RÉTRO EURO FÉMININ

Aline Riera : « Rien ne s'est passé comme prévu »

lundi 4 juillet 2022 - 12:00 - Claire GAILLARD
Aline Riera France-Suède avril 2002

L’ancienne défenseure a dû digérer la déception d’un premier Euro manqué en 1997 à cause de son cursus scolaire avant d’y prendre part quatre ans plus tard. Si les Bleues survolent les qualifications, la phase finale est plus compliquée.

Passée notamment par Juvisy et Saint-Brieuc, Aline Riera, désormais Trésorière de la Fédération Française de Football, a vécu quasiment une décennie en sélection entre mai 1993 et novembre 2002. Pour FFF.FR, l’ex-internationale française (60 capes) convoque les souvenirs de l’Euro 2001 et sa phase de qualification. Elle revient aussi sur l'édition 1997 où le sélectionneur Aimé Mignot ne l'avait pas retenue.

« L’Euro 2001 était votre premier après avoir raté celui de 1997… Comment aviez-vous vécu ce rendez-vous manqué ? 
Assez mal. Je suivais une formation d’éducatrice spécialisée dans une école privée et on ne me libérait pas pour les rassemblements. Mes absences étaient donc limitées. J’avais pu disputer un certain nombre de matches de qualification mais pas tous. Le coach a fait le choix de ne pas m’emmener. Cela a été difficile pour moi, j’en ai beaucoup discuté avec Aimé Mignot (alors sélectionneur), pour lequel je vais avoir une pensée durant cette Euro car il est parti cette année. Il m’a toujours dit que sa plus grosse erreur durant ses années à la tête de l’Équipe de France c’était de ne pas m’avoir prise. À cette époque-là, on n'était pas payées. Je jouais à Saint-Brieuc, j’avais un appartement donc un loyer et des charges à payer. Mes parents m’aidaient financièrement. J’ai fait le choix de privilégier les études : je ne pouvais pas me permettre de redoubler une année et ça m’a coûté ma place pour cet Euro. Je n’étais pas la plus à plaindre, certaines joueuses prenaient sur leurs congés pour venir en sélection et se retrouvaient sans vacances !

« Le match de qualification à l’Euro contre la Suède à Nîmes ? Je dispute une bonne partie en étant strappée à la mi-temps et avec une cheville qui a doublé de volume ! Dans ces cas-là, on oubli la douleur car on est tout près d’un truc fabuleux : terminer premières de notre groupe… »

 

Comment s’étaient passées les qualifications ?
Dans notre groupe, la Suède était le gros morceau, la tête de série. On savait que ça allait être très compliqué, qu’il allait falloir gagner chez nous et faire un résultat là-bas pour se qualifier afin d’éviter les barrages ou pire l’élimination. On n’avait jamais battu la Suède ! C’était souvent cette équipe ou le Danemark qui nous barrait la route ces dernières années. On parvient à faire match nul chez elles (2-2, le 29 septembre 1999) alors qu’on menait 2-1 jusqu’à cinq minutes de la fin. On avait réalisé un sacré match, c’est notre premier match référence avec cette génération. On ramène un point, c’est ce qu’on était venu chercher mais on aurait pu, on aurait dû revenir avec la victoire. Ensuite, on fait un sans-faute et puis il y a ce match retour à Nîmes au Stade des Costières où on bat la Suède (2-0, le 1er juin 2000). Un truc de fou ! C’était notre premier match couperet pour une qualification. Avec notre prestation à l’aller, on savait qu’on pouvait les mettre en danger voire même les battre et on se qualifie ! C’est Anne Zenoni qui ouvre le score. Sur un duel aérien, je me souviens m’être fait une sérieuse entorse mais je dispute une bonne partie du match en étant strappée à la mi-temps avec une cheville qui a doublé de volume ! Je ne voulais pas les abandonner. Dans ces cas-là, on oublie la douleur car on est tout près d’un truc fabuleux : terminer premières de notre groupe de qualification devant la Suède.


Elisabeth Loisel, alors sélectionneure, et son staff lors de l'Euro 2001 (photo ICON SPORT). 

Quels souvenirs conservez-vous de ce premier Euro ?
On affronte l’Italie face à qui on a toujours du mal à gagner mais qui est à notre niveau, la Norvège qui vit ses meilleures années et le Danemark qui nous bat à chaque fois car on n’arrive pas à les maîtriser. Il fallait finir parmi les deux premiers du groupe. On savait ce qui nous attendait, on était hyper motivées après avoir battu la Suède pour se qualifier et rien ne se passe comme prévu. Est-ce le stress ? Le manque de mental lors des grands rendez-vous ? On démarre par la Norvège, le gros morceau, et c’est la cata. Tous les faits de jeu sont contre nous, on marque contre notre camp, on est complètement tétanisées par l’évènement. Plusieurs joueuses disputaient leur première compétition. On avait perdu Peggy Provost qui s’était fait une rupture des ligaments croisés quelques semaines auparavant. On partait donc avec une défense remaniée et, sur le premier match, on a coulé. On était pourtant bien préparée mais je pense qu’on a été prises par l’enjeu et le fait d’affronter le favori d’entrée a plombé le reste de notre compétition. On s’est tiré une balle dans le pied parce qu’on marque un but contre notre camp. De mémoire, il y a des erreurs individuelles avec une passe pas assez appuyée entre notre défense et notre gardienne, il y a plein de faits de jeu. On n’a pas joué ce match, on les a trop respectées, on s’est fait marcher dessus et on n’a pas su répondre. À ce moment-là, on n’était peut-être pas assez préparées pour ce combat d’entrée.


La joie des Danoises, qui remportent leur deuxième match de groupe contre la France au terme d'un scénario rocambolesque (4-3, photo ICON SPORT).

Face au Danemark, l’entame de match est ratée mais vous affichez une belle réaction en revenant à 2-2 avant de vous incliner…
C’est vrai, il y a une réaction. À 0-2 après 18 minutes, on se dit qu’il n’y a plus rien à perdre, qu’il faut qu’on montre autre chose. Les Danoises avaient remporté leur premier match, elles sont en confiance, nous si on enchaîne par une défaite, l’aventure est terminée. On prend des risques et on revient à 2-2. On est de nouveau menées. La fin de match, c’est du n’importe quoi. Gaëlle Blouin égalise en contrant la gardienne. Puis, il y a des faits de jeu, on encaisse un dernier but, Corinne (Diacre) se fait expulser, l’arbitrage – selon nous – n’est pas à la hauteur. Un point aurait pu nous permettre de nous sauver en réalisant un gros score contre l’Italie lors du dernier match. On y a mis l’énergie du désespoir mais la chance n’a pas voulu tourner dans notre sens. Au coup de sifflet final, on sait que l’Euro est terminé.

« L’Équipe de France ? C’est davantage la force collective quoi ressort de ce groupe même s’il y a des individualités exceptionnelles. Corinne a d’abord voulu mettre en avant un groupe qu’elle a peu changé, elle est restée assez conservatrice dans ses choix et elle a avancé petit à petit. La finalité est là avec cet Euro. »

 

Que pensez-vous de l’Équipe de France féminine aujourd’hui ? 
En 2001, on avait une super génération. On était un groupe de copines, heureuses de se retrouver, il n’y avait pas de professionnalisation. La génération suivante de Camille Abily, Louisa Necib… était une génération dorée. Elles avaient le bagage pour aller au bout et elles n’ont pas réussi. Aujourd’hui, ce qui ressort de l’Équipe de France entraînée par Corinne Diacre, c’est la force collective. Avec ou sans certaines individualités, cette équipe montre une sérénité dans les bons comme dans les mauvais moments. Elle a su passer certains écueils lors des grands évènements qu’à mon époque, nous n’avions pas su franchir. C’est une nouvelle page qui s’écrit. Un mélange entre des joueuses qui ont l’expérience des grands rendez-vous mais qui n’ont pas encore réussi à aller au bout et des jeunes qui, en catégorie de jeunes, ont remporté des compétitions, savent ce qu’il faut faire, arrivent avec naïveté, légèreté et fraîcheur. À chaque fois que l’une d’elles entre en jeu, on sent qu’elles ont envie de tout donner. C’est davantage la force collective quoi ressort de ce groupe même s’il y a des individualités exceptionnelles. Corinne a d’abord voulu mettre en avant un groupe qu’elle a peu changé, elle est restée assez conservatrice dans ses choix et elle a avancé petit à petit. La finalité est là avec cet Euro. Je les trouve sereines, il y a des sourires, du travail, de l’humilité. Elles figurent parmi les favorites et elles l’assument.


La coach Corinne Diacre félicite ses joueuses après leur succès face au Vietnam, vendredi dernier (7-0, photo Tim GUIGON / FFF). 

Ce Championnat d’Europe est-il très attendu après le report d’une année en raison de la pandémie ?
Oui, on va retrouver l’Euro avec des jauges pleines en espérant que la situation ne change pas d’ici là car l’épidémie repart en flèche. On l’attend avec impatience car c’est une compétition post-Coupe du monde 2019 en France. Il y a eu des nations déçues ce qui génère forcément des attentes pour 2022. Et il y a aussi cette envie de faire la fête, voir des supporters de toutes les équipes arriver. La FFF a fait acte de candidature pour accueillir l’édition 2025. Cela pourrait donc être un aperçu de ce qui pourrait nous attendre dans trois ans. Et si on pouvait obtenir l’organisation et accueillir cette compétition avec un titre à défendre, ce serait énorme ! Il y a beaucoup d’attentes et de festivités organisées, on espère que ce sera réussi dans le pays du football. Quoi demander de mieux qu’un Euro en Angleterre, le pays du football ? »

La fiche d'Aline Riera

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