GRAND ANGLE

Classement des installations, mode d’emploi

mercredi 7 juin 2023 - 12:18 - Claire GAILLARD à Laval et Angers
Stade Francis Le Basser

Pour accueillir des matches, les stades doivent respecter un règlement dont les exigences sont fixées par la division des clubs résidents. Avec les montées de fin de saison, le cahier des charges se précise. À l’été 2022, nous avions suivi, de Laval à Angers, la visite des membres des commissions des terrains et installations sportives de la FFF, la LFP et la Ligue des Pays de la Loire pour comprendre leur mission.

Le rideau est tombé, vendredi 26 mai, sur la saison 2022-2023 de National. Sacré champion, l’US Concarneau succède au Stade Lavallois et va rejoindre la Ligue 2 BKT accompagné de l’USL Dunkerque, son dauphin. Après des festivités bien méritées, la préparation de l’opus 2023-2024 se profile déjà. Composition de l’effectif, programme de reprise mais aussi stade qui accueillera les prochaines rencontres vont être au cœur des préoccupations estivales.


En France, près de 30 000 matches ont lieu chaque semaine sur les quelque 22 000 terrains recensés. Pour les organiser, les enceintes sportives – propriétés de collectivités territoriales, de clubs ou de sociétés privées – doivent être classées. Objectif ? Permettre une pratique en sécurité et garantir les fonctionnalités de l’enceinte pour accueillir dans les meilleures conditions les différents types de population (équipes, arbitres, délégués, spectateurs y compris supporters adverses, médias, partenaires, VIP…). 


Le seuil d’exigence, qui s’élève au fur et à mesure que l’élite se rapproche, est fixé par le règlement des terrains et installations sportives. L’éclairage est, lui, encadré par son propre règlement. 


La responsabilité du classement incombe à la Commission fédérale des terrains et installations sportives (CFTIS) de la FFF qui s’appuie sur les Ligues à l’échelle régionale (CRTIS) et Districts au niveau départemental (CDTIS). Concernant les clubs professionnels, la CFTIS œuvre avec son homologue de la LFP (CIS pour Commission infrastructures stades). 


L’été dernier, avant l’ouverture de la saison 2022-2023 de Ligue 2 BKT et Ligue 1 Uber Eats, nous avions suivi durant 24 heures les membres de ces commissions durant leur mission à Laval (photo ci-dessus) puis Angers. Une supervision technique essentielle et aux enjeux cruciaux pour accompagner les clubs promus et/ou les clubs pros sur la question des infrastructures. Se replonger en arrière donne une idée de ce qui les attend cet été. 


Les équipes en visite au stade Francis-Le-Basser à Laval (photo FFF). 

 LUNDI 25 JUILLET 2022 
 15H30 
Accueil, montée et conséquences 

Membres de la CFTIS, Guy André, également membre de la CIS à la LFP, et Guy Malbrand sont accueillis avec René Jonchère, le président de la CRTIS, par Laurent Lairy, le président du Stade Lavallois, et Christophe Denis, le directeur des sports de Laval Agglomération. Le chef de projet infrastructures stades à la LFP accompagne la délégation. Après la montée des Tangos, champions de National en mai, la visite a pour but de classer le stade Francis-Le-Basser du niveau T2 au T1 et son éclairage en E3 afin d’évoluer en Ligue 2. « On sort de deux mois de travaux mais il y a eu auparavant six mois d’études, explique le dirigeant du club aux plus de 120 ans d'existence. Dès janvier 2022, on réunissait la commission (CFTIS/CRTIS). Laval Agglo et le Stade Lavallois se sont unis pour prendre connaissance des obligations. Quand on tire tous dans le même sens, on y arrive. »

Le chantier s’est articulé autour de trois piliers. La sécurité avec une superficie doublée pour le PC, l’amélioration de la vidéo-surveillance dans l’enceinte et la création d’une cellule de crise en cas de débordements. Ces aspects ont fait l’objet d’une vérification de la commission de sécurité départementale, la veille, qui détermine la capacité d’accueil de l’établissement et délivre l’AOP (Arrêté d’ouverture au public). Le deuxième pilier concernait l’aménagement et les accès à la tribune principale, afin de créer des espaces (salle de conférence de presse, zone mixte…), les agrandir ou modifier (vestiaire visiteurs, séparation des flux…). Enfin, l’éclairage a été intégralement changé. « On est passé à la technologie LED. L’investissement effectué est immédiatement rentable puisqu’on va réduire notre consommation énergétique », souligne le président. Coût des travaux : environ 500 000€ financés par l’Agglo dont 300 000€ pour l’éclairage.


Le vestiaire des Mayennais (photo FFF).

« La principale difficulté pour une collectivité, c’est de pouvoir réagir par rapport au championnat qui démarre au cœur de l’été avec des délais restreints et des démarches à mener tambour battant au regard de l’ensemble des contraintes que l’on a comme les demandes d’autorisation préalable, l’ouverture des marchés publics, les consultations, détaille Christophe Denis de Laval Agglomération, propriétaire du stade loué aux Tangos. L’autre sujet crucial, c’est l’impact financier. Ce coût n’était pas prévu dans le budget. Il a fallu alerter les élus mais il n’y a pas eu de grosses discussions, tout le monde était d’accord. Il y a eu un fort investissement de tous les services notamment bâtiments et espaces verts avec aussi le remplacement de la pelouse durant l’intersaison. » 

 16H15 
Visite des espaces, prise de mesures et fourreaux à enterrer 

La délégation s’engouffre sous la tribune principale et vérifie la zone sportive. Les observateurs sont satisfaits du résultat. Assis à l’intérieur du vestiaire visiteurs, Guy André compte le nombre de casiers, de lavabos, de sanitaires ou de douches. Le vestiaire arbitres coche les cases, le bureau des délégués aussi. Un doute subsiste lors du passage devant l’infirmerie. « Une civière avec un joueur blessé passe ? » questionne Guy Malbrand qui déplie son mètre pour mesurer la largeur de la porte. 

Morgan Mary, de l’organisation stade, conduit le groupe à l’extérieur afin d’emprunter le cheminement des joueurs de leur arrivée en car à la pelouse. Les bancs, la zone technique, les distances à respecter, tout est conforme. Guy Malbrand et René Jonchère entament un tour du terrain. Ils prennent toutes les dimensions, vérifient le positionnement de la panneautique et s’arrêtent au niveau du but (photo ci-dessous) : si la barre transversale est à bonne hauteur (2,44m), les fourreaux ne sont pas correctement placés au sol ce qui provoque une mauvaise installation des barres de relevage de la cage. « Un joueur qui arriverait à pleine vitesse pourrait se blesser si ses doigts passent en dessous, prévient Guy André. Il faut enterrer un peu plus les fourreaux. » Les têtes de boulon doivent également être protégées pour éviter le risque de blessure et le traçage de la ligne de but redessiné dans l’alignement du poteau. Technique mais indispensable.


Vérification du but (photo FFF).

 18H30 
Débrief, détente et dîner avec un VIP 

Une fois que l’ensemble des espaces a été passé au crible, c’est l’heure du débriefing. Guy André mène l’échange. Assis derrière son ordinateur, il reporte les données de son carnet et récupère les manquantes. Seuls quelques points de non-conformité mineures sont soulignés (espace médical à réaménager, absence de rideau de douche dans le vestiaire arbitres, de sèche-cheveux ou réfrigérateurs dans les vestiaires…). Sous réserve que le contrôle des niveaux d’éclairement planifié dans la soirée soit concluant, l’avis technique devrait être positif. En attendant, direction le restaurant. Pour les membres de ces commissions, des bénévoles partout en France qui allient passion, compétence, expérience et sans lesquels rien ne serait possible, ces temps informels constituent un moment de convivialité apprécié après deux années complexes en raison du contexte sanitaire. Au cours du dîner, Alexis Sauvage, le gardien du Stade Lavallois, rejoint la tablée. Le natif de Charleville-Mézières vient aux nouvelles concernant le classement mais est surtout là pour voir Guy André, également président du District des Ardennes, qu’il connaît bien pour l’avoir croisé sur les terrains durant ses vingt-cinq années en tant que délégué. 

 22H25 
Le Basser en pleine lumière puis… dans le noir 

Photo FFF

En été, il faut s’armer de patience et c’est seulement vers 22h30 que l’enceinte se retrouve plongée dans le noir. L’éclairage a fait l’objet d’une première analyse par la CFTIS qui a délivré en juin 2022 un avis préalable favorable pour un classement en niveau E3. Ce soir, la mesure de l’éclairement horizontal (pour tous les terrains) - vertical (pour les retransmissions TV) et de substitution doit être réalisé. La pelouse a été quadrillée de 77 points signalés par des fiches installées à intervalles réguliers. Les données, mesurées par Labosport, l’un des organismes de contrôle, seront prises avec un luxmètre au sol puis à un 1,50m de hauteur. 

Le technicien positionne le capteur et énonce le nombre de lux que son collègue saisit sur son ordinateur. Le président de la CRTIS, René Jonchère, accompagné d’Alain Poisson, membre de sa commission, supervise l’opération et rentre les données dans son propre tableur. Après plus de deux heures intervient le test de l’éclairage de substitution. Ces mesures sont réalisées avec une alimentation provenant à 100% du groupe électrogène (contre 50% réseau EDF, 50% groupe électrogène lors d’une compétition en nocturne). La reprise de l’éclairage est instantanée et les mesures sont conformes au règlement. 


Le luxmètre sur la pelouse pour mesurer le nombre de lux de l'éclairage au sol (photo FFF). 

 MARDI 26 JUILLET 2022 
 7H30 
Direction Angers et sa tribune inspirée de la Juve et l’OL

Au petit déjeuner, les yeux témoignent d’un coucher tardif vers 1h30 du matin. Le temps de boire un café et il faut prendre la route. Il est 7h30. Environ 80 km séparent Laval d’Angers, soit 1h15 de trajet. Morgan Potier, le stadium manager du stade Raymond-Kopa, attend la délégation dans la rue du Colombier, accessible par un seul côté en raison des travaux. Entamé il y a deux ans et demi, le chantier concerne la construction d’une nouvelle tribune, la future officielle, en lieu et place de l’ancienne tribune tubulaire Saint-Léonard. De nouveaux espaces ont été créés au cœur et autour de l’enceinte pour répondre aux doléances FFF/LFP/UEFA, augmenter la qualité et capacité d’accueil mais aussi faire de ce quartier un lieu de vie avec un parvis autour. 


Le stade Raymond-Kopa à Angers (photo FFF).

« L’objectif était de moderniser cette tribune afin de répondre aux exigences de nos différents publics, raconte Morgan Pottier. Avec pour les spectateurs, des sanitaires et des buvettes dignes de ce nom, des voies d’accès identifiées, des flux plus faciles. Nous voulions améliorer l’offre VIP avec des espaces et sièges plus confortables, une zone commune à tous et des loges offrant une expérience beaucoup plus dans l’air du temps avec davantage de place et de modernité. » Dans ce projet à hauteur de 35 M€, le SCO Angers, propriétaire de son stade qui a financé l’intégralité des travaux, s’est inspiré de la Juventus Turin et l’Olympique Lyonnais. 


(Photo FFF)

 9H30 
Cheminement, projection, conseils 

La visite démarre au pied de la tribune Colombier, rénovée et livrée en février 2018. Les membres des commissions CFTIS, CRTIS, CIS vérifient les dimensions et la nature de l’aire de jeu, les zones de sécurité et de sécurité augmentée ou encore le système d’arrosage. Un point attire l’attention. L’un des buts a été déposé derrière la main courante sur la transversale. « Soyez vigilants, j’ai déjà vu ça dans un club de Ligue 1 qui stockait sa cage ainsi après chaque rencontre, alerte Guy André. Cela a eu une incidence sur l’angle de captation pour l’arbitrage vidéo ! » 


Les membres des commissions prennent les mesures (photo FFF).

Le groupe se rapproche de la nouvelle tribune qui commence dans le virage par un espace entièrement vitré où se trouve le PC sécurité composé de 6 écrans de contrôle alimentés par 180 caméras de vidéo-surveillance. La panneautique est en place et le traçage du terrain a été fait à l’exception des zones techniques. Morgan Potier sollicite le conseil de ses interlocuteurs. Autour des bancs, 2m50 sont requis et la vue doit être dégagée devant. Autrement dit : deux blocs de panneautique – déjà positionnés et fixés – vont devoir être déplacés sous peine de se voir signaler un point de non-conformité majeure. 


Le PC securité avec vue dégagée sur l'enceinte (photo FFF). 

 10H15 
Des vestiaires XXL, deux amphithéâtres et des séminaires

De part et d’autre du tunnel, la zone sportive, aux couleurs noires et blanches, sent encore la peinture fraîche. Tout a été modernisé avec des aménagements pour tous les acteurs (joueurs, arbitres, délégués, escort kids, mascotte). Une salle d’échauffement, des vestiaires spacieux et confortables où le moindre détail a été pensé jusqu’à la prise USB dans les casiers, une zone commune avec l’espace massage, un coin de balnéothérapie, une salle de repos, une zone de restauration… Seul hic, les vestiaires joueurs comptent 22 positions au lieu des 25 requises pour un club dont l’installation classée T1 est susceptible de recevoir des rencontres internationales. Un point à rectifier.


Le vestiaire des joueurs du SCO (photo FFF).

Les zones médias sont de qualité avec un cheminement distinct et deux amphithéâtres à disposition (150 et 250 places). « Le championnat, c’est dix-neuf dates à domicile par saison. La rentabilité de l’outil repose sur le hors match avec une location de l’espace modulable pour répondre à l’offre locale des séminaires », explique le stadium manager. 

 11 HEURES 
Peinture, branchement, pose, une centaine d’ouvriers mobilisés 

Nettoyage des sièges, branchement électrique, pose des interrupteurs ou suspensions, installation de la robinetterie, peinture des salons VIP, livraison de matériel ou mobilier, échafaudages encore nombreux, sonorisation pas encore installée… En tribunes ou dans les travées du stade, une centaine d’ouvriers s’affairent à dix jours de la 1re journée de Ligue 1. « On est dans la phase de finition et c’est toujours plus long que la réalisation de l’ouvrage en lui-même, reconnaît Morgan Potier. Ce sont des choses qui ne se voient pas forcément mais néanmoins nécessaires. » 


(Photo FFF)

Il est 12h30, la visite s’achève. La délégation rallie la gare d’Angers pour déjeuner. Elle échange sur les motifs de satisfaction et partage quelques craintes en vue de la 1ère journée de championnat contre le FC Nantes le 7 août. De retour chez eux, les bénévoles peaufineront rapidement leur rapport. Constitué d’une trentaine de pages et agrémenté de photos, il sera envoyé aux clubs concernés, au service des terrains et installations sportives de la FFF et son homologue de la LFP puis présenté lors de la prochaine réunion mensuelle de la CFTIS. Compte tenu de la reprise imminente des championnats, un avis préalable sera fourni afin de confirmer la tenue du premier match à domicile. Les clubs concernés feront, eux, tout pour rectifier rapidement les points qui méritent de l'être.

« On est attentifs quant à la programmation des rencontres du début de saison, assure le chef de projet infrastructures stades à la LFP. Les clubs ont la possibilité de formuler des vœux sur leur calendrier, et notamment demander à disputer leur première journée à l’extérieur. Ils doivent alors justifier cette requête dans l’optique de se laisser davantage de temps (1 semaine), pour des travaux de rénovation par exemple, sans garantie d’être exhaussés. Durant la saison, on essaie d’anticiper au maximum l’intersaison, avec une première réunion commune FFF/LFP et les clubs de National dès janvier, dans le but de les alerter sur les sujets infrastructurels et les attentes du niveau professionnel en matière règlementaire mais également en termes de pelouse, production TV, sécurité ou encore sur la Licence Club. Dès qu’une montée se dessine, la CFTIS de la FFF en lien avec la LFP se rapproche du club concerné pour une revue individualisée des différents sujets majeurs qui seront scrutés lors d’une future visite de classement. Une visite technique peut également être organisée sur place afin d’identifier rapidement les modifications à apporter pour minimiser le travail en urgence en fin de saison. » Dans la mesure où leur infrastructure habituelle ne serait pas déjà classée en niveau T1 ni leur éclairage en niveau E3 au minimum, les clubs accédants ont l’obligation par la CIS de la LFP de fournir un terrain de repli, le 30 juin au plus tard. Au cas où. 

Si le SCO Angers, relégué en Ligue 2, et le Stade Lavallois, qui s'y est maintenu in extremis, ont vécu des saisons compliquées sur le plan sportif, le travail effectué durant l’été a notamment permis à leurs enceintes d’accueillir un évènement international d’envergure : le Tournoi de France féminin 2023 en février dernier. 

 Chiffres clés 

105 x 68
En mètres, les dimensions règlementaires de l’aire de jeu.
7
Niveaux de classement pour une installation sportive comme pour l’éclairage (4 niveaux de classement spécifique pour le Futsal).
25
Le nombre de sièges requis dans les vestiaires joueurs pour une installation classée en T1 qui peut accueillir des matches internationaux.
660
Le nombre de bénévoles mobilisés autour des terrains et installations sportives.
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