ARBITRAGE

Gringore, Danos, et deux qui font trois

dimanche 27 novembre 2022 - 10:00 - Philippe MAYEN
Nicolas Danos Cyril Gringore

Depuis 2016, Cyril Gringore (à droite) et Nicolas Danos sont les assistants fidèles de Clément Turpin. Le trio arbitral tricolore participe au Qatar à sa deuxième Coupe du monde.

Depuis leur désignation pour ce Mondial qatari, le palmarès international de Cyril Gringore (50 ans, arbitre FIFA depuis 2010, licencié au FC Rouen, Ligue de Normandie) et Nicolas Danos (42 ans, arbitre FIFA depuis 2013, licencié à l'AS Muret, Ligue d'Occitanie) a pris un peu plus d'épaisseur encore, en même temps que celui de Clément Turpin, chef d'équipe. Cette Coupe du monde est ainsi leur deuxième d'affilée, après celle de 2018 en Russie. Ils sont aussi connu deux Euros (2016 et 2020), une phase finale de Ligue des Nations (2019) et deux finales inter-clubs européennes (Ligue Europa 2021 et Ligue des champions 2022). Interview croisée avec les deux arbitres-assistants à l'heure de ce nouveau tournoi majeur.

Les arbitres français à la Coupe du monde 2022

« Comment avez-vous préparé et abordez-vous cette deuxième Coupe du monde, après celle de 2018 ? 
Cyril Gringore : Je vais m'attacher à bien en profiter et à savourer tous les moments pour prendre encore plus de plaisir puisque, pour ma part, cela sera la dernière. On l’a préparée sereinement, avec l’encadrement de la FIFA et de la DTA, l’objectif essentiel étant d’arriver au top physiquement et mentalement pour le début de la compétition, dans un contexte de calendrier international très serré.

Nicolas Danos : Plusieurs stages ont été organisés par la FIFA, dont un au mois de juin à Madrid. Il faut répondre présent à chaque fois du mieux possible. Pour nous, en fait, chaque match français ou européen auquel nous avons pris part a été une occasion de nous préparer. Chaque match est important. Quel que soit le niveau, Ligue 1, Europa League, Ligue des champions, il faut être concentré.

L’expérience accumulée au plus haut niveau constitue-t-elle un atout ? 
CG : Nous avons eu la chance de participer à la Coupe du monde 2018, à l’Euro 2020 et à d’autres tournois encore. On a donc pour nous d’avoir une expérience des grands rendez-vous. Le fonctionnement de l’équipe reste le même, mais la remise en question est permanente. On ne sait jamais ce que nous réserve chaque compétition. On se doit d’être prêt dans tous les domaines.

Notre trio existe depuis 2016 et peut s’appuyer sur une grosse solidarité. On se dépouille tous les uns pour les autres.

Cyril Gringore

Selon vous, quelles sont les clés du succès du trio que vous formez avec Clément Turpin ? 
CG : Une bonne entente et même une bonne complicité est nécessaire, particulièrement dans le cadre d’une grande compétition où nous sommes appelés à passer plusieurs semaines voire plus d’un mois ensemble. Et c’est le cas. Notre trio existe depuis 2016 - Clément et Nicolas officiaient déjà ensemble depuis 2011 même - et peut s’appuyer sur une grosse solidarité. On se dépouille tous les uns pour les autres. La relation sportive est importante mais la relation humaine passe avant. Quand on critique Clément, on se sent tous critiqués. Et quand il reçoit des honneurs, ces honneurs rejaillissent aussi sur nous. La notion d’équipe est centrale.

ND : Il existe une grande confiance entre nous trois et c’est primordial. Cela nous permet de partager de bons moments, de construire de beaux projets sportifs. Il y a parfois des moments moins sympathiques, cela fait partie du football et de notre fonction, mais on a pris l’habitude de tout se dire, en positif comme en négatif. On forme une équipe solide. La question du quatrième arbitre est différente, on sait qu’il est amené à changer dans une compétition internationale. Notre trio constitue donc le cœur de l’équipe.

Précisément, comment cette équipe fonctionne-t-elle sur le terrain ? 
CG : Sur un match, Clément est le patron sur le terrain, et nous sommes là pour l’assister du mieux possible. Chacun reste à sa place. Il sait qu’il peut compter sur nous quand il en a besoin, et inversement. On arbitre ensemble depuis tellement longtemps que l’on se connaît par cœur. On sait comment Clément va se positionner, à quel moment il va siffler ou ne pas siffler, et à quel moment il a besoin de nous pour apporter une aide éventuelle. S’il n’y avait pas une excellente entente entre nous, cela se ressentirait sur le terrain.

Nicolas Danos et Cyril Gringore entourant Clément Turpin lors de la finale de la Ligue des champions 2022 (photo GONZALES / ICON SPORT).

Vous échangez beaucoup via les micros et les oreillettes au cours d'un match ? 
ND : L’arbitre central a besoin de rester serein et d’une grande concentration, la communication ne doit pas être polluée par trop de messages, le risque étant qu’il rate un fait de jeu important. On s’attache donc à laisser le canal libre et si l’on communique, cela doit être 100 % évident et 100 % clair.

CG : Notre principe de fonctionnement est assez simple, nous n’intervenons que lorsque c’est nécessaire. Nous n’avons pas besoin de nous parler beaucoup, et quand il n’y a rien à dire, on ne dit rien. On peut ne rien entendre dans les oreillettes pendant cinq, six ou sept minutes, c’est assez fréquent. Et si l’on intervient, on essaye de le faire de manière précise.

Prendre du plaisir et croire en ses rêves, se dire que tout est possible, même si parfois il y a des coups durs.

Nicolas Danos

En quoi la VAR a-t-elle modifié votre rôle l'arbitre-asssitant ? 
ND : La VAR a changé pas mal de choses pour nous. Nous avons dû changer notre « logiciel ». Sur le hors-jeu, nous devons maintenant attendre la fin de l’action pour lever notre drapeau, si nous avons un réel doute. Mais c’est positif, cela permet d’être beaucoup plus serein sur le terrain et le soir, on dort mieux à l’hôtel ! On n’a plus le petit doute en tête d’un but hors-jeu que l’on n’aurait pas vu ou du ballon qui serait rentré sans que l’on puisse le voir. La justice footballistique est respectée. C’est un vrai plus.

Quel est le meilleur souvenir vécu ensemble ?
ND : Pour ma part, le barrage intercontinental retour de qualification à la Coupe du monde 2018, entre le Pérou et la Nouvelle-Zélande, à Lima [16 novembre 2017], un voyage de trois ou quatre jours. Un périple. On jouait notre participation à la phase finale sur ce match, il n’y avait pas de VAR, on ne pouvait compter que sur nous-mêmes. Il y avait une ambiance extraordinaire autour de cette rencontre, dans la rue comme dans les tribunes. Partout, tout le monde portait le maillot du Pérou, même les policiers. Je me souviens des bouchons pour arriver au stade et de l’explosion de joie au premier but péruvien [score final 2-0, aller 0-0].

CG : Oui, ce même match pour moi également, il nous a tous marqués. Et puis aussi, plus récemment, la finale de la Ligue des champions en mai dernier au Stade de France. Un super souvenir, malgré les événements que l'on sait. On a eu la chance d’être désignés sur cette finale, chez nous, devant nos familles, quelque chose d’extraordinaire..

Si vous aviez un message pour les arbitres amateurs, quel serait-il ? 
CG : Au risque de ne pas être très original, d’abord de prendre du plaisir à arbitrer. Et ensuite, de travailler, de persévérer et de toujours croire que tout est possible. Si on m’avait dit, quand j’ai commencé l’arbitrage il y a trente ans au niveau district et ligue, que je vivrai une Coupe du monde puis une deuxième, je ne l’aurais jamais cru. On peut être issu du milieu amateur et parvenir au sommet de l’arbitrage.

ND : Prendre du plaisir et croire en ses rêves, se dire que tout est possible, même si parfois il y a des coups durs. À notre niveau, nous sommes protégés et moins menacés, mais j’ai beaucoup d’admiration pour nos collègues qui arbitrent en district et en ligue. Ils sont seuls sur leurs matches. »

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