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Eugénie Le Sommer : "Les droits des femmes, c’est toute l’année !"

lundi 8 mars 2021 - 10:04 - Laura GOUTRY
Eugénie Le Sommer

À l’occasion de la journée des droits des femmes, l’attaquante internationale de l’OL (31 ans), meilleure buteuse de l’histoire des Bleues, se confie sur la place de la femme dans le football, ses évolutions "immenses" depuis 2011, l’exemple Stéphanie Frappart, la mixité en général...

"Que représente pour vous la journée internationale des droits des femmes ?
J’ai un sentiment un peu partagé. C’est bien que cette journée existe, c’est une victoire de porter ces questions sur le devant de la scène mais, dans le même temps, que fait-on le reste de l’année ? Le mouvement est-il vraiment en marche, est-ce qu’on continue à en parler et à agir ? Les droits des femmes, c’est toute l’année, pas uniquement le 8 mars !

À l’échelle du football français, le leadership au féminin, c’est… l’Olympique Lyonnais, non ?
C’est vrai que l’OL est le moteur du football féminin français, désormais rejoint au niveau international par des clubs comme le PSG qui fait un très bon travail. Cette mise en lumière des femmes sportives de haut niveau permet de créer des modèles auxquelles les petites filles peuvent s’identifier. On peut aussi parler des instances du football, comme la FFF, avec des femmes dirigeantes. Plus il y aura de femmes dans ces instances, plus les lignes bougeront. Mais il faut évidemment que ce soit à compétence égale car mettre une femme parce qu’elle est une femme n’a aucun sens. L’égalité, la parité, ce ne sont pas juste des questions d’image. Hommes et femmes se complètent vraiment. On a parfois des points de vue différents, tout simplement parce qu’on a des sensibilités distinctes mais les partager, les confronter est bénéfique. 

L’égalité, la parité ce ne sont pas juste des questions d’image. Hommes et femmes se complètent.

 

Vous avez été la première femme élue au comité directeur de l’Union nationale des footballeurs/euses professionnel(le)s. Quels sujets défendez-vous ?
Je suis écoutée, je n’ai pas besoin de me battre pour qu’on entende ma voix. Je ne voulais pas y aller en figurante. On aborde des sujets très divers. J’essaie de faire avancer le football féminin à travers ma position en expliquant ce qui peut évoluer, ce qu’on peut encore améliorer. Je fais aussi partie d’un groupe de travail à l’initiative de la FNASS (Fédération Nationale des Associations et Syndicats de sportifs). Nous réfléchissons aux meilleurs moyens d’aider les sportives de haut niveau dans leur pratique, même si les problématiques ne sont pas forcément les mêmes d’un sport à l’autre. 


Eugénie Le Sommer et ses coéquipières de l'Olympique Lyonnais célèbrent leur succès lors de la Coupe de France féminine 2020 (photo Bastien LHERITIER / FFF). 

Quel regard portez-vous sur l’évolution du football féminin depuis 2011 au niveau français ?
La Coupe du monde 2011 a permis de faire connaître le football féminin au grand public. Les matches étaient retransmis sur les grandes chaînes, on a fait un parcours exceptionnel et inédit en atteignant les demi-finales. J’ai le sentiment que ça a été une date clé dans le développement du football féminin. La Fédération a pris les choses en main à ce moment-là. J’aimerais que cette évolution soit encore plus rapide mais on ne peut pas non plus aller plus vite que la musique. Depuis 10 ans, l’évolution est immense, presque tout a changé : les infrastructures mises à disposition, l’attention médiatique, les moyens financiers... Ce n’est pas fini, il faut encore travailler, s’améliorer et développer le football féminin. 

Depuis 10 ans, l’évolution est immense, presque tout a changé !

 

Quelles sont pour vous les prochaines pistes d’évolution ?
La prochaine étape primordiale sera la mise en place d’un championnat entièrement professionnel. Il y a encore trop de disparités entre les clubs. Certains ont la totalité de leurs joueuses sous contrat ; elles peuvent donc se consacrer à 100% au football. D’autres ont une minorité de joueuses sous contrat et le reste de l’effectif doit travailler le jour et s’entraîner le soir. Les premières sont donc plus performantes. Il faut aussi continuer à développer le football de masse comme le fait la FFF pour avoir un vivier encore plus conséquent de talents pour les clubs de haut niveau et les équipes de France.

En tant que femme, avez-vous rencontré des difficultés dans le football ?
Je parlerai plutôt de challenge, celui de montrer aux gens que les filles peuvent jouer au foot. Le football, c’est tout pour moi, c’est ma passion depuis toute petite, c’était une évidence. J’aurais tout fait pour jouer. Cette passion et cette envie sont devenues mes moteurs. Forcément, le fait d’être une fille et de jouer à mon époque n’était pas facile. Il y avait un regard différent de la part des gens, j’entendais des choses bien sûr… Mais je me suis construite à travers ça et cette passion m’a aidée à surmonter les obstacles. 


Ici durant le troisième match de groupe à l'occasion de la Coupe du monde féminine 2011 contre le pays hôte, l'Allemagne (photo Patrik STOLLARZ / AFP). 

Des femmes dans le football vous ont-elles inspirée ?
Non parce qu’à l’époque le football féminin n’était pas médiatisé. La première que j’ai connue, c’était Marinette Pichon parce qu’elle partait aux États-Unis et que les médias s’y sont un peu intéressés. Mais c’était déjà tard dans mon cursus et je ne l’ai jamais vue jouer. En matière de football, je n’ai eu que des modèles masculins. Mais aujourd’hui je suis heureuse de constater que tout cela a changé. Les jeunes filles peuvent désormais s’identifier à nous, c’est là qu’on mesure l’évolution.

Stéphanie Frappart ? Ce qui me réjouit surtout c’est qu’on parle d’elle avant tout pour ses compétences et ses réussites.

 

Stéphanie Frappart est aussi un symbole de cette évolution positive du football vers la mixité…
Je suis son actualité. C’est une précurseure, quelqu’un qui montre la voie à d’autres femmes. Ce qu’il faut avant tout c’est qu’on ait des arbitres capables et elle, elle démontre que c’est possible. C’est un exemple à suivre pour toutes les arbitres au niveau national comme international et c’est une très bonne chose pour la France. Mais ce qui me réjouit surtout c’est qu’on parle d’elle avant tout pour ses compétences et ses réussites. 

La FIFA a pris certaines mesures pour favoriser la maternité chez les joueuses pros. Qu’en pensez-vous ?
C’est un bon début mais il y a encore beaucoup de choses à faire pour accompagner les joueuses qui ont un désir de grossesse durant leur carrière. Aujourd’hui, cela se fait la plupart du temps après car c’est trop compliqué pour diverses raisons de le faire pendant. Les sportives doivent être soutenues par tous les acteurs du sport. La maternité est quelque chose de normal pour une femme dans les autres métiers, pourquoi pas pour une sportive professionnelle ? Physiologiquement, c’est possible."

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