Équipe de France féminine

Sandrine Roux : « Une aventure et une découverte »

jeudi 30 juin 2022 - 10:00 - Richard LOYANT
Sandrine Roux

La capitaine de la première Équipe de France féminine qualifiée pour la phase finale d’une grande compétition revient sur ce temps de pionnières et analyse les chances des Bleues pour 2022.

Après six campagnes éliminatoires européennes infructueuses depuis le début des années 1980, l’Équipe de France féminine touche à un premier but fin 1996 en se qualifiant pour le septième championnat d’Europe de l’UEFA, organisé en Norvège et en Suède du 29 juin au 12 juillet 1997. Pilier des Bleues dont elle est alors la capitaine, Sandrine Roux a tout connu des précédentes désillusions jusqu’à ce premier accomplissement. Aujourd’hui entraîneure nationale et référente du suivi socio-professionnel à la FFF, elle en raconte les ressorts et son dénouement.

« Quelle souvenir gardez-vous de cette première ?
Pour être franche, je n’ai pas de grand souvenir de la phase de qualification. Le seul greffé dans mon cerveau est le barrage contre la Finlande. Il a été tellement hors normes même si, sur les deux matches, on gagne 5-0 [0-2 à l’aller, 3-0 au retour]… Cela paraît large mais cela a été assez tendu car on connaissait l’enjeu. Le retour chez nous où l’on se qualifie a été un moment fantastique : on avait l’impression d’être championnes du monde ! Jusque-là, on n’était pas passées pour diverses raisons, il nous manquait toujours un petit truc, la chance n’était pas avec nous… Là, c’était un premier aboutissement.


La joie des Bleues après le coup de sifflet final du barrage retour (photo Ligue de Basse-Normandie).

Le tirage vous est ensuite clément…
On n’est effectivement pas tombée dans un gros groupe alors que dans l’autre, il y avait l’Italie qui est allée en finale, le Danemark qui sortait d’un quart de finale du Mondial, l’Allemagne qui l’a emporté et la Norvège championne du monde en titre. On a tiré l’Espagne qui, à l’époque, était loin d’être ce qu’elle est aujourd’hui. La Russie n’était pas non plus exceptionnelle. Restait la Suède chez elle, qui était pour nous l’épouvantail. Quand on rencontrait la Norvège, le Danemark ou la Suède, on partait pour essayer d’en prendre le moins possible. On savait donc qu’il fallait assurer les points aux deux premiers matches.

Mais vous êtes accrochées d’entrée par l’Espagne…
Ce match me restera toujours en travers de la gorge. On doit gagner 4 ou 5-0 tellement on a dominé, avec tout ce qui va avec : les barres, les poteaux, la gardienne qui sort un match comme elle n’en a jamais fait en réalisant des arrêts déterminants… Elles marquent sur un contre où l’on n’est pas bien en place, ni très concentrées tellement on domine. C’est la douche froide, on repart à l’attaque mais impossible de marquer, avant d’égaliser à vingt minutes de la fin (1-1). Je ne me souviens pas d’un autre match où l’on a autant dominé et autant raté, mais ça ne voulait pas. 

Vous êtes donc au pied du mur contre la Russie ?
Oui mais on gagne tranquillement (3-1) et là, on commet une grosse erreur, de débutantes : on boit le champagne ! Oh, pas grand-chose, une petite coupe, mais on était dans l’effervescence et la convivialité. On se voyaient déjà qualifiées car il ne fallait pas que l’on prenne plus de deux buts lors du dernier match contre la Suède. Je pense aussi que certaines équipes nous avaient vues et que cela n’a pas dû leur plaire…

Une partie du groupe réuni à Clairefontaine avant l’Euro 1997 (photo Éric Dubray/FFF).

Et que s’est-il passé face à la Suède ?
On en a pris trois et en plus, pas n’importe lesquels ! Je provoque un penalty en n’analysant pas bien la situation, j’arrive en retard, je prends très peu le ballon et beaucoup la joueuse [rires]. Puis, ma « Coco » Diacre marque contre son camp d’une aile de pigeon, qui était devenue chez elle un réflexe défensif : je lui ai souvent dit qu’elle m’avait mis plus de buts ainsi qu’à nos adversaires [rires]. J’avais bien crié : « J’ai ! », mais peut-être pas au bon moment. On passe à la trappe sans avoir démérité (3-0), il nous a manqué un but pour passer. Le pire c’est qu’au repas final de fin de phase de groupes avec toutes les équipes, l’Espagne était juste derrière nous et je ne cache pas que là, cela a été compliqué. Elles nous ont bien chambrées mais on l’avait bien mérité.

Comment expliquez-vous cet échec ?
On ne peut pas parler de fiasco parce que c’était la première fois que l’on participait. Cela a été une aventure et une découverte pour tout le monde, y compris pour Aimé Mignot, le sélectionneur. On a manqué de vigilance, on s’est vues en demi-finale avant d’avoir joué les matches. Ce n’est pas un manque d’humilité, davantage de la méconnaissance et l’euphorie de la première fois. On avait un groupe de très bonnes joueuses qui avaient déjà gagné en clubs et qui arrivaient à maturité comme Corinne [Diacre], Marinette [Pichon], Stéphanie [Mugneret], Cécile [Locatelli], Jocelyne [Gout], Hélène [Guillemin]... On avait une grosse envie mais aussi beaucoup de fébrilité. Je me suis vue dans des états de nervosité que je ne me connaissais pas, un manque de gestion de l’émotion alors que j’étais capitaine et la plus capée. On a mal géré l’à-côté, l’environnement de la compétition. »

71
sélections pour Sandrine Roux
67
titularisations
39
capitanats avec les Bleues

Quelles sont les chances de l’Équipe de France à l’Euro 2022 ?
Elle a les moyens d’aller au bout de cet Euro, reste à savoir comment va vivre le groupe. Avoir un staff qui s’entend bien et une équipe qui vit bien, c’est le cœur de la réussite, bien avant le terrain. Je suis confiante avec les joueuses que l’on a, l’expérience, le talent et le potentiel qu’elles ont… Aujourd’hui, tout le monde nous craint, personne n’a envie de tomber sur la France comme nous sur la Suède, la Norvège ou l’Allemagne à l’époque. Il faut qu’elles en soient persuadées, affichent détermination et solidarité, que tout le monde ait le même objectif, tire dans le même sens, soit heureux d’être là et ai envie de « tout péter ». La réussite passera par-là, comme en 1998 et en 2018 pour les garçons. Je sais que Corinne, son staff et les filles l’ont bien compris.

Qui seront ses principales adversaires ?
Toutes les équipes sont bien préparées. Je voie l’Espagne, notre bête noire chez les jeunes depuis 2015 même si elles sont encore un peu en-deçà chez les seniors. L’Allemagne sera toujours là même si ce n’est plus celle d’avant, je le voie chez les jeunes au niveau du jeu. L’Angleterre chez elle dans des stades pleins, on sait que mentalement, elle sera là et donc dangereuse. Il y a les pays scandinaves [Danemark, Islande, Finlande, Norvège et Suède sont qualifiées], qui restent toujours compliqués à jouer. L’Italie me parait un cran en-dessous. C’est ouvert, je ne vois pas une équipe dominante comme les États-Unis au niveau mondial ou l’Allemagne il fut un temps. On a vraiment un beau coup à jouer si on met tous les ingrédients dans le même saladier. Une phase finale se joue à tellement rien… J’espère qu’il ne nous manquera pas ce petit truc qui nous a toujours fait défaut jusqu’ici. »

Sandrine Roux au centre sur la photo officielle de la saison 1996-1997 (photo Archives FFF).

Mignot, l’être Aimé…

« Le sélectionneur est arrivé avec son accent qui met du soleil, sa joie de vivre, ses compétences, le vécu de toute sa carrière de joueur puis d’entraîneur, même s’il ne connaissait pas le football féminin. Mais il connaissait le football, avec la pédagogie et l’envie de nous apprendre, de redonner aux autres. On était comme des petites filles, on buvait ses paroles. On admirait cet homme toujours bienveillant, en permanence dans la discussion et l’échange. Il nous a apporté la confiance et la sérénité qui nous manquaient. Il nous a tellement donné que ma première pensée a été pour lui quand on s’est qualifiées : « Merci Aimé, enfin ! On y est arrivé ! ». On avait ensuite toutes envie de lui décrocher la lune, de le récompenser avant nous-mêmes. Pour cet Euro, il était là depuis dix ans, il allait arrêter et on voulait lui offrir le cadeau d’un beau parcours. J’aurais tellement aimé que l’on puisse lui apporter au moins une demi-finale... C’était « Monsieur Mignot », je ne l’ai jamais tutoyé. »


Aimé Mignot et son adjointe Élisabeth Loisel à l'orée de la saison 1996-1997 (photo Archives FFF).

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