’impact que l’on n’attendait pas a été celui sur les 16-20 ans et les adultes, qui nous a poussés à créer cette saison les sections seniors et foot en salle sourds ». 

Au point de développer encore cette action ? « De plus en plus de parents me demandent si cela va encore grandir, jusqu’à monter une véritable filière dédiée dans le futur, révèle le président. Mais je ne peux pas contrôler le nombre de sourds qui vont venir. La portée de l’action est limitée par ce nombre et la population de la ville, des gens n’ont pas encore déménagé pour intégrer la section. Et puis, il est nécessaire de trouver des personnes compétentes, bilingues, etc. pour des postes quand même spécifiques. Nous avons acheté un minibus pour nos déplacements en championnat national et nous cherchons un salarié à temps partiel pour gérer les aspects administratifs et financiers de cette section. Mais il nous faudrait un véritable suivi et un soutien accru des instances et des collectivités pour nous aider à développer le football sourd ». 

Si la municipalité a ainsi applaudi des deux mains cette initiative, elle n’est pour l’instant pas parvenue à l’épauler autant qu’elle le souhaiterait. « La ville nous donne un appui moral mais pas financier, car son portefeuille est déjà contraint, admet John Bernard. Un budget global est alloué au sport et si elle nous donne plus, ce sera moins pour l’athlétisme, le basket ou autres. À la mairie, ils sont très fiers de ce que l’on a fait, et on s’entend bien avec eux ».

Initiation à la langue des signes au club (photo US Ramonville).

 L’HARMONIE À PRÉSERVER 
« Rester pragmatique »  

Avec le recul de près de deux saisons, John Bernard peut aujourd’hui distiller quelques conseils et pointer les écueils à éviter. « Le plus complexe est le suivi précis de la section, dirigée par des personnes handicapées et dépendant en partie d’une structure, la Commission fédérale de football des sourds (CFFS) de la FFH, beaucoup moins organisée, développée et dotée financièrement que la FFF. Il faut être derrière eux, à leur soutien, c’est très gourmand en termes de temps ».

Dès lors, « il est important de définir un plan de développement dès le départ, qui permet de bien cadrer et ne pas se retrouver submergé aux premières arrivées de joueurs. Quand on a vu venir de nouveaux enfants toutes les semaines, on avait déjà les éducateurs, les créneaux et les terrains prévus pour les accueillir. Il faut vraiment bien préparer en amont et, ensuite, ne pas hésiter à se lancer ». Sans pour autant sacrifier les autres composantes de l’association. « En créant cette section, le but n’était pas de devenir un club de sourds, ni qu’elle nous "mette dans le rouge". Il faut rester pragmatique : si l’on reste capable d’obtenir l'argent et le personnel pour s’en occuper, elle continuera, ce dont j’ai plus que fortement envie ».

Avec les officiels à la cérémonie de remise des Trophées Philippe-Séguin 2024 (photo Bruno BADE/Fondaction du Football).

 L’US RAMONVILLE EN VIDÉO 

 

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