La formation à la Française a 50 ans

Georges Boulogne, le visionnaire

vendredi 10 novembre 2023 - 10:00 - Philippe MAYEN
Georges Boulogne

Georges Boulogne s'est battu pour créer puis fait grandir la Direction technique nationale, épaulé dans sa tâche par quatre entraîneurs nationaux : Gaby Robert, Henri Guérin, Michel Hidalgo et Jacky Braun. Le football français leur doit beaucoup.  

Georges Boulogne en bref...

Né le 1er juillet 1917 à Haillicourt (Pas-de-Calais), joueur amateur à l’AC Amboise et à l’AS Saint-Dizier (1926-1942), Georges Boulogne, instituteur et professeur de sport de formation, a embrassé la carrière d'entraîneur à partir de 1948 en dirigeant successivement l'AS Saint-Dizier, le RRC Gand (Belgique), le RCS Verviers (Belgique), l'AS Saint-Dizier, le SA Vitry-le-François et le FC Mulhouse. il est devenu instructeur national à la FFF à partir en 1958 et a entraîné les Équipes de France Juniors, Amateurs et B.

Sélectionneur national de mars 1969 à mai 1973 (31 matches, 15 victoires, 5 nuls, 11 défaites), il est à l'origine de la Direction technique nationale, qu'il a dirigé de 1970 à 1982. Membre du Conseil Fédéral de la FFF à partir du 1er juillet 1985 en tant que représentant des éducateurs, il a également été vice-président de la Ligue Nationale de Football de 1993 à 1995 et secrétaire général de l’UNECATEF (1977-1982) et de l’Amicale des Éducateurs.

 

Le football français leur doit beaucoup. Une grande partie de ses titres, de son rayonnement, des plus belles heures de son histoire. Les noms de Georges Boulogne, Henri Guérin, Gaby Robert, Michel Hidalgo et Jacky Braun occupent une place de choix au Panthéon de notre discipline qu’ils ont contribué à développer de manière décisive en tant que pionniers de la Direction Technique Nationale (DTN), et du système de détection et de formation des talents.

La DTN est d’abord l’idée d’un homme, Georges Boulogne, ancien joueur amateur, instituteur et professeur de sport de métier, devenu entraîneur après-guerre. Entré à la FFF en 1958 en tant qu’instructeur national (poste où il succède à Pierre Pibarot), responsable des sélections Juniors, Amateurs et B, il est nommé sélectionneur national en mars 1969 et conduit l’Équipe de France pendant 31 matches, jusqu’en mai 1973. Dès son arrivée, le technicien tente de faire partager la conviction qui est la sienne d’une nécessaire évolution en profondeur du football français, dont il n›hésite pas à pointer les manques et les insuffisances.

D'abord contesté...

Cela lui vaut d’être contesté et fortement critiqué par une grande partie du football, qui rejette les mesures qu’il préconise. « Il avait raison trop tôt, a écrit plus tard Philippe Tournon, ancien journaliste, chef de presse des Bleus de 1983 à 2004 et de 2012 à 2018. Ses propos, pourtant pertinents et martelés avec une louable obstination, ne trouvaient que peu d’écho dans les milieux où l’on célébrait encore avec émotion et nostalgie le culte du grand Reims. Alors que tous les grands pays, conscients des irréversibles évolutions du jeu et de la préparation des joueurs, travaillaient d’arrache-pied pour bâtir le football et les footballeurs du dernier quart du XXe siècle, on instruisit à l’encontre de Georges Boulogne maints procès en « réalisme », alors qu’il poursuivait seulement une mise à niveau chaque jour plus inéluctable et urgente ». Le lot de beaucoup de visionnaires.

1970, le coup d’envoi

À force de prêcher, Georges Boulogne finit par trouver quelques oreilles attentives, et non des moindres : Jacques Georges, élu à la tête de la Fédération en 1968, Fernand Sastre, secrétaire général de la FFF à partir de 1969, et Jean Sadoul, président de la Ligue Nationale de Football (ex-LFP) à partir de 1967, s’intéressent de près au projet qu’il défend. Et son acharnement paie enfin. 

Le 29 juillet 1970, dans un communiqué publié en première page de France Football Officiel, son journal, la FFF informe de la « création de la DTN ». En conclusion, le texte annonce que « les fonctions de DTN seront confiées à M. Georges Boulogne qui sera assisté de quatre entraîneurs nationaux : MM. Jacky Braun, Henri Guérin, Michel Hidalgo et Gaby Robert. »  En quelques mois, les tâches sont réparties entre eux et les quelques Conseillers techniques régionaux (CTR) et départementaux (CTD) rapidement nommés sur le terrain. Leurs missions se sont concentrées autour de trois axes, trois priorités : les actions en faveur de la masse, de l‘élite, et la formation et l’animation des cadres techniques. La DTN est définitivement lancée.

Avec la mise en place, entre autres, de centres de formation dans les clubs professionnels, d’un Institut National du Football (d’abord basé à Vichy puis à Clairefontaine), d’une politique et d’un programme de détection des talents, de compétitions pour les jeunes (Coupes nationales Cadets et Minimes), d’une réforme de la formation des entraîneurs, la DTN sera à l’origine du renouveau du football français, couronné par le sacre de 1998. À l’issue de la finale de la Coupe du monde contre le Brésil (3-0), Aimé Jacquet a ces mots : « Je pense à celui qui nous a propulsés dans ce football d’aujourd’hui, Georges Boulogne. C’est lui qui a eu l’idée de créer les centres de formation, la DTN, et mis en place les formations d’entraîneurs, la formation des jeunes. On lui doit tout ! «. 

Un héritage préservé

À sa disparition, le 24 août 1999, à l’âge de 82 ans, les hommages vont aussi se multiplier pour saluer le bâtisseur, l’éducateur, et souligner la portée essentielle de son œuvre en tant que Directeur technique national de 1970 à 1982. Pour Claude Simonet, alors président de la FFF, « il a été le créateur de tout le corps des CTR et des CTD, le bâtisseur de la DTN ». Pour Roger Lemerre, sélectionneur national, « il a mis en place et développé cette politique technique nationale unanimement reconnue aujourd’hui. Nous devons avoir une grande gratitude et reconnaissance envers cet homme et son équipe de départ ».

Georges Boulogne parti, l’heure était venue pour le football français de préserver et de magnifier l’héritage qu’il lui avait laissé, ce que Philippe Tournon formulait ainsi : « Georges Boulogne a tellement bien tracé la route, il a si bien ouvert les yeux des plus sceptiques que ce sera le plus bel hommage à lui rendre, le plus beau témoignage de fidélité à son endroit, que de poursuivre l’œuvre si patiemment et si minutieusement entreprise. » Tout porte à croire, aujourd’hui que ce vœu a été entendu. Ce Foot Mag dédié à la formation française en est une preuve.

Le premier « carré magique »

Si la paternité de la Direction Technique Nationale lui revient, Georges Boulogne ne s’est pas lancé seul dans cette grande et belle aventure. Comme tout capitaine, l’homme avait son équipe et ses « cadres », presque un « carré magique » avant l’heure : Jacky Braun, Henri Guérin, Michel Hidalgo et Gaby Robert l’ont ainsi accompagné aux premières heures de la DTN, alors qu’il était de front à la tête de l’Équipe de France (1969-1973)

Michel Hidalgo, le pied à l’étrier
Michel Hidalgo est évidemment le plus connu d’entre eux mais il n’est encore qu’un jeune entraîneur (37 ans) lorsqu’il rejoint le giron fédéral après avoir fait ses armes avec la réserve de l’AS Monaco (1967-1968 et 1969-1970) puis au RC Menton (1968-1969), une fois son parcours de joueur refermé. Il y devient l’adjoint de Georges Boulogne, qui le poussera trois ans plus tard sur le banc des Bleus (1972) au côté du Roumain Stefan Kovacs. On connaît la suite… À la retraite du « patron », en juin 1982, c’est à Michel Hidalgo que l’on confiera le soin de diriger cette DTN qu’il connaît si bien. Il restera à ce poste jusqu’en juin 1986. Un nouvel « espace » a été inau-guré par la FFF au CNF Clairefontaine le 5 septembre dernier pour honorer sa mémoire (Michel Hidalgo s’en est allé le 20 mars 2020 à 83 ans). 

Henri Guérin, opération détection
L’ancien défenseur Henri Guérin, lui, est déjà bien plus expérimenté quand il rallie la DTN, à 49 ans, avec six saisons en tant qu’entraîneur-joueur du Stade Rennais (1955-1961), une sur le banc de l’AS Saint-Étienne (1961-1962) mais aussi deux au poste d’entraîneur de l’Équipe de France (1962-1964), et deux autres au poste de sélectionneur national (1964-1966). La détection des jeunes sera son domaine de prédilection, notamment à travers une opération que la FFF baptisera de son nom, l’Opération Guérin, consacrée aux moins de 12 ans et 13 ans dans les ligues et districts. À sa mémoire (il est disparu le 2 avril 1995 à 73 ans), le Centre technique régional de la Ligue de Bretagne porte son nom. 

Gaby Robert, le fidèle
Pour l’épauler, Georges Boulogne fait également appel à Gabriel Robert (50 ans), dit « Gaby » Robert, ancien attaquant au parcours de technicien étoffé (Hyères, Toulon, Lyon, Valenciennes). Il demeurera fidèle de nombreuses années à la DTN, conduisant l’équipe de France olympique aux Jeux de Montréal, en 1976 (avec Michel Platini, Patrick Battiston, Loïc Amisse ou encore Éric Pécout dans ses rangs), ainsi que l’équipe de France Juniors sacrée championne d’Europe 1983 (avec Stéphane Paille en fer de lance). Gaby Robert s’est éteint le 15 mai 2003 à Hyères (à 83 ans), où un stade lui rend hommage. 

Jacky Braun, premier CTR
L’Amiénois Jacky Braun (42 ans à son arrivée) complète enfin le quatuor des hommes de confiance de Georges Boulogne. Et pour cause :  en 1963, cet ancien international militaire, figure du football picard, est devenu le premier Conseiller technique régional officiant dans une ligue, celle de Paris. Il prend tout naturellement place à la DTN, qu’il ne quittera qu’en 1993. Il sera membre du Conseil Fédéral et décèdera le 18 octobre 2016 à 88 ans. – Ph. M.

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