Les premiers titrés pour l'éternité

Retour aujourd'hui au cœur du printemps 1949 pour honorer le titre européen des Juniors français, le premier de l'histoire tricolore. Le 22 avril, à un ou deux jours près...

Cette petite bande de jeunes et joyeux messieurs costumés prenant tranquillement le soleil printanien d'une époque que l'on devine lointaine, pourraient très bien fêter la fin d'une année d'études bien remplie ou le terme de leur conscription militaire, même s'ils ont le cheveu un peu long pour cela ... La vérité est tout autre et nous ramène bien évidemment au football.

Elle nous ramène soixante-et-onze ans en arrière, sur la plage de Scheveningen, un quartier de La Haye, aux Pays-Bas, au bord de la mer du Nord. Elle nous ramène surtout au tout premier titre international de l'histoire du football français, celui conquis par l'équipe de France Juniors au Tournoi européen 1949 (ancêtre de l'Euro U19). Oui, ces jeunes footballeurs, pionniers tricolores sans même le réaliser, ont bien le droit de s'offrir un moment de détente.

Sur la gauche de la photo, un certain Albert Batteux, international A et joueur vedette du Stade de Reims, est venu leur offrir... des tulipes, au nom de l'Équipe de France. Il est accompagné de Jean Baratte (à droite), fameux attaquant des Bleus et du Lille OSC.

Une finale presque oubliée

Leur succès a été obtenu grâce à trois victoires sur l’Écosse (3-2), la Belgique (4-0) et les Pays-Bas (4-1), lors d'une finale dont il est bien difficile de retrouver aujourd'hui une trace très précise, y compris sa date exacte ... Dans le France Football du 26 avril, l'article de quelques colonnes qui lui est consacré passe aussi presque inaperçu. Sur le papier jauni par le temps, on peut lire ce commentaire malicieux : "La France a battu la Hollande ... mais ce sont les juniors". Il est vrai qu'à l'époque, les Bleus ne brillent guère.

À Zeist, petite ville fleurie à quelques kilomètres d’Utrecht, les Juniors ont logé pendant cinq jours dans un lycée en compagnie des huit autres équipes. "À ce moment-là, les distractions étaient rares, raconta plus tard Jacques Foix, ancien international, disparu en juin 2017. Partir en Hollande était déjà un fabuleux cadeau. Nous étions tous dans le même bâtiment. Il n’y avait qu’un seul terrain d’entraînement et nous avions sympathisé avec les Écossais. L’un d’eux m’a offert une crécelle marquée du sigle "Scotland ". Elle trône toujours dans mon salon. Ces sont des souvenirs inoubliables."   

Une Marseillaise écossaise

"L’ambiance était fabuleuse, un peu comme un voyage scolaire, se souvenait Claude Vigier, gardien de cette sélection. On y parlait français, anglais, autrichien, allemand... Dans le bus, Jean Beraudo, Méridional toujours très ouvert, ne pouvait s’empêcher de descendre la vitre pour appeler les filles. Je me souviens particulièrement des Écossais. Pour chambrer, ils s’étaient mis à chanter La Marseillaise à tue-tête. Ils connaissaient par cœur les paroles. Nous avions répondu par le célèbre "Ce n’est qu’un au revoir mes frères". Le lendemain, nous les battions 3 buts à 2."

►Le mercredi 1er avril 2009, au soir d'un match entre la France et la Lituanie au Stade de France, quelques-uns des Juniors "1949" avaient été honorés par la FFF, soixante ans après leur titre européen. Aux côtés de Jean-Pierre Escalettes, alors président de la FFF (4e à droite) et de Jean-Verbeke, vice-président (1er à gauche), on peut notamment reconnaître Claude Vigier (3e à gauche), Jean Fournet-Fayard (3e à droite) et Jacques Foix (1er à droite) - (Photo Philippe Mayen/FFF).

Les causeries d’Hanot

Aussi précis sur le terrain que virtuoses dans leurs vocalises, les Tricolores étonnent les spécialistes. En finale, ils dominent le pays hôte (4-1) devant 15 000 spectateurs dans le stade du Feyenoord, à Rotterdam (où les Bleus seront battus 4-1 par les Pays-Bas le samedi 23 avril). Le fameux "WM" imposé par Gabriel Hanot, journaliste et entraîneur de cette équipe Juniors avec Gaston Barreau, fait merveille.

"Ses causeries étaient écoutées dans un silence religieux, se rappelait encore Claude Vigier. Il savait nous subjuguer. Grand visionnaire, il avait replacé Antoine Bonifaci, fabuleux dribbleur, d’inter à ailier gauche. Il avait compris que le jeu moderne passerait par les ailes. Notre formation était très talentueuse et certains joueurs ont ensuite fait une belle carrière." On citera notamment Jacques Foix, Jean Vincent, Francis Méano, Antoine Bonifaci, tous quatre internationaux A, ou encore, dans un autre registre, Jean Fournet-Fayard, président de la FFF de 1985 à 1993, décédé dernièrement.

Soixante-et-onze ans plus tard, à un ou deux jours près, il était grand temps de remettre en lumière ces Juniors qui resteront pour l’éternité les premiers footballeurs à avoir offert un trophée international à la France.