éQUIPE DE FRANCE

« L’unité a été primordiale »

samedi 15 juillet 2023 - 09:58 - REDACTION
La joie de Didier Deschamps après la victoire de l'Equipe de France à la Coupe du Monde 2018

Il y a cinq ans, l'Equipe de France battait la Croatie (4-2) et devenait championne du Monde pour la seconde fois de son histoire. Capitaine des Bleus de 1998 et sélectionneur de ceux de 2018, Didier Deschamps nous fait revivre ce grand moment de bonheur .

Ce 15 juillet 2018, 78011 spectateurs ont pris place dans le stade Loujniki de Moscou pour assister à une finale de Coupe du Monde qu’aucun d’entre eux n’avait pronostiqué, entre la France et la Croatie. Quarts-de-finalistes quatre ans plus tôt au Brésil, les Bleus ont dégagé une impression assez paradoxale lors du premier tour. S’ils se sont qualifiés pour les huitièmes de finale dès leur deuxième match de poule et leur succès sur le Pérou (1-0), après celui face à l’Australie (2-1), la prestation assez terne lors du troisième et dernier match face au Danemark (0-0) a entraîné un tas de critiques.


Critiques balayées dès les huitièmes de finale par un match d’anthologie face à l’Argentine de Lionel Messi. Menée 1-2 à la 48e minute, la formation de Didier Deschamps renverse complètement la vapeur pour mener 4-2 et s’imposer finalement 4-3.

 

Après un quart de finale bien maîtrisé face à l’Uruguay (2-0) puis une demi-finale où ils font preuve d’une solidité et d’une efficacité de tous les instants face à la Belgique (1-0), les Bleus doivent donc terminer sur une bonne note face à la Croatie donc, tombeur de l’Angleterre en demi-finale (2-1), après avoir sorti le Danemark en huitième (1-1, 3-2 aux tirs au but) et le pays hôte, la Russie, en quarts (2-2, 4-3 aux tirs au but).

 

Devant leur écran, 21 millions de Français attendent que les Bleus brodent une deuxième étoile sur leur tunique. Et ils ne vont pas être déçus. Après avoir ouvert la marque avec l’involontaire complicité de Mandzukic (1-0, 18e), être repris dix minutes plus tard par Perisic (1-1, 28e), ils vont prendre le large (2-1 : Griezmann sur penalty, 38e ; 3-1 : Pogba, 58e ; 4-1 : Mbappé, 65e). La réduction du score de Mandzukic (4-2, 69e) ne changera rien. Vingt ans et trois jours après le mythique France-Brésil (3-0), les Bleus sont à nouveau champions du monde !

« Il y a cinq ans, jour pour jour, l’Equipe de France battait la Croatie et devenait, pour la deuxième fois de son histoire, championne du Monde. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Il y en a tellement. Entre le 22 mai, date du début de la préparation et le 16 juillet et le retour en France avec la Coupe du Monde, nous avons passé près de deux mois ensemble. Bien évidemment, tout n’a pas été simple, nous avons même connu des moments compliqués, notamment en début de tournoi. Mais l’unité du staff et entre les joueurs et le staff a été primordiale, notamment qu’il a fallu surmonter les obstacles. Il faut du talent pour gagner une Coupe du monde et l’Equipe de France n’en manquait pas. Mais le talent ne suffit. La force collective est capitale. J’inclus bien évidemment la Fédération. Ses équipes ont été d’un soutien précieux.

9
La France n'aura été menée que durant 9 minutes tout au long de la compétition. Face à l'Argentine entre la 48e (1-2) et la 57e (2-2)
14
Le nombre de buts inscrits par l'Equipe de France lors du tournoi. Dont 11 lors des quatre matches à élimination directe.
0
L'Equipe de France n'a pas connu la moindre défaite lors du tournoi (6 victoires et 1 nul, en poule, contre le Danemark)

Vous évoquez des moments compliqués. On pense au premier match contre l’Australie où, malgré la victoire, vous aviez fait savoir à vos joueurs, le lendemain, que vous n’étiez pas satisfait du tout du contenu.

Ce moment a marqué pas mal de monde. Les joueurs savent comment je fonctionne. Quand j’estime que j’ai quelque chose à leur dire pour leur bien et pour celui de l’équipe, je leur dis. Il ne s’agit pas seulement de pointer ce qui ne va pas. Il faut aussi corriger ce qui n’a pas été pour que ça aille mieux. Et il faut que les joueurs comprennent et adhèrent. Parce que les acteurs, c’est eux. Sans vouloir minimiser son rôle, l’entraîneur fait des choix. Ce sont les joueurs qui ont le pouvoir, sur le terrain, de les rendre bons. Ou pas.

Ce match nous fait basculer du bon côté. Cette victoire, face à l’équipe de Lionel Messi, nous a confirmé que nous étions capables de faire très mal à nos adversaires.

Didier Deschamps au sujet du 8e de finale France-Argentine

A quel moment avez-vous senti que l’Equipe de France pouvait accrocher une deuxième étoile ?

Le match contre l’Argentine a beaucoup compté. Il nous fait basculer du bon côté. Cette victoire, face à l’équipe de Lionel Messi, nous a confirmé que nous étions capables de faire très mal à nos adversaires. Nous avions laissé souffler plusieurs titulaires lors du dernier match de poule face au Danemark, alors que nous étions déjà qualifiés. L’équipe qui allait débuter ce huitième de finale, je l’avais en tête depuis plusieurs jours et elle ne dépendait pas l’Argentine. J’avais décidé d’aligner celle qui avait battu le Pérou.

A voir ou à revoir : France-Argentine, les secrets d'un match de légende

Mais l'animation était différente.

Oui car cette fois, nous avons décidé d'évoluer avec un bloc bas, dense, pour fermer les espaces et les intervalles mais aussi pour être le plus dangereux possible, leur créer le plus de problèmes possible, leur faire mal. Au milieu, contrairement à nos habitudes, Paul (Pogba) va jouer à droite, pour être près de Kylian (Mbappé) qu’il doit alimenter, et NG (Kanté) à gauche, dans la zone de Messi. Après, j’en reviens toujours à la même chose : ce sont les joueurs, sur le terrain, qui font de ce match ce qu’il a été. Le scénario du France-Argentine de 2018 a marqué le monde entier. Comme celui de 2022 même si j’aurais préféré que celui-là se termine autrement. Pour en revenir à la question, tous les matches ont compté. Face à l’Uruguay, ce fut loin d’être une partie de plaisir. Pareil contre la Belgique et la Croatie.

La joie de Didier Deschamps et Olivier Giroud après France - Argentine

Crédit photo : Bildbyran / Icon Sport

Vous étiez persuadé, quelques jours avant la finale, que vous alliez la remporter.

Oui et je ne voudrais pas que l’on l’interprète mal. J’avais et je garde le plus grand respect pour la Croatie et son entraîneur, Zlatko Dalic. Ce qu’ils ont réalisé en Russie et ce qu’ils ont réalisé depuis, notamment au Qatar ou lors de la dernière Ligue des Nations prouve que la Croatie, qui compte pourtant moins de cinq millions d’habitants, est une grande nation du football. Maintenant, c’est vrai, j’avais ce présentiment, qui s’imposait presque à moi comme une évidence. On ne joue pas une finale de Coupe du monde tous les jours. Et pourtant, je l’ai préparée avec une grande sérénité. Il vaut mieux, d’ailleurs. Imaginez un entraîneur dire à ses joueurs d’aborder un tel rendez-vous avec confiance, alors qu’il a lui-même des gouttes de sueur qu’il coule de son front (rire). 

Vous avez remporté la Coupe du Monde 1998 en tant que capitaine puis celle de 2018 en tant que sélectionneur. Laquelle est la plus belle à vos yeux ?

Je l’ai dit, redit et je vais le répéter. A mes yeux, il n’y a rien de plus beau, de plus fort, dans une carrière, que l’Equipe de France. Ne comptez pas sur moi pour hiérarchiser ces moments exceptionnels. Ce sont deux succès exceptionnels, qu’il ne faut surtout pas opposer parce qu’ils appartiennent à une seule et même histoire, celle de l’Equipe de France. 1998 et 2018, ce sont les deux mêmes étoiles, l’une à côté de l’autre sur le même maillot. Et je sais que ceux qui étaient mes coéquipiers, il y a vingt-cinq ans pensent la même chose. En 1998, nous avions le plus grand respect pour la génération qui avait gagné l’Euro 84. Après la finale de 2018, ceux qui étaient au stade sont venus partager leur joie dans le vestiaire. C’était un moment fort. 2018, c’est aussi le souvenir fabuleux de revoir tous nos compatriotes fiers, heureux. Un souvenir indélébile, comme en 1998. Pourquoi opposer alors que c’est tellement mieux d’additionner, de réunir ? 

Il paraît qu’il pleuvait mais nous aurions pu rester des heures sur le terrain. Ce jour-là, la pluie ne mouillait pas.

Didier Deschamps, au sujet de la remise de la Coupe de Monde

A titre plus personnel, vous en avez vécu un autre, sur la pelouse du stade Loujniki. Avec votre épouse, Claude, votre fils Dylan, et la Coupe du Monde. 

On a fait des photos mais je n’ai pas besoin de les regarder pour avoir ce moment en tête. C’est effectivement un moment d’émotion intense, de bonheur profond. J’étais tellement heureux pour eux et ils étaient tellement heureux pour moi… Ce succès est aussi le leur. Comme je l’ai dit, tout n’a pas été facile avant ce titre mondial. Et quand ce n’est pas facile pour moi, c’est encore moins facile pour eux. Ma femme et mon fils ont toujours été là. Cet instant était vraiment magique. Il paraît qu’il pleuvait mais nous aurions pu rester des heures sur le terrain. Ce jour-là, la pluie ne mouillait pas.

Depuis 2018, l’Equipe de France est allée en finale de la Coupe du Monde 2022 alors que les tenants du titre avaient pris l’habitude d’être éliminés au premier tour, elle a gagné la Ligue des Nations en 2021 quelques mois après son élimination décevante en huitième de finale de l’Euro…

Le plus compliqué, quand on a atteint le sommet, c’est d’y rester tout en sachant, comme je l’avais dit aux joueurs après la finale contre la Croatie, que nous ne pourrions pas aller plus haut. L’Equipe de France a toujours été attendue et quand elle est championne du monde en titre, elle l’est encore davantage. Sur les cinq dernières années, on peut toujours se dire qu’on aurait pu faire mieux. Même si parfois, les circonstances font que c’était très, très difficile de faire mieux. Depuis juillet 2018, l’Equipe de France a disputé 60 matches, elle en a gagné 40 et perdu 7. Si elle est vice-championne du monde, qu’elle a est actuellement deuxième au classement FIFA, que les Français aiment s’identifier à elle, c’est parce qu’elle ne s’est pas endormie sur ses lauriers, que l’exigence est restée la même, que l’ambition de gagner et de partager des émotions est demeurée intacte. D’ailleurs, si c’est agréable, le 15 juillet, d’ouvrir la boîte aux souvenirs, le 16, on pensera à nouveau à ce qui nous attend à partir du mois de septembre prochain. Le foot, au haut niveau, c’est ça. Savourer les bons moments mais se projeter très vite sur ce qui nous attend. »

La joie du staff et des Bleus après la remise de la Coupe du Monde 2018

Photo : Aurélien Durand / FFF

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