ÉQUIPE DE FRANCE FÉMININE 

Eugénie Le Sommer : « Je peux dire que c’est un rêve »

mercredi 9 août 2023 - 15:40 - Claire GAILLARD
Eugénie Le Sommer

À 34 ans, la meilleure buteuse de l'histoire des Bleues détient le record de matches disputés en Coupe du monde avec la France (19). Elle qui pensait ne pas voir l'Australie, la voilà en quarts de finale.

Dans le football, cela peut prendre du temps comme aller très vite. Après deux ans d'absence, Eugénie Le Sommer a fait son retour en Équipe de France en avril dernier, rappelée par le nouveau sélectionneur Hervé Renard qui en a fait l’une de ses vice-capitaines. La meilleure buteuse de l’histoire des Bleues (182 sélections, 92 buts*) lui a rapidement rendu la pareille (7 titularisations, 6 buts*). Alors qu’elle avait été contrainte de mettre un peu de distance avec la sélection et avait déjà planifié son été, la voilà en Océanie pour sa 4ème Coupe du monde comme sa coéquipière lyonnaise Wendie Renard. Avec 16 apparitions depuis l’édition 2011 en Allemagne où les Bleues ont réalisé leur meilleure performance en atteignant les demi-finales, elle partageait - avant l’entrée en lice de la France en Australie - le record de matches disputés à égalité avec Gaëtane Thiney. Une stat’ qu’elle a améliorée dimanche 23 juillet en débutant face à la Jamaïque (0-0, 17ème apparition) et qui grandit à mesure que la compétition avance (19 matches joués* avant le quart de finale face à l'Australie, samedi 12 août à 9 heures, heure française). Pour FFF.FR, l’attaquante revient sur son retour en bleu, le Mondial 2023 puis se replonge dans ses souvenirs « mondains ».

(*) Statistiques actualisées après le huitième de finale France-Maroc (4-0, le 8 août 2023). 

La fiche d’Eugénie Le Sommer

« Avec 16 matches disputés en Coupe du monde sur trois éditions (2011, 2015, 2019) avant celle de 2023, vous êtes l’internationale française qui en a joué le plus avec Gaëtane Thiney (entretien réalisé avant le début du Mondial). Que représente ce record que vous allez améliorer en Australie (+3 depuis le début du tournoi)
Je ne le savais pas (rires) ! C’est beaucoup, c’est beau. Pour moi, c’était un rêve de disputer un jour une Coupe du monde, alors pouvoir jouer ma 4ème, c’est énorme. Je n’ai pas de mots mais ce n’est pas le tout de la disputer, j’ai envie qu’on aille loin et qu’on vive quelque chose de beau. Ce nombre de matches est une fierté. Je sais ce que cela peut représenter pour une footballeuse. Beaucoup de joueuses aimeraient en jouer ne serait-ce qu’un. On est peu nombreuses à avoir cette chance et je vais essayer de donner mon maximum. 

182
Sélections en Équipe de France, soit la 5ème joueuse la plus capée, à une longueur de Camille Abily
92
Buts marqués, soit la meilleure buteuse de l’histoire des Bleues devant Marinette Pichon (81)
19/23
Avec 19 matches sur 23 possibles en Coupe du monde, Eugénie Le Sommer est l’internationale française qui compte le plus d’apparitions devant Wendie Renard et Gaëtane Thiney (16)
8
Lors de ses 19 matches, elle a marqué 8 buts (2 en 2015, 3 en 2019, 3 en 2023), meilleur total

On entend souvent qu’un premier Mondial est un rêve mais au regard de votre parcours ces deux dernières années, ce quatrième en est-il un ?
(Elle sourit) Oui, c’est sûr ! Il a fallu que je me remette dedans car ce n’était quasiment plus un objectif pour moi. À force de ne plus voir mon nom dans la liste, j’avais pris un peu de distance avec l’Équipe de France. J’ai dû tout de suite me reconditionner et aujourd’hui, oui, je peux dire que c’est presque un rêve de disputer cette Coupe du monde. Elle était présente au fond de moi cette envie de retourner en sélection mais je n’avais pas les cartes en mains. Même si je donnais tout ce que je pouvais sur le terrain, les choix étaient faits ensuite. Je suis très contente d’être ici et de reporter le maillot bleu. 

« Ce n’était pas l’été que j’avais prévu ! Même si je sais que le football va très vite et que c’était dans un petit coin de ma tête, c’était très, très loin et c’est redevenu très, très proche »

 

Concrètement depuis que vous avez été rappelée en avril, qu’avez-vous changé ?
Ce n’est pas l’exigence car même quand je n’étais pas en sélection, je donnais le meilleur de moi-même afin d’être la plus performante possible. C’est juste de rebasculer dans les objectifs Équipe de France qui ne faisaient plus partie de mon quotidien. À partir du moment où le sélectionneur m’a rappelée, je me suis dit : ''Il y a la Coupe du monde''. C’était donc un travail mental avec aussi une prise d’informations importante car je ne connaissais pas tous les groupes ni les équipes qualifiées… Enfin, il y a eu un aspect organisationnel à prendre en compte car ce n’était pas l’été que j’avais prévu ! Même si je sais que le football va très vite et que c’était dans un petit coin de ma tête, c’était très, très loin et c’est redevenu très, très proche. 


À l'entraînement cette semaine (photo Simon MORCEL / FFF).

Cette mise à distance était-elle une façon de vous protéger ? 
Exactement car je ne l’ai pas fait au début. J’ai espéré à chaque rassemblement de voir mon nom dans la liste et c’était dur à chaque fois d’être déçue. Je ne m’attendais plus à rien et je préférais me dire : ‘‘On verra bien’’. Je ne voulais pas que ce soit quelque chose de néfaste pour moi. 

Cette Coupe du monde a lieu à l’autre bout du monde, un peu comme le Canada en 2015… 
C’est pour cela que c’était encore plus dur de se projeter car le pays est tellement loin de la France, avec un long voyage et un décalage horaire important. C’est la beauté du football d’aller jouer dans des endroits où tu n’aurais peut-être jamais mis les pieds. Je découvre un nouveau pays et je pense que ça va être une belle Coupe du monde. L’Australie veut que ce soit une fête, comme nous en 2019, du monde est attendu dans les stades et des records d’affluence et d’audience vont tomber. Le pays se donne les moyens de vivre un très bel évènement. » 

 LA COUPE DU MONDE 2011 
« On a réalisé quelque chose de fort »

Sa 1ère participation - Allemagne 
Parcours : 2ème du groupe A - Demi-finaliste (1-3 contre les États-Unis puis 1-2 lors du match pour la troisième place face à la Suède)
Matches disputés : 6 (2 titularisations, 4 entrées en jeu)

« C’était la première, le rêve. J’ai toujours regardé la Coupe du monde garçons à la télévision. Les filles n’étaient pas diffusées ou pas qualifiées donc on ne pouvait pas suivre les matches. Quand j’ai vu mon nom dans la liste, j’étais la plus heureuse. J’étais jeune mais j’avais aussi un rôle à jouer dans l’équipe, j’ai pris part à quasiment tous les matches en tant que titulaire ou remplaçante. 


26 juin 2011 : sa première apparition en Coupe du monde face au Nigeria (photo Mis / Icon Sport). 

Quand je suis appelée pour entrer en jeu contre le Nigeria lors du premier match, c’est quelque chose ! Je me suis dit : ‘‘Ca y est, c’est le moment !’’ Le stade était plein avec 20 à 25 000 spectateurs. Je sers Marie-Laure Delie qui ouvre le score, c’est un but important. J’étais contente de bien débuter la compétition et d’apporter à l’équipe car c’est ce qu’on demande à une fille qui sort du banc d’essayer de débloquer la situation. Je pense que j’avais accompli la mission. C’était une belle première. 

J’avais déjà disputé une demi-finale avec la sélection U20 mais vivre ça avec les A, c’est formidable. C’est un beau souvenir mais on se dit aussi qu’on n’est pas passé loin de la finale ! Pour l’instant, c’est le meilleur résultat qu’on ait réussi à obtenir en phase finale. On ne s’attendait pas à ce parcours-là. Au départ, l’objectif, c’était de sortir des poules car la France ne l’avait jamais fait et parvenir à atteindre les demi-finales a été un moment incroyable à vivre. On en garde quelques regrets au final mais on était conscientes aussi d’avoir réalisé quelque chose de fort. Ça donne envie d’y regoûter. 


Au duel avec Alex Krieger lors de la demi-finale contre les États-Unis (Photoshot / ICON SPORT).

Nos forces ? Le collectif, la solidarité et l’insouciance surtout de se dire on sort des poules et tout ce qu’il se passe après sera du plus. On voulait gagner mais on n’avait pas la pression du résultat qu’on peut avoir aujourd’hui avec l’attente autour de nous. Il y avait beaucoup de qualités dans l’équipe avec différents styles de joueuses mais qui se complétaient bien et un peu de banc. Les limites ? Peut-être physiquement. Aujourd’hui, le football a changé. L’Équipe de France est plus mâture physiquement et préparée à ce genre de matches de compétition de haut niveau. » 

 LA COUPE DU MONDE 2015 
« Celle qui laisse le plus de regrets »

Sa 2ème participation – Canada 
Parcours : 1er du groupe F - Quart-finaliste (1-1, 4 tab 5 contre l’Allemagne)
Matches disputés : 5 (tous en tant que titulaire), 3 buts

« On débute face à l’Angleterre. C’est une belle affiche, on jouait la tête du groupe dès notre entrée en lice et on le savait. J’attendais ce premier but en Coupe du monde, il vient et on l’emporte 1-0. C’était une belle émotion même si on ne peut pas s’enflammer, on avait bien entamé le tournoi. Derrière, on perd contre la Colombie (0-2) mais c’est peut-être ce qui nous permet de nous remobiliser, de nous dire que la compétition ne va pas être facile et qu’il faut aborder chaque match avec sérieux car tu peux passer à la trappe. 


La joie d'Eugénie Le Sommer qui signe, à Moncton, son premier but dans un Mondial devant l'Angleterre (1-0, photo Archives FFF). 

La Coupe du monde 2015 est celle qui laisse le plus de regrets parce qu’on quitte la compétition en quarts de finale aux tirs au but. On était tout proche du dernier carré. Quand tu gagnes après un scénario pareil, comme en 2011 face à l’Angleterre (1-1, 4 tab 3), c’est magnifique grâce aux émotions ressenties et au stress procuré mais quand tu es éliminé, c’est cruel. C’est surtout le match qui nous laisse des regrets : c’est la première fois qu’on rivalisait autant avec une grande nation comme l’Allemagne. Je pense qu’elles ont tremblé et ce n’est pas passé loin. On avait quasiment fait le match qu’il fallait. Je me souviens que lors des rencontres précédentes face aux Allemandes, on défendait beaucoup, c’était dur. Là, on avait vraiment rivalisé dans le jeu, on avait eu plus de situations qu’elles. Il n’a pas manqué grand-chose. On s’était donné les moyens et ce n’était pas une déroute mais ça fait mal. 


Les Allemandes sortent les Françaises en quarts de finale (photo Archives FFF). 

Nos forces ? On avait une très belle équipe avec de grandes qualités, on jouait bien et physiquement, on était au top. On avait un bon groupe et encore plus de banc qu’en 2011. Tous les postes étaient doublés voire triplés, ce n’était même plus des remplaçantes, c’étaient des titulaires qui ne débutaient pas. Les limites, le petit brin de réussite, l’occasion manqué en fin de match, la malchance aux tirs au but. Il n’y a pas de hasard dans le football mais ce n’est vraiment pas passé loin. Je me dis souvent que ça aurait pu basculer dans l’autre sens et derrière on va loin… Je ne saurais pas dire pourquoi on n’a pas réussi. Tous les ingrédients étaient là, on n’a juste pas marqué ce but de plus. »

 LA COUPE DU MONDE 2019 
« La première fois qu’on vivait ça avec nos supporters »

Sa 3ème participation – France 
Parcours : 1er du groupe A – Quart-finaliste (1-2 contre les États-Unis)
Matches disputés : 5 (4 titularisations, 1 entrée en jeu), 2 buts

« Je n'aurais jamais imaginé une Coupe du monde féminine en France ! Quand j’ai appris qu’on avait remporté l’organisation, j’ai trouvé ça beau. Et très vite, j’ai eu envie d’y participer. C’était un autre rêve qui se réalisait de disputer une compétition aussi importante dans mon pays. Le contexte était parfait : les gens nous ont soutenues, supportées, les médias ont joué le jeu en donnant de l'ampleur à l’évènement, l’organisation était au top… Tout a été fait pour qu’on soit le mieux possible. Jusqu’à aujourd’hui, je pense que c’est la compétition féminine la plus réussie au niveau FIFA et cela a été une belle réussite dans notre pays. 


Dans les bras de Wendie Renard après le succès face à la Norvège (photo Fredrik VARFJELL / BILDBYRAN / ICON SPORT).

Je garde le souvenir de ce premier match (4-0 face à la République de Corée, le 7 juin 2019) car c’est l’aboutissement de toute la préparation. Je me rappelle notre arrivée au Parc des Princes en car, c’était la première fois qu’on vivait ça avec nos supporters, du monde partout dans la rue et aux abords de l’enceinte. La Marseillaise, c’était extraordinaire. Personnellement, marquer le premier but m’a procuré beaucoup d’émotions. J’étais attendue, j’avais été blessée pendant la préparation et je voulais à tout prix bien débuter. Ça m’a un peu libérée. On réalise un très bon match, on est sérieuses, on l’emporte et ça nous lance dans la compétition. On savait qu’on avait deux adversaires difficiles ensuite avec la Norvège et le Nigeria, ça a été le cas. À Nice, contre la Norvège (2-1, le 12 juin), je marque sur penalty, c’est un but important, il fallait le réussir pour qu’on reste premières du groupe.

On sort des poules et derrière, c’est le Brésil en huitièmes. Ça a été très difficile, on ne parvient pas à se départager, on file en prolongation et on fait la différence sur un coup de pied arrêté. C’était une belle équipe du Brésil qu’on va retrouver lors de cette édition en Australie. On sait que ce sera compliqué mais ce sont des matches qu’on aime disputer. La prolongation avait été éprouvante physiquement. Au coup de sifflet final, on est hyper heureuses car se qualifier de cette manière, c’est beau et intense. On aborde le quart de finale face aux États-Unis avec de la confiance. Cela ne s’est pas passé comme on l’avait prévu et c’est dommage. Même si on a perdu contre les championnes du monde en titre et futures vainqueures, on avait moyen de faire mieux. » 


Contre les Américaines en quarts de finale (photo Baptiste FERNANDEZ / ICON SPORT).

Vers une 3ème Olympiade ?

Puisque l’Équipe de France est redevenue un objectif, Eugénie Le Sommer regarde devant. Outre la Coupe du monde évoquée ci-dessus, il a aussi été question des Jeux Olympiques de Paris 2024 lors de cet entretien. Et à quasiment un an jour pour jour du premier match des Bleues dans le tournoi de football féminin (le 25 juillet 2024 à Saint-Étienne), la vice-capitaine confirme que « c’est un objectif ». « J’ai toujours fonctionné comme ça et je vais me donner les moyens de l’atteindre. Cela ne dépend pas que de moi mais j’ai envie de les disputer. Cela se passe dans notre pays, c’est un évènement magnifique et j’espère en faire partie. » Pour celle qui a connu ceux de Londres en 2012 (demi-finales) et de Rio en 2016 (quart de finale), ce serait une troisième olympiade.

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