Ben Saada, Le Tallec, génération 84
Dix-neuf ans après leur titre de champion du monde U17, en 2001, les deux attaquants du SC Bastia et du FC Annecy ont toujours la flamme du foot.
Le SC Bastia et le FC Annecy ne suivent pas les mêmes trajectoires cette saison en National. Le premier, lutte pour la montée, le second se bat pour le maintien. La rencontre de ces deux volontés opposées, vendredi dernier en Haute-Savoie lors de la 16e journée de championnat, s’est conclue par un résultat nul (1-1) arraché dans les dernières minutes par les Corses.
Les carrières de Chaouki Ben Saada et Anthony Le Tallec ont, elles aussi, suivi des trajectoires bien différentes avant de les conduire respectivement à Bastia et Annecy. Mais elles ont une même date et un même point de départ : le 30 septembre 2001 à Port-d’Espagne, capitale de Trinité-et-Tobago. Et surtout un même évènement fondateur : un titre de champion du monde U17 conquis en finale contre le Nigeria (3-0) sur la pelouse du Hasely Crawford Stadium !
Dix-neuf années plus tard, le souvenir de cette victoire reste gravé en eux et constitue toujours le trait d’union de cette génération dorée 84, dont Chaouki Ben Saada et Anthony Le Tallec sont, à 36 ans l’un et l’autre, les derniers membres encore en activité au haut niveau. Ce souvenir les a une nouvelle fois réunis l’autre soir, à l’occasion de cet Annecy-Bastia placé pour les deux anciens coéquipiers tricolores sous le signe du plaisir des retrouvailles.
Photo Jean-Paul Giacobbi/SC Bastia
"On se suit sur les réseaux sociaux"
"Cela fait très plaisir de se revoir, c’est sûr, on ne se croise pas souvent. C’était l’occasion de prendre des nouvelles de nos familles et de parler du championnat", clament-ils en chœur. " Anthony est un bon pote, je le suis régulièrement sur Instagram, il est très actif", dit le Bastiais. " Chaouki est quelqu’un que j’apprécie, confirme l’Annécien, mais je ne lui ai pas souhaité bonne chance avant le match quand même !" Une-deux parfait, comme à l’époque.
"On s’est surtout dit que l’on n’est plus tout jeunes, cela commence à être un peu dur, rigole Ben Saada. Les autres ont tous arrêté, je pense, on s’est suivi dans les journaux et maintenant sur les réseaux sociaux, comme Jacques (Faty) et Mourad (Meghni). Ils sont restés des copains." Après les sélections de jeunes, jusqu’en Espoirs pour certains, les routes se sont séparées, vers des destins divers. "Mais la plupart a réussi à faire son trou dans le foot, comme Stéphen (Drouin), Hassan (Yebda), Emerse (Faé), Florent (Sinama-Pongolle) ou Jérémy Berthod avec lequel j’ai joué à Auxerre. J’ai gardé des contacts avec eux", indique Le Tallec.
On a marqué l'histoireAnthony Le Tallec
"Si loin, si proche"
Autant de noms qui font vite réapparaître les images de cette Coupe du monde U17 soulevée ensemble. "C’était il y a très longtemps, c’est vieux, s’amuse Ben Saada, mais les images sont ancrées dans ma mémoire. Lorsque l’arbitre siffle la fin de finale surtout. On a la fierté d’avoir remporté une grande compétition qui nous a lancés dans le grand bain et apporté une reconnaissance. Je mets ce souvenir dans le top 5 de ma carrière avec mes participations à la Coupe des confédérations 2005 et la Coupe du monde 2006 avec la Tunisie*, et les deux montées en Ligue 1 avec Troyes (2015, 2017). J’ai gardé la mini-réplique du trophée, ma médaille et un maillot."
Ces reliques du passé et du triomphe de 2001 trônent aussi en bonne place chez Anthony Le Tallec. "Je dois avoir un maillot chez mes parents mais le trophée et la coupe du meilleur passeur sont sur mon bureau, je les vois tous les jours, avoue l’ancien buteur U17 (trois buts en phase finale, dont un en finale). C’est à la fois très loin et très proche. Ce fut une aventure absolument incroyable, avec un super groupe. On avait 17 ans, on représentait notre pays et on gagne. c’était fantastique. J’ai tellement de souvenirs en moi, la finale, le coup de sifflet de l’arbitre, le sacre. Tout retombe, toute la pression, on se retrouve tous ensemble sur le terrain. On a marqué l’histoire, aucune autre génération n’a remporté cette compétition. C’est dans mon top 3. J’étais impliqué à 1 000 %, je jouais tous les matches, avec Florent (soulier d’or avec 9 buts) on formait un duo infernal. Chaouki était le troisième attaquant, il n’a pas pu s’exprimer comme il le souhaitait, mais il était dans le groupe et apportait sa bonne humeur. Il nous faisait des tours de magie, je me rappelle bien."
Photo Maxime Mathieu/FC Annecy
"Toujours la même passion"
Vendredi dernier, Ben Saada s’est encore fendu d’un tour de magie en égalisant pour Bastia à la 90e minute d’un magistral coup franc du pied gauche dans la lucarne de la cage annécienne. Son deuxième but de la saison. En août 2019, le Tunisien a rejoint son club formateur du SCB, alors en National 2. Pour boucler la boucle. La retraite, la reconversion ? "Je veux passer mes diplômes pour devenir éducateur et m’occuper des jeunes, confie-t-il. Mais pas tout de suite ! La passion du foot est intacte et j’ai toujours envie d’être sur le terrain, de jouer. J’ai la chance d’évoluer dans un club entouré d’un réel engouement, avec un projet que je veux aider à réaliser. Ici, c’est ma ville, le club de mon cœur, où j’ai fait toutes mes classes de 5 à 24 ans."
La même passion continue aussi d’animer son compère haut-savoyard, arrivé au FCA en septembre 2019, le douzième club** d’un parcours qui l’a vu glaner une Ligue des champions (Liverpool, 2005) et une Coupe de France (Sochaux, 2007). "Le football c’est toute ma vie, c’est ce qui me fait vivre, assure Anthony Le Tallec. J’ai envie de jouer encore longtemps. Le FC Annecy m’a proposé un contrat de trois ans. À 35 ans, ce n’est pas donné à tous les joueurs. C’est un signe de confiance. Je suis très content d’être ici et d’apporter mon expérience à cette équipe. On a obtenu la montée l’année dernière, cette saison est plus difficile. Plus tard ? Je me vois bien entraîneur spécifique pour les attaquants, puis directeur sportif ou même président de club."
D’ici là, les trajectoires de Chaouki Ben Saada et Anthony Le Tallec auront suivi celles de leurs clubs respectifs. Jusqu’aux prochaines retrouvailles, le 30 avril prochain, au stade Furiani pour le match retour entre le SC Bastia et le FC Annecy. Vingt ans après la Coupe du monde U17 2001...
* Chaouki Ben Saada a choisi la nationalité tunisienne en 2005. Il compte 40 sélections avec la Tunisie.
** Le Havre AC, FC Liverpool, Le Havre AC, Sunderland, AS Saint-Etienne, FC Sochaux, Le Mans UC, AJ Auxerre, Valenciennes FC, Atromitos FC (Grèce), Astra Giurgiu (Roumanie), US Orléans, FC Annecy.
Anthony Le Tallec (à gauche) et Chaouki Ben Saada (à droite) entourent Emerse Faé, en septembre 2001. (Photo Yann Perrin/FFF)
L'épopée de 2001
Vice-championne d’Europe U16 quelques mois plus tôt (défaite 1-0 contre l’Espagne), la sélection nationale U17 conduite par Jean-François Jodar dispute la 9e édition de la Coupe du monde FIFA de la catégorie, du 13 au 30 septembre 2001 à Trinité-et-Tobago, dans les Caraïbes. D’abord battus par le Nigeria (2-1), les Bleuets se qualifient pour le deuxième tour grâce à des succès sur les Ėtats-Unis (5-3) et le Japon (5-1). Puis ils éliminent le Brésil (2-1), tenant du titre, en quarts de finale, et se jouent de l’Argentine (2-1) en demi-finale. De nouveau opposés au Nigeria en finale, les Tricolores s’offrent une victoire (3-0, buts de Sinama-Pongolle, Le Tallec et Piètre) en guise d’apothéose. Ils décrochent le premier titre mondial pour une sélection nationale de jeunes.
Le groupe des champions du monde :
- Gardiens : Florent Chaigneau (Stade Rennais), Mickaël Fabre (Bologne FC).
- Défenseurs : Jérémy Berthod (Olympique Lyonnais), Julio Colombo (Montpellier HSC), Kevin Debris (Le Havre AC), Laurent Mohellebi (AS Monaco), Jacques Faty (Stade Rennais, cap.).
- Milieux : Stéphen Drouin (FC Nantes), Emerse Faé (FC Nantes), Gaël Maïa (Girondins de Bordeaux), Mourad Meghni (Bologne FC), Samuel Piètre (Paris SG), Hassan Yebda (AJ Auxerre).
- Attaquants : Chaouki Ben Saada (SC Bastia), Luigi Glombard (FC Nantes), Kevin Jacmot (Olympique Lyonnais), Anthony Le Tallec (Le Havre AC), Florent Sinama-Pongolle (Le Havre AC).
- Sélectionneur : Jean-François Jodar
Photo Yann Perrin/FFF