La formation à la Française a 50 ans

Deschamps :  « De bonnes fondations, c’est essentiel »

vendredi 10 novembre 2023 - 18:00 - R. R.
Didier Deschamps et Kylian Mbappé

Didier Deschamps, le sélectionneur de l'Equipe de France, éprouve le plus grand respect pour la formation à la française et ceux qui la dispensent. Entretien.

A la tête des Bleus depuis juillet 2012, Didier Deschamps a la lourde tâche de choisir les plus beaux joyaux de la formation à la française pour faire briller la sélection tricolore. Et quand il s’agit de puiser dans l’incroyable vivier, « les choix sont loin d’être toujours faciles », admet volontiers le sélectionneur national. Formé au FC Nantes, DD a vite gravi les échelons pour atteindre le plus haut niveau international, qu’il n’a jamais quitté, que ce soit comme joueur ou entraîneur. Même vu d’en haut, la formation française est impressionnante, quand on l’écoute. Témoignage d’un technicien avisé. 

 

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Le nombre d'internationaux français depuis 1904.
111
Le nombre d'internationaux français utilisés par Didier Deschamps depuis août 2012.
76
Le nombre d'internationaux français lancés par Didier Deschamps depuis août 2012. Dernier en date : Castello Lukeba.
8
Le nombre de joueurs de L1 Uber Eats dans la liste des 23 d'octobre 2023.

 

Quel regard portez-vous sur la formation, en France ?

Un regard admiratif, bien évidemment. En France, on ne forme pas bien. On forme très bien. Dans ce secteur, notre pays a été, est et reste une référence pour tous dans le monde entier. Dans mes échanges avec les sélectionneurs des autres nations, ils mettent presque systématiquement en avant la qualité des joueurs français mais aussi la formation qu’on leur dispense. Un joueur, quel que soit son talent, n’émerge au plus haut niveau que s’il a reçu une formation de qualité. L’un ne va pas sans l’autre.

 

Pour rester à la pointe, la formation a dû évoluer au fil des années. Comment percevez-vous cette évolution ?

Je l’ai vécue, comme joueur puis comme entraîneur. Lorsque j’ai choisi d’intégrer le centre de formation du FC Nantes, quatre ou cinq clubs, parmi lesquels on peut également citer Sochaux et Auxerre, se disputaient les meilleurs espoirs français. Ces clubs formaient pour alimenter leur équipe première. Ceux qui se faisaient remarquer étaient ensuite transférés, essentiellement dans d’autres clubs français. Ce modèle s’est, en quelque sorte, généralisé. Aujourd’hui, pratiquement tous les clubs français se donnent les moyens de former. Les joueurs n’hésitent pas à prendre leur envol. Très jeunes, ils partent dans des clubs étrangers, souvent de premier plan, qui savent que la qualité sera au rendez-vous.

Si j’estime qu’un joueur de 20 ans, voire moins, est plus performant qu’un joueur de 30, je fais appel à celui de 20 sans hésitation.

Didier Deschamps

 

C’est un problème pour vous ?

Pour moi ? En tant que sélectionneur, non. Je m’adapte. Avec mon staff, nous nous organisons pour suivre attentivement le championnat français, bien évidemment, mais aussi les principaux championnats étrangers. Chaque week-end, nous analysons les performances d’une bonne soixantaine de joueurs. Et nous bénéficions également des remontées d’informations des sélectionneurs nationaux, à commencer par le sélectionneur des Espoirs. Le problème, il n’est pas pour l’Équipe de France mais pour les clubs français. C’est compliqué d’être à la fois performant sur la scène internationale tout en devant faire face à la nécessité économique de vendre ses meilleurs éléments.

 

Lors du rassemblement d'octobre 2023, 9 des 23 joueurs que vous avez sélectionnés avaient moins de 25 ans. Ces 23 joueurs totalisaient 676 sélections, dont 322 pour les seuls Griezmann, Mbappé et Giroud.

La date de naissance n’a jamais été un critère de sélection à mes yeux. Si j’estime qu’un joueur de 20 ans, voire moins, est plus performant qu’un joueur de 30, je fais appel à celui de 20 sans hésitation. Dans mon premier groupe, en août 2012, il y avait par exemple Raphaël Varane. Il n’avait que 19 ans mais ses débuts, au Real Madrid, me laissaient penser qu’on tenait là un défenseur de premier plan. Après, comme je le dis souvent, le mérite revient d’abord au joueur. Atteindre le haut niveau est difficile mais s’y installer dans la durée encore davantage. Mon rôle consiste à les accompagner, en m’adaptant à eux. Et surtout pas l’inverse.

Didier Deschamps et Raphaël Varane

Raphaël Varane est passé par le Pôle Espoirs de Liévin, dans le Pas-de-Calais, puis par le centre de formation du RC Lens (photo : Simon Morcel).

Quand vous êtes réunis avec les Bleus à Clairefontaine, il vous arrive de voir passer des jeunes devant le château…

Oui et je sais ce qu’ils veulent : monter les marches et franchir la porte d’entrée. Clairefontaine est un outil de travail exceptionnel. Nos sélections nationales s’y sentent toutes comme chez elles, les jeunes de l’INF aussi. J’évoquais le travail en profondeur effectué dans les clubs au niveau de la formation mais l’investissement de la Fédération est énorme, également. Les pôles Espoirs régionaux permettent aux meilleures adolescentes et aux meilleurs adolescents de travailler quotidiennement avec l’élite de leur territoire. Et d’avoir tous les atouts pour intégrer, ensuite, le centre de formation d’un club professionnel, sans pour autant avoir à délaisser l’école. Et puis, il y a tout le travail dont on ne parle presque jamais mais qui est primordial : la formation des cadres techniques.

Je sais l’étendue du travail qu’ils accomplissent, parfois avec des moyens très limités. Nos victoires sont aussi les leurs.  Franchement, chapeau à eux !

Didier Deschamps

Être formé pour mieux former, en quelque sorte…

C’est exactement ça. Tous les éducateurs sont des passionnés. Et il en faut, de la passion, pour accomplir cette tâche délicate mais tellement essentielle que d’encadrer les plus jeunes. Mais un éducateur bien formé disposera d’un bagage beaucoup plus large pour planifier et animer ses séances, faire progresser individuellement et collectivement les joueurs dont il a la responsabilité.

 

Vous qualifiez leur tâche d’essentielle ?

Oui et ce n’est pas de la démagogie. On peut même qualifier leur mission de difficile. Avant la dernière Coupe du monde, j’étais allé à la rencontre des éducateurs qui avaient formé nos internationaux en Î'le-de-France. J’échange fréquemment avec ceux qui s’occupent, comme on a coutume de dire, de la base. Avoir de bonnes bases, de bonnes fondations, c’est essentiel. Je sais l’étendue du travail qu’ils accomplissent, parfois avec des moyens très limités. Nos victoires sont aussi les leurs.  Franchement, chapeau à eux ! Et merci !

 

Didier Deschamps à la rencontre des formateurs

En octobre 2022, avant la Coupe du Monde, Didier Deschamps, accompagné par son adjoint Guy Stéphan, l'entraîneur des gardiens Franck Raviot et le préparateur physique Cyril Moine, était allé à la rencontre des éducateurs et des clubs d'Ile de France ayant formé les internationaux A. ((photo : Ligue de Paris Ile de France)

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