HOMMAGE

« Le jour où on s’est qualifié, c’était parti »

dimanche 27 mars 2022 - 09:01 - Claire GAILLARD
EDF Féminine 1996-1997

Aimé Mignot, qui s'en est allé dans la nuit de vendredi à samedi, a été le premier sélectionneur à conduire les Bleues en phase finale d’un Euro. Extraits de l’entretien qu’il nous avait accordé en 2018.

C’était un vendredi matin ensoleillé de septembre 2018. Aimé Mignot nous avait donné rendez-vous au siège de la Ligue Auvergne Rhône-Alpes où le retraité était bénévole et continuait de venir plusieurs fois par semaine après y avoir été notamment Conseiller technique régional dans les années 80. L’ancien défenseur aux 400 matches de D1, vainqueur de la Coupe de France comme joueur (1964) puis entraîneur (1973) avec Lyon fut le premier sélectionneur à hisser l’équipe de France féminine en phase finale d’un Championnat d’Europe en 1997. Ce jour-là, il avait partagé les souvenirs de ses dix années vécues, de sa nomination à la tête des Bleues à cet Euro. Mort dans la nuit de vendredi à samedi à l'âge de 89 ans, la FFF lui rend hommage à travers cet entretien. 

« Comment êtes-vous devenu sélectionneur de l’Équipe de France féminine ?
C’était après mes expériences d’entraîneur à Lyon (1968-1976), Angers (1976-1979) et Alès (1979-1981). Un jour alors que j’étais en stage à Vichy, le Président de la Fédération à l’époque, Jean Fournet-Fayard, m’appelle pour me proposer de prendre en mains l’Équipe de France féminine. Il m’a laissé réfléchir et m’a donné rendez-vous dans sa maison de campagne dans la Drôme aux alentours du 15 août (1987) pour lui donner ma réponse. J’étais surpris. Je lui ai répondu : ‘‘Attendez Président, l’Équipe de France féminine ? Mais je n’ai jamais entraîné de filles !  J’en ai discuté avec mes proches et ils m’ont conseillé d’accepter. 

Les joueuses à Aimé Mignot lors du premier stage : « Nous voudrions que vous nous appreniez à jouer (...) Individuellement, on a de la technique mais collectivement, on ne sait pas jouer ensemble. »

 

Quels souvenirs gardez-vous de votre premier rassemblement ?
C’était un mini-stage de deux jours à La Queue-en-Brie, à côté de Saint-Maur. À l’époque, il fallait trouver un lieu car on n’avait pas encore Clairefontaine. Je me suis retrouvé devant des joueuses qui avaient, pour certaines, 10-15 matches internationaux. Je les ai réunies et leur ai dit ceci : ‘‘Je voudrais savoir ce que je peux vous apporter ?’’ Il y avait 25 joueuses et pas une réponse. Je n’étais pas à l’aise. Finalement, l’une d’elle a pris la parole : ‘‘Nous voudrions que vous nous appreniez à jouer au football’’ Je leur ai répondu : ‘‘Pardon ? Vous savez jouer, vous êtes des internationales !’’ Elle ne s’est pas démontée et m’a expliqué : ‘‘Individuellement, on sait jouer, on a de la technique mais collectivement, on ne sait pas jouer ensemble.’’ On est alors allé sur le terrain, j’ai constitué deux équipes, leur ai demandé de jouer et les ai prévenues que si je voyais une erreur collective, j’arrêterais le jeu pour les corriger. J’ai interrompu le jeu trois ou quatre fois durant le premier quart d’heure. Puis je leur ai demandé de jouer en tenant compte de ce qu’on avait travaillé. Elles ont appliqué mes consignes. J’ai rapidement remarqué qu’elles avaient du talent et travaillaient beaucoup. Il y avait énormément d’écoute. 

Archives FFF

Quel était alors le niveau du football féminin ?
Il y avait pas mal de filles qui étaient très bonnes techniquement mais ça manquait d’agressivité et de contact. Disons que ça jouait tranquille, amateur. Petit à petit, il y a eu beaucoup plus de licenciées et de travail. Aujourd’hui, je dirais que les jeunes ont de belles qualités physiques. On a progressé en termes d’engagement. 

De quelles conditions bénéficiez-vous ?
Il y avait beaucoup moins de matches que maintenant, on devait avoir 4 ou 5 rassemblements dans l’année. Désormais, il y en a le double. Lors des gros matches, on jouait devant 1 500-2 000 personnes, face à de plus petites équipes, il devait y en avoir 300-400. Les joueuses avaient, forcément, moins de matériel et d’équipements. Il a fallu un peu se battre et jouer des coudes pour faire notre place, ce n’était pas évident. Mais le jour où l’on s’est qualifié pour le Championnat d’Europe 1997, le premier dans l’histoire, c’était parti. 

« Désormais, il y a une vraie politique de développement de la pratique. La Coupe du Monde féminine en France en 2019, il fallait le faire quand même ! » 

Aimé MIGNOT

Cette performance reste-t-elle votre meilleur souvenir ?
Il m’a fallu dix ans pour les qualifier ! Ça a été très dur pour en arriver là car à cette époque, les nations de football féminin les plus fortes étaient les pays nordiques : Norvège, Suède, Finlande et Danemark. En 1996, on se retrouve justement à jouer notre qualification contre la Finlande, à Avranches, en Normandie. Si on l’emporte, on est qualifiées. Et on l’a fait (3-0, le 28 septembre 1996 ; 2-0 à l'aller) ! On a bien fêté ça, il y a eu un grand barnum. Le Président de la FFF nous a félicitées mais il était moins présent que Monsieur (Noël) Le Graët aujourd’hui. Le football féminin en était à ses prémices. Désormais, il y a une vraie politique de développement de la pratique. La Coupe du Monde féminine en France en 2019, il fallait le faire quand même ! Le Président a eu du cran de présenter la candidature de notre pays à l’organisation. Jamais je n’aurais pensé un jour que ça aurait lieu en France, trente ans après que j’ai été le sélectionneur national ! Pour en revenir à notre Euro, le petit regret, c’est de ne pas s’être qualifiées pour les demi-finales. Il a manqué de l’expérience. Une joueuse aussi m’a fait défaut, c’est Aline Riera. Je voulais la prendre et finalement, je ne l’ai pas retenue. C’est mon erreur. Aline était une numéro 6 qui effectuait un travail précieux. Si je l’avais eu au milieu contre la Suède (0-3, le 5 juillet 1997), on n’aurait pas perdu. » 

La liste des 20 joueuses retenues pour l’Euro 1997

1. Sandrine Roux
2. Hélène Hillion-Guillemin
3. Laetitia Gravier
4. Cécile Locatelli
5. Corinne Diacre
6. Elodie Woock
7. Candie Herbert
8. Jocelyne Gout
9. Anne Zenoni
10. Sandrine Ringler
11. Marinette Pichon
12. Aude Banasiak
13. Elodie Jacq
14. Sandrine Soubeyrand
15. Angélique Roujas
16. Céline Marty
17. Stéphanie Mugneret-Béghé
18. Stéphanie Trognon
19. Emmanuelle Sykora
20. Sandrine Capy

 

 

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