Équipe de France

Maryan Wisniewski : « Si Jonquet n’est pas blessé… »

samedi 1 octobre 2022 - 09:01 - Richard LOYANT
Maryan Wisniewski Coupe du monde 1958

Le 28 juin 1958, les Bleus battaient l’Allemagne pour la troisième place du Mondial en Suède. Décédé en mars 2022, Maryan Wisniewski, qui l'a disputé, témoignait en 2021 sur FFF.FR de cette première épopée tricolore et… d’un autre football.

Le samedi 28 juin 1958 au stade Ullevi de Göteborg (Suède), l’Équipe de France battait sans discussion celle de la République Fédérale d’Allemagne (3-6) pour s’adjuger la troisième place de la Coupe du monde. Maryan Wisniewski (photo principale, à gauche avec Just Fontaine à Saltsjobaden durant ce Mondial), attaquant du RC Lens de 21 ans après avoir été trois ans auparavant l’un des plus jeunes sélectionnés tricolores, a disputé ensuite la première phase finale de l’Euro en 1960 en France, plus décevante pour les Bleus. Décédé le 4 mars 2022, il était revenu en 2021 pour FFF.FR sur le premier fait d’armes de l’Équipe de France en tournoi final d’une grande compétition. 

 L’AVANT COUPE DU MONDE 
« Les têtes dans le sac »

« On n’était pas parmi les favoris quand on est partis de France. On a joué peu avant à Paris contre une sélection Racing Club de Paris-Stade Français et on a été mauvais, mais mauvais… On a dû gagner 2-1 dans les cinq dernières minutes mais après un match tellement minable… Quand on a quitté le stade, les supporters voulaient renverser le car. Je me revois encore assis et je le sens bouger. Ils nous crachaient dessus, ils nous insultaient… On est partis en Coupe du monde "les têtes dans le sac", comme l’on dit.

 LE STAGE EN SUÈDE 
« Le moral est revenu »

« On est arrivés quinze jours avant et on s’est installés avec, moralement, toujours "la tête dans les chaussettes". Le Batteux [Albert, entraîneur], le Snella [Jean, entraîneur adjoint] étaient "emmerdés"… On l’était tous ! M. Batteux nous a dit : "Bon les gars, avec ce que l’on vient de subir, pas d’entraînement avant quelques jours". Mais il y avait des joueurs comme Robert Jonquet et Armand Penverne, des messieurs solides, qui ont dit : "Bébert, – parce que c’était aussi leur entraîneur au Stade de Reims – y’a rien à faire, on est venu pour la Coupe du monde, demain on s’entraîne !". Et le lendemain, on s’est entraîné. On a ensuite disputé quelques matches amicaux que l’on a gagné largement et le moral est revenu ! Puis, Raymond Kopa est arrivé avec le sourire après avoir gagné la finale de la Coupe d’Europe [Real Madrid-AC Milan, 3-2 ap]. Le meilleur joueur, c’était Raymond et après qu’il est venu nous renforcer, on savait qu’on allait gagner les matches ». 

Albert Batteux en Suède, entre Raymond Kopa et Just Fontaine (Archives FFF).

 PREMIER MATCH CONTRE LE PARAGUAY 
« Qui pouvait nous battre ? »

« Le Paraguay, on ne l’avait jamais vu, on ne savait pas qui ils étaient. On pensait que les joueurs, "ils avaient quatre jambes !" [Rires] On est allé les voir à l’entraînement – remarquez qu’eux, ils ont fait la même chose – et là, non, ils sont comme nous et en plus, ils sont plus petits, voire un peu plus gros [rires]… On en a blagué et on s’est tapé le Paraguay 7-3 ! Ensuite, le moral était tellement super chez nous que l’on se demandait qui pouvait nous battre et on n’a plus perdu un match jusqu’au Brésil [hormis celui contre la Yougoslavie au premier tour, 3-2]. Le moral en football, c’est comme ça, cela tient parfois à peu… ». 

 LA DEMI-FINALE FRANCE-BRÉSIL 
« On méritait d’être en finale »

« Le malheur, c’est que Jonquet – le grand Jonquet ! – a le péroné fracturé. J’ai toujours dit que c’était volontaire parce qu’il a été agressé par derrière et on a ensuite joué à dix. À cette époque, on ne remplaçait pas les blessés, le problème était là. C’était le Brésil avec le jeune Pelé, qui nous en met trois quand même [1-2 à la mi-temps, 2-5 score final] mais pour nous, c’était une Coupe du monde faussée parce que je crois qu’on la méritait. On ne l’aurait peut-être pas gagnée, je n’en sais rien, mais on méritait au moins d’être en finale. Et je ne sais pas si Jonquet n’est pas blessé, on ne la gagne pas, cette Coupe du monde. On avait un moral tellement extraordinaire… ». 

Demi-finale terminée pour Robert Jonquet, évacué par ses coéquipiers Raymond Kaelbel et Armand Penverne... mais qui reviendra pourtant sur le terrain et terminera le match en dépit de sa double fracture (Archives FFF).

 L’ALLEMAGNE POUR LA TROISIÈME PLACE
« Un match vraiment magnifique »

« L’Allemagne au dernier match, oh là, là ! C’était l’anniversaire de M. Paul Nicolas [sélectionneur] et, étant le plus jeune de l’équipe, je devais lui remettre un cadeau, je ne sais plus ce que c’était. Il était content, mais il était content ! Et il a dit : "Oh les gars ! Je vous remercie tous et le meilleur plaisir que vous pouvez me faire, c’est de battre les Allemands !". Il l’a sorti comme cela, de tout de son cœur. On a ensuite disputé un match vraiment magnifique [victoire 3-6], avec quatre buts de Just Fontaine qui termine meilleur buteur. On a vraiment été solides du premier jour jusqu’au dernier ».

Le onze de France aligné face au Brésil en demi-finale de la Coupe du monde 1958 (de gauche à droite) : Robert Jonquet, Claude Abbes, Raymond Kopa, Roger Piantoni, Just Fontaine, Maryan Wisniewski, Armand Penverne, Jean Vincent, Jean-Jacques Marcel, André Lerond, Raymond Kaelbel (Archives FFF).

 LE RETOUR EN FRANCE 
« J’étais un déserteur »

« Quand on est rentrés, on ne s’attendait pas à cela : il y avait peut-être 15 ou 20 000 personnes à Orly ! Quand on est partis, ils voulaient nous frapper et là, ils sont venus nous embrasser. J’avais 21 ans et je suis tombé face à face avec une belle jeune fille, je n’ai pas pu résister. J’étais alors militaire au Bataillon de Joinville et j’ai disparu pendant une semaine à Paris. Le commandant a envoyé les "flics" chez moi parce que, passé une semaine, j’étais déserteur. Une fois rentré au Bataillon, ils m’ont "collé en taule". Ils m’ont appris à marcher au pas dans la cour, j’ai fait le défilé militaire du 14 juillet sur les Champs-Élysées et 48h après, on partait en Algérie ! Voilà ma prime de match de la Coupe du monde 1958 [rires] ».

 LE FOOTBALL D’AUJOURD’HUI 
« Plus du tout le même »

« C’est incomparable, le football a beaucoup changé. Il y avait moins de journaux, moins de ceci et de cela… On n’était pas parqués comme maintenant : quand on est arrivés dans notre camp du Kopparberg en Suède, on était libres, on allait à la pêche, j’ai pu partir une journée pour la passer avec un ami… Je regarde les matches à la télé et je ne peux pas dire que je ne me régale pas, mais ce n’est plus du tout le même football. Jonquet, Penverne, Kopa, Fontaine… C’étaient des messieurs et je suis content d’avoir joué avec ces gens-là ». 

fédération française de football - FFF
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