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TO Jura Foot, modèle d'intégration

samedi 25 mars 2023 - 09:30 - Richard LOYANT
RSO réfugiés TO Jura Foot

L’action d’intégration, sportive et éducative, du club jurassien permet à des demandeurs d’asile de pratiquer le football pour les aider à rompre avec leur isolement, apprendre le français et créer du lien social.

Lauréat du Grand Prix Philippe-Séguin 2022 du Fondaction du Football dans la catégorie « Solidarité et inclusion », le Triangle d’Or Jura Foot doit cette récompense à sa mobilisation en faveur de réfugiés d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile. Conviés par le club à pratiquer le football, ils peuvent ainsi renouer avec une activité physique mais aussi s’extraire de l’isolement que provoque souvent leur situation, et participer à l'apprentissage de la langue française par des échanges en situations réelles. Ce projet, baptisé « En duo pour aller plus haut », repose sur une volonté de « tisser du lien social » que raconte Jean-Louis Court, président depuis 2015 d’un club créé il y a dix ans par la fusion d’Arbois Sports et du FC Salins.

L’HISTOIRE D’ABDUL

Grâce au TO Jura Foot, la vie d’Abdul Aziz Tao (21 ans) a radicalement changé en quelques mois. Né à Inata, dans une région au nord du Burkina Faso en proie depuis des années au terrorisme meurtrier de groupes armés djihadistes, le jeune homme est entré en France via l’Italie le 19 novembre 2020. Pris en charge par le Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) de Salins-les-Bains, petite commune du Jura de 2 800 habitants, il va bénéficier du rapprochement entrepris par le club avec cette structure.

« On accueillait depuis plusieurs années à l’entraînement des enfants du Cada, explique Jean-Louis Court. Dans le cadre de sa formation au brevet professionnel de la Jeunesse, de l'Éducation populaire et du Sport (BPJEPS), Jules Crinquand, l’un de nos licenciés, a eu l’idée d’élargir cette pratique aux parents et aux grands adultes du centre. C’est ainsi qu’est venu Abdul, que nous avons réussi à garder une fois ses papiers régularisés. »

Sous « reconnaissance d’une protection internationale » depuis mars 2021, le jeune burkinabé a signé une première licence de joueur au TOJF au mois de juillet suivant. Six mois plus tard, il passait animateur et inscrivait son parcours dans la durée. « Nous l’avons pris en contrat aidé cette saison et il sera en apprentissage BPJES la saison prochaine, poursuit Jean-Louis Court. Il est éducateur de nos U10-U11 depuis septembre et fait le lien avec l’action que l’on mène conjointement pour les réfugiés, en y participant. Il montre ainsi qu’une opportunité est toujours possible, le meilleur de ce que notre engagement peut apporter. »

Les U10-U11 du club cette saison avec leurs éducateurs Raphaël Vallet et Abdul Aziz Tao (photo TOJF).

LA MISE EN ŒUVRE

Si le président du club a rapidement donné son aval au projet, sa mise en route a été plus longue que prévue. Plusieurs réunions de travail avec le Cada ont d’abord été nécessaires afin de bien identifier les besoins de réfugiés d’autant plus isolés que les confinements imposés par la pandémie de Covid-19 les avaient encore davantage fragilisés. « Il a ensuite fallu trouver des créneaux d’entraînement, ce qui n’a pas été si simple pour notre club de 250 licenciés avec ses trois équipes seniors hommes, la senior féminine et toutes celles de jeunes », précise Jean-Louis Court.

Avant un autre obstacle, de taille, à surmonter. « Beaucoup n’osaient pas trop venir, se souvient le dirigeant jurassien. Ils avaient tendance à rester chez eux, isolés dans leur chambre. Ce sont des personnes fragiles, qui ont peur de l’inconnu, avec lesquels il faut du temps pour instaurer une relation de confiance. On a souvent dû aller les chercher pour les dynamiser. Cela a demandé un gros travail de soutien pour les aider à s’ouvrir. » 

Une solution a été trouvée par Jules Crinquand. « Il a trouvé plus simple de fonctionner par petits groupes, en créant un petit réseau par téléphone pour qu’ils communiquent entre eux, ce qu’ils ne faisaient pas ou peu. Il a réussi à le mettre en place pour créer des liens entre eux et qu’ils se motivent à venir. » Avant de passer à l’étape suivante, celle de « dépasser la barrière de la langue. Ils parlent peu ou pas le français. On a donc souhaité, au-delà du sport, leur donner des moyens mêlant l’apprentissage de la langue et des mathématiques, la découverte de la France en commençant par nos villes d’Arbois et de Salins, et l’histoire culturelle de notre région. »

Un atelier ludique d’apprentissage organisé par le club pour les demandeurs d’asile (photo Fondaction du Football).

UNE AUTRE VISION

Une trentaine de personnes, dont la moitié d’adultes « de toutes origines, Afghans, Maliens… », ont au total bénéficié de cette opération reconduite cette saison. « Notre jeune apprenti Abdul la mène dans le cadre son projet de formation, on met à sa disposition le club house et nos infrastructures », se réjouit son président. Avec le même objectif de réussir une première intégration de personnes appelées à découvrir de nouveaux horizons. « Salins-les-Bains est leur première structure d’accueil. Au bout de six mois en moyenne, ils sont répartis à travers la France, dans d’autres lieux. »

Une situation dont Jean-Louis Court a pris son parti. « Le marché du travail est limité ici et on n’a pas vocation à gagner des licenciés par ce biais parce que l’on sait qu’ils vont partir. C’est déjà bien de leur offrir les valeurs du football, d’intégration, de cohésion avec les autres. Cela permet aussi de changer l’image des émigrés et des sans-papiers que peuvent avoir nos enfants. Cela donne une autre vision de ce qu’est un club de football, qui ne s’inscrit pas que dans la compétition. Et puis, d’autres arrivent avec lesquels on se remet à créer des liens. » 

Jules Crinquand et son président Jean-Louis Court à la cérémonie de remise des Trophées 2022 (photo Fondaction du Football).

Fort de cette expérience, il recommande de « commencer par recenser les besoins autour de soi. Tous les clubs ont dans leur entourage des structures qui ont besoin d’aide, qui communiquent peu ou ne savent pas trop à qui s’adresser, comme le Cada chez nous. À nous d’entreprendre les premières démarches. Il suffit d’un ou deux enfants, comme chez nous, pour ensuite aller voir l’éducatrice de la structure et en amener d’autres. Le meilleur moyen est d’aller directement au contact pour connaître leurs besoins et voir ensuite ce qu'il est possible de mettre en place, dans la mesure de ce que le club peut faire. »

Football & réfugiés

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Avec cette série des « Belles réussites du football amateur », la FFF met à l’honneur les initiatives et actions engagées par ses clubs partout en France. De quartier ou ruraux, avec plus ou moins de licenciés et licenciées mais toujours la même passion des pratiquants et pratiquantes, éducateurs et éducatrices, dirigeants et dirigeantes, de tous âges et toutes générations.

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