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Amel Majri : « Être maman, ça change la vie »

lundi 26 décembre 2022 - 15:00 - Claire GAILLARD à Lyon
Amel Majri

Après une grave blessure survenue en octobre 2021, l’internationale française de l’Olympique Lyonnais, qui a donné naissance à une petite Maryam l’été dernier, a fait son retour dans le groupe rhodanien mi-décembre. Elle revient sur ses derniers mois magnifiques et éprouvants à la fois. 

Rendez-vous avait été pris au centre d’entraînement de l’Olympique Lyonnais pour un entretien d’une vingtaine de minutes qui aura duré le double, ponctué d’anecdotes et de sourires. Amel Majri, qui fêtera ses 30 ans le 25 janvier prochain, se présente seule mais Maryam n’est pas loin. Au rez-de-chaussée du bâtiment, la latérale ou milieu gauche a trouvé quelqu’un pour pouponner parmi ses coéquipières. Celle qu’on surnomme le bébé de l’OL a vu le jour le 5 juillet 2022 dans une maternité de la région où Amel Majri est devenue la première internationale française en activité à devenir mère. Bien épaulée par ses proches, soutenue par son club qui a prolongé son contrat jusqu’en 2026 peu après l’accouchement, l’internationale française reconnaît avoir profité de l’indisponibilité engendrée par sa rupture du ligament croisé antérieur et du ligament latéral externe du genou gauche pour mettre en route le projet bébé avec son mari. Tombée enceinte rapidement, elle a vécu un tourbillon d’émotions puis une course contre la montre afin de retrouver les terrains. Pour FFF.FR, elle remonte le film et nous plonge dans sa nouvelle vie. 

 SA NOUVELLE VIE 
« La vie est très, très belle » 

« En cette fin d’année, on est venu chercher du bonheur auprès de vous… La vie est belle, Amel ? 
Elle est très, très belle pour moi. Être maman, ça change la vie. Cela représente beaucoup de sacrifices mais c’est un beau changement. 

Les nuits ne sont-elles pas trop difficiles ? 
Au début, c’était dur, j’ai galéré dès ma sortie d’accouchement car j’ai eu 30 heures de travail achevées par une césarienne. Ensuite, j’ai allaité. Donner le sein, ne pas dormir, se lever 5 à 6 fois par nuit, toutes les heures ou les deux heures, c’était difficile. Depuis mi-septembre, elle ne se réveille plus qu’une fois ! Pour une personne lambda, 6 heures de sommeil, ça peut ne pas paraître énorme mais pour moi, actuellement, c’est comme une nuit de 10 heures ! 

« Oui, parfois, j’ai craqué et ça a été très dur. Ce qui permet de tenir, c’est l’amour que tu portes à ton enfant. On sait pourquoi elle se réveille : elle a faim, elle a besoin de proximité et de contact. »


Cela met la patience à rude épreuve ? 
Honnêtement parfois, on craque. On n’est pas habituée, c’est nouveau et on n’est peut-être pas conditionnée pour vivre ça. On devrait être plus accompagnée. Oui, parfois, j’ai craqué et ça a été très dur. Ce qui permet de tenir, c’est l’amour que tu portes à ton enfant. On sait pourquoi elle se réveille : elle a faim, elle a besoin de proximité et de contact. 

Vous avez donné naissance à la petite Maryam le 5 juillet 2022. Quel bébé est-elle ?
Elle est pleine de peps, elle gigotte pas mal et grandi de jour en jour. Elle aime les bras de sa maman, on lui a donné cette habitude (elle rigole). Elle est calme et ne pleure que lorsqu’elle a faim. 


À qui ressemble-t-elle ?
La première fois qu’on l’a vue, on ne savait pas trop à qui elle ressemblait le plus. Il y a des jours où elle tire plus du côté de son père et d’autres où elle va davantage me ressembler. Parfois, on se taquine avec mon mari en se disant : ‘‘elle ne te ressemble pas’’. Elle a de nous deux et je m’y retrouve quand même, déjà avec ses cheveux ! (Elle nous montre une photo sur le fond d’écran de son smartphone et éclate de rire).

Diriez-vous qu’il est facile de conjuguer vie de mère, de femme et de sportive ? 
Je ne vais pas vous mentir. Si c’était à refaire, je pense que je ne le referais pas. Je suis partagée. D’un côté, on doit avancer en France et pour cela, il faut des pionnières car ce serait discriminant de nous empêcher d’avoir un enfant. D’un autre côté, il y a la réalité et les exigences du métier de sportive. Aujourd’hui, je veux allaiter mais vais-je pouvoir le faire autant que je le souhaite ? Va-t-on me dire qu’introduire le lait et mixer les deux, c’est bien aussi ? Si je le fais, c’est comme si je mettais un peu mon bébé entre parenthèses à cause de mon travail. Pour moi, c’est dur de faire les deux. Il y aussi une chose que l’on ne contrôle pas et c’est le moteur de l’athlète : le sommeil et, à travers lui, la récupération. Quand tu n’as pas d’enfant, la préparation et l’entraînement invisible, c’est toi et ta conscience. Mais là, en considérant que je fasse tout parfaitement, si ma fille se réveille cinq fois les nuits pendant deux ans, je ne vais pas dormir. Si je ne dors pas, je ne vais pas pouvoir disputer un match de 90 minutes ou tenir un entraînement de 2 heures. À choisir aujourd’hui, j’attendrais.  


La numéro 10 lors de sa dernière apparition sous le maillot de l'Équipe de France en Slovénie en septembre 2021 (photo ICON SPORT).

Quelle est votre organisation ?
Je tire mon lait et on essaie de s’organiser avec mon mari pour garder la petite. Il est préparateur physique et parfois on a nos entraînements en même temps. Le club m’a autorisée à venir avec ma nounou. Jusqu’à ses 1 an, elle pourra même nous accompagner lors des déplacements. En termes d’organisation, je viens avec la petite une fois ou deux au club, quand mon mari a fini, il vient la récupérer. 

Arrivez-vous à protéger votre bébé de la médiatisation ?
Oui, je ne veux pas l’exposer sur les réseaux. Même quand on arrive au stade, je veille à ce qu’elle ne soit pas filmée afin de la préserver. Dans le vestiaire aussi, j’ai dit aux filles pas de story sur Instagram ou autre. Elles le respectent. C’est mon choix. Prenons l’exemple de « Björki » (Sara Björk Gunnarsdottir, coéquipière à l’OL entre 2020 et 2022 et mère également), à l’inverse, elle met son enfant sur les réseaux sociaux. 

Maryam, c’est presque l’enfant du club ?
Tout le monde est content. Quand on voit un bébé, on oublie un peu ses soucis. Lorsque les filles sortent de l’entraînement, elles ont envie de s’en occuper, la porter, voir comment elle a changé. Wendie (Renard) et Amandine (Henry) me l’ont gardée récemment quand je faisais mes séances individuelles. Ça m’a permis de souffler et de me concentrer sur ma reprise. » 

 SA GROSSSESSE ET LE DÉSIR DE MATERNITÉ 
« Le bien de ma blessure, c’est Maryam ! »

« À quand remonte ce désir de maternité ?
C’est lié à ma blessure. J’ai discuté avec le chirurgien qui m’a dit que revenir pour l’Euro (2021) serait trop juste. Je lui ai aussi demandé si vivre une grossesse pendant ma convalescence était risqué, il m’a répondu que non. On a pesé le pour et le contre avec mon mari et on s’est dit pourquoi pas ? Ça a fonctionné vite (rires) ! Le bien de ma blessure, c’est Maryam ! 

Vous avez rencontré votre compagnon en 2011 avant de vous marier religieusement en 2012 puis civilement en 2018. Plus de 10 ans avant d’avoir un enfant, cela peut paraître long…
Dans la vie normale, c’est vrai. Même s’il n’y a pas de règle, souvent cela arrive après deux ou trois ans de relation. C’est propre à chaque couple. On sait ce qu’engendre le fait d’être athlète de haut niveau : on ne peut pas se lancer sur un coup de tête et mettre sa carrière entre parenthèses. Ce n’est pas possible trop jeune non plus : à 22 ou 23 ans, vous devez faire vos preuves, acquérir de l’expérience… Mon mari est patient, il savait où il mettait les pieds (elle sourit)

« L’accouchement ? J’ai passé 30 heures sans dormir. J’avais un projet de naissance qui n’a pas pu être suivi. J’ai craqué totalement, je ne faisais que pleurer. Deux à trois jours après l’accouchement, j’ai fait une sorte de baby blues car je ne dormais pas et il fallait que j’allaite. C’était le petit creux et ensuite, on repart. Dire ces choses est essentiel. »


Comment s’est passée votre grossesse ?
Je n’ai pas à me plaindre car je n’ai pas eu trop de problèmes contrairement à « Björki » par exemple mais à la fin, c’était long. L’accouchement, c’est la pire sensation dans ma vie. Quand j’avais des contractions, je me disais : ‘‘Allez Amel, tu as fait des fractionnés, tu as monté des cols…’’ Mais c’était vraiment très dur de tenir avec le manque de sommeil. J’ai passé 30 heures sans dormir. J’avais un projet de naissance qui n’a pas pu être suivi. J’ai craqué totalement, je ne faisais que pleurer. Deux à trois jours après l’accouchement, j’ai fait une sorte de baby blues car je ne dormais pas et il fallait que j’allaite. C’était le petit creux et ensuite, on repart. Dire ces choses est essentiel. Ok, ton bébé est né, elle est là en bonne santé, tout est beau, tout est rose mais il y a l’envers du décor : ce n’est pas évident ni facile. Heureusement, j’ai été soutenue par ma famille, mes amis et les sage-femmes. Elles ont été top et sont indispensables. 

La fiche d'Amel Majri 

Avez-vous pu continuer à pratiquer le sport ?
La veille de mon accouchement, je disputais encore un match de tennis ! L’avant-veille, j’avais perdu et je voulais prendre ma revanche. C’est peut-être ce qui a déclenché l’accouchement. Au club, j’effectuais encore deux entraînements par semaine, sans contact évidemment. Plus j’avançais dans la grossesse, plus je diminuais l’intensité mais je gardais un rythme. J’avais besoin d’une activité car je m’ennuyais et on me disait que rien ne s’y opposait. 

En plus de votre mari, vous avez aussi pu compter sur le soutien de votre sœur, Rachida… 
Elle a été un grand soutien, elle s’est pas mal occupée de Maryam. Quand on accouche, on reçoit beaucoup de visites à l’hôpital. Souvent, c’est l’après-midi, on est éveillé et la petite dort dans ces moments-là. Donc je n’arrivais pas à récupérer. Ma sœur venait, restait auprès de moi et s’en occupait pendant que je rattrapais du sommeil. Elle a été d’une grande aide. Parfois la pauvre, je lui ai crié dessus… »  

 SON CORPS ET SA BLESSURE 
« J’ai envie de redevenir footballeuse » 

« Comment avez-vous retrouvé votre corps ? 
(Elle cherche ses mots) C’est comme si j’avais remis le courant et que la machine avait redémarré. Je me souviens quand j’ai refait des talons fesses, j’avais l’impression de le faire pour la première fois. En fait, j’ai redécouvert mon corps. Ne plus courir avec un gros ventre, sentir les sensations au niveau de la cicatrice de la césarienne. Parfois ça tire, c’est bizarre. Progressivement, j’ai senti que je progressais lors des séances avec le kiné ou le préparateur physique, je me remusclais, je gagnais en confiance. Et j’ai retrouvé du rythme grâce au nombre de séances qui ont augmenté progressivement. 


Amel Majri a retrouvé le groupe rhodanien en décembre (photo Sandra RUHAUT / ICON SPORT). 

Votre dernier match remonte à quasiment au 1er octobre 2021 à Bordeaux en D1 Arkema… 
C’est vrai ! Je m’en souviens comme si c’était hier, j’avais fait un bon match avec un but grâce à une combinaison avec Catarina (Macario) et une passe décisive (elle sourit) ! Je me blesse à la 60e minute. Ce n’est pas un contact mais un petit coup d’épaule avec Vanessa (Gilles). Elle me touche légèrement, ça me déséquilibre et je tombe. Je sors du terrain, je craque car je suis dégoûtée. Au début, j’étais au sol sous le choc, j’avais entendu craquer mais je voulais me convaincre que ce n’était pas grave. J’ai fait trois talons-fesses, j’ai vu que ma jambe ne tenait pas et j’ai compris que c’était grave. Je me suis dit : ‘‘Allez, Amel, ce n’est pas dans ta tête, assieds-toi’’. Plus d’un an, c’est trop long, je n’en peux plus ! J’ai hâte… Il y a eu la blessure, la grossesse, l’accouchement… J’ai envie de tout laisser derrière moi et de redevenir footballeuse mais avec Maryam (elle sourit). Il y du positif dans ma blessure. » 

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