Équipe de France

Michel Stievenard : « Une grande année de ma vie »

vendredi 23 avril 2021 - 10:00 - Richard LOYANT
Michel Stievenard 2021

À J -49 de l’ouverture de l’Euro, retrouvailles et témoignage de Michel Stievenard, acteur en 1960 sous le maillot bleu de la première phase finale d’une compétition qui s’appelait alors « Coupe d’Europe des nations ».

Pluie et grisaille rappelant le Nord où il est né, à Waziers en 1937, belle maison dans un quartier calme de l’agglomération d’Angers, en Maine-et-Loire, grande stature ouvrant une porte à deux battants comme dans les fermes d’antan, un après-midi de janvier dernier. Sous ses sourcils blanchis et froncés, il en impose comme sur les terrains qu’il a écumé les temps passés, mais tout autant avenant au visiteur venu cogner à son huis. 

Madame est là, prévenante, l’accueil comme la maison sont chaleureux, le couple est heureux de n’être pas tombé dans l’oubli. Michel Stievenard, mémoire intacte, peut raconter, avec l’émotion et la force de l’attaquant qu’il reste, un football d’antan et une première phase finale du championnat d’Europe des nations dont il a disputé les deux rencontres, ses deux seules sélections sous le maillot bleu, en 1960.

DES BLEUS SANS LEURS CRÈMES À CHANTILLY

« Physiquement hors concours »

« La préparation de quinze jours à Chantilly s’est effectuée dans une ambiance sympa avec M. Albert Batteux, entraîneur et un grand bonhomme. J’étais ailier gauche en ayant toujours eu une bonne condition physique. Avant d’aller au RC Lens, j’avais fait l’École normale car je voulais être prof’ de gym. J’étais bon dans tous les sports et celui que je pratiquais le moins au début, c’était le foot. J’ai fait du basket, du hand dans les buts, de l’athlétisme et physiquement, j’étais au-dessus. Raymond Kopa et Just Fontaine n’étaient pas là, il manquait aussi Armand Penverne, Roger Piantoni et François Remetter. François Heutte a été désigné avant-centre et moi, je n’ai pas joué en 11 mais en 10, avec Jean Vincent sur un côté. Cela m’avait étonné mais M. Batteux m’avait placé au milieu parce que physiquement, j’étais hors concours ». 

Sous le maillot bleu (Archives FFF).

UN MARIAGE EN BLANC…

« Arrivé tout feu, tout flamme »

« 1960 est une grande année de ma vie avec d’abord mon mariage en mars puis cet Euro en juin. J’étais passé par les sélections Juniors et Espoirs, j’avais 23 ans, j’étais en pleine bourre et le mariage m’avait fait du bien [rires]. D’autres joueurs pas très sérieux sont venus en touristes alors que je suis arrivé tout feu, tout flamme. J’ai gagné ma place de titulaire ainsi, en préparation à Chantilly et lors des matches amicaux. Avec pour récompense de disputer cet Euro, à la fois un bon et un mauvais souvenir ».

…ET UN ENTERREMENT EN BLEU

« Venus pour gagner »

« On a d’abord joué la Yougoslavie, ce fameux match que l’on perd 4-5 et que je n’oublierai jamais car on mène 4-2 alors qu’il restait un quart d’heure de jeu. On aurait dû le gagner. Le gros responsable, si l’on peut dire et paix à son âme, a été Georges Lamia, gardien de l’OGC Nice : sur les cinq buts, quatre sont pour lui. C’était aussi le premier match de Robert Herbin, comme pour moi, et disons qu’en défense centrale, cela a aussi "foiré" un petit peu. Cela a été une grosse déception car l’important pour nous était d’aller en finale. La "consolante" ensuite à Marseille n’importait plus et on l’a perdue 2-0 contre la Tchécoslovaquie. Il fallait le faire mais on ne jouait pas pour la troisième ou quatrième place. On était venu pour gagner ».

SON STYLE DE JEU

« Un mélange de Mbappé et de Giroud »

« J’étais très rapide comme Kylian Mbappé [sourire] et j’avais un très bon jeu de tête, comme Olivier Giroud [nouveau sourire]. C’était mon point fort et j’étais aussi costaud, très physique… C’est impossible de comparer. On était professionnel mais ce n’était pas comme aujourd’hui en encadrement et suivi médical. Il n’y avait rien. Quand un joueur était blessé, il devait se soigner lui-même. Je me suis fait reprendre de volée par mes dirigeants d’Angers SCO après avoir pris un coup – j’en ai d’ailleurs toujours la trace [il la montre sur sa cuisse] – pour être allé moi-même à Paris chez un "magicien kiné", qui m’avait rétabli en huit jours. Ils n’avaient pas été contents de cette démarche… ». 

Un style percutant et spectaculaire, sous le maillot d’Angers SCO face au Red Star le 24 octobre 1965 en Division 1 (prise de vue Richard Loyant/FFF d’une reproduction en grand d'Agence Universal Photo).

408
matches disputés en quatorze saisons de Division 1 (108 buts) et 75 en trois saisons de Division 2 (3 buts).
2
sélections en Équipe de France, lors de la phase finale de l’Euro 1960.
3
trophées nationaux, championnat de France de D2 1969 (Angers SCO), Coupe Charles-Drago 1959 et 1960 (RC Lens).

UNE CARRIÈRE TRICOLORE AVORTÉE

« Le douzième avec la pharmacie »

« Ce n’était pas la même époque : on jouait à onze, un autre prenait la pharmacie pour faire le douzième sur le banc et s’il y avait un blessé, il ne pouvait pas entrer en jeu. J’ai été sélectionné ensuite une dizaine de fois mais je n’avais aucune chance d’entrer en étant remplaçant. J’ai regretté de n’avoir pas pu jouer avec Kopa et Fontaine en Bleu. Je ne l’ai fait qu’en stages et au niveau ballon, c’était très supérieur. Raymond, on ne pouvait pas lui prendre la balle, il était tellement accroché au sol… Il n’y a pas eu trente-six joueurs comme lui. Il avait vraiment un style particulier, il ne marquait pas beaucoup mais il faisait marquer, dont Fontaine qui, lui, ne ratait pratiquement rien ».

Buteur sous les couleurs du RC Lens, son premier club professionnel, avec qui il remportera deux Coupe Charles-Drago (photo Archives FFF).

LE FOOTBALL DE MAINTENANT

« Jouer, une récompense »

« Cela m’horripile quand les joueurs se plaignent de disputer trop de matches. Nous, les entraînements nous embêtaient, jouer était la récompense. Qu’est-ce qu’une heure et demie quand vous êtes en condition physique ? En revanche, ce que je vois actuellement me désole, et ce n’est pas la faute des joueurs. Ces stades vides… On a besoin du public, ça "dope", même si les stades ont changé. Quand on allait à Nîmes, par exemple, les gens étaient au bord de la touche et j’aimais bien cela, même si on se faisait siffler ». 

Avec l’un des rares trophées qu’il a gardés, souvenir d’un match de gala entre Angers SCO et le Benfica Lisbonne d'Eusébio, Ballon d’or 1965 et seul buteur de cette rencontre (0-1), le 14 juin 1967 au Parc des Princes devant 30 000 personnes (photo Richard Loyant/FFF).

LES BLEUS D’AUJOURD’HUI

« Mbappé a toutes les qualités »

« J’adore Kylian Mbappé. Il a toutes les qualités et il me semble être un gosse super intelligent, ce qui n’est pas le cas de tous les footeux. J’ai connu beaucoup de joueurs n’ayant pas fait carrière par leur faute. Tout ce que j’ai maintenant, c’est en ayant été très sérieux. Quand on débute à dix-sept ans, on lève le petit doigt et les filles viennent en courant. C’est surtout ce qu’il ne fallait pas faire. Il faut une vie régulière et vous ne l’avez que si vous êtes bien encadré par la famille. Dans toutes les générations, il y a toujours eu des très bons et d’autres tout autant, mais qui n’avaient rien dans le cigare. Lorsque l’on mise sur une quinzaine d’années, il ne faut pas les louper. J’ai arrêté à 33 ans, j’aurais pu continuer mais j’ai jugé que c’était le bon moment. C’est pourquoi j’apprécie aussi Didier Deschamps qui, je crois, connaît bien tout cela ».

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