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Thierry Henry : «  La formation française est un label international  »

lundi 13 novembre 2023 - 16:22 - Claire GAILLARD et Philippe MAYEN
Thierry Henry

Le sélectionneur de l'Équipe de France Espoirs livre son regard sur la formation française, un modèle pour beaucoup selon lui, et se souvient de ses années à Clairefontaine.

Avant d’être nommé par le Comité exécutif de la FFF le 21 août comme nouveau sélectionneur de l’Équipe de France Espoirs, Thierry Henry, l’un des plus prestigieux ambassadeurs du football tricolore, a beaucoup voyagé, de la Juventus Turin au Red Bull New York en passant par Arsenal, Barcelone comme joueur, de Montréal à la sélection belge comme technicien. L’ancien attaquant international aux 123 sélections et 51 buts est formel : la formation à la française est un modèle pour beaucoup. Mais lui, quel regard pose-t-il dessus, au juste ? Quels souvenirs garde-t-il de ses années à Clairefontaine ?

La fiche de Thierry Henry

 SON ŒIL SUR... 
 La formation à la française 

« Tout le monde a voulu copier Clairefontaine » 

« Lorsque j’étais à Arsenal ou Barcelone, on m’a souvent dit : "Vous, les Français, vous avez de la chance, vous avez toujours des joueurs qui arrivent". Donc, le travail effectué depuis le football amateur jusqu’aux centres de formation en passant par la préformation fait que l’on nous envie à l’étranger. C’est une fierté. La formation française, symbolisée par Clairefontaine, est un label international. Tout le monde, à un moment donné, a voulu copier Clairefontaine. Mais les autres pays se sont adaptés et ont évolué. On peut le voir au niveau des jeunes, en Espagne notamment et ailleurs, en Allemagne, au Portugal, en Italie. Les Anglais sont revenus sur le devant de la scène également. Les autres sont venus voir, ils ont regardé, pioché, mélangé avec ce qu’ils ont aussi pu observer ailleurs. Et ils se sont améliorés. Après, est-ce que les titres en jeunes vous donnent raison quoiqu’il arrive ? Est-ce que l’on a forcément faux lorsque l’on ne gagne pas ? Le plus important n’est-il pas finalement de gagner en A ? Et donc, est-ce que le nombre de jeunes qui vont emprunter ce chemin pour être performants en A n’est pas la donnée la plus importante ? Chacun a sa façon de voir les choses. » 


En discussion avec Didier Deschamps, son homologue en Équipe de France (photo Simon MORCEL / FFF).

 SON ŒIL SUR... 
 L'INF 

« Tu ne pars jamais tout à fait de l’INF » 

« Quand tu passes à l’INF, tu n’en pars jamais vraiment. Tu quittes Clairefontaine, oui, mais tu ne sors pas de l’INF. L’INF est dans ton cerveau. Tu penses INF, tu manges INF. Lorsque je vois un joueur sur le terrain que je sais passé par l’INF, il se passe quelque chose, il y a tout de suite un échange. On a été ''programmés'' pour se reconnaître, pour penser de la même façon, pour se respecter, se dire bonjour. Il y a une façon de faire à Clairefontaine que tu gardes pour toujours. L’INF a été ma vie pendant longtemps : de 13 à 15 ans, j’étais à Clairefontaine. Puis j’y suis retourné avec les sélections de jeunes, et avec LA sélection aussi. Qu’il s’agisse de M. Dusseau, M. Damiano, M. Filho ou M. Merelle, aucun ne rigolait avec les valeurs humaines. C’était rigoureux. La manière de se comporter, comment manger, être poli, être bon à l’école. C’est quand je suis arrivé à Clairefontaine que j’ai commencé à considérer l’école un peu plus sérieusement. Je n’étais pas turbulent mais un peu tête en l’air. Si le sujet ne m’intéressait pas, eh bien il ne m’intéressait pas. Mais pour pouvoir rentrer à Clairefontaine ou pour y rester, il faut des bonnes notes. C’était tout aussi important. Vous voyez, je continue d’appeler mes anciens coaches, Monsieur. Cela reste. Je ne connais pas encore vraiment les nouveaux coachs de l’INF. J’ai joué avec Christian Bassila (en sélection de jeunes de la Ligue de Paris-Île-de-France et en Équipe de France Espoirs 1998-1999), je ne le connais pas en tant qu’actuel responsable de l’INF mais je sais qu’il accomplit un énorme travail. Je crois que les générations d’aujourd’hui ont des problèmes auxquels nous n’étions pas confrontés à l’époque, je pense en particulier aux réseaux sociaux, aux agents beaucoup plus présents, à l’argent qui arrive beaucoup plus vite et ce que ça peut entraîner. La manière de coacher doit être différente, le monde a changé, il faut s’adapter. Cela m’intéresse de discuter de cela avec les coaches d’aujourd’hui : comment travaillent-ils ? Qu’est-ce qui a évolué ? Comment gèrent-ils les jeunes ? » 

 SON ŒIL SUR... 
 Clairefontaine 

« Que du bonheur ! »  

« Entre 1991 et 2010, j’ai très fréquemment effectué le chemin jusqu’à Clairefontaine. Je le connais par cœur. Par l’autoroute, sortie Saint-Arnoult-en-Yvelines, en venant des Ulis. Ou en passant par derrière. La dernière fois que j’étais venu, il y avait encore les anciens bâtiments. Cela a changé depuis. Retourner au bâtiment de l’INF, c’était obligé, je ne pouvais pas faire autrement. Je suis passé dire bonjour, voir les coachs, les jeunes. Toutes les images sont gravées, tous mes coaches. Monsieur Dusseau, le directeur, Christian Damiano, mon premier coach, parti ensuite comme sélectionneur des U16, Francisco Filho, sans oublier « Dédé » Merelle, que je n’ai pas eu comme coach, mais on ne peut pas parler de l’INF Clairefontaine sans parler de lui. J’ai connu aussi Franck Raviot, entraîneur des gardiens de but de l’Équipe de France. Entre l’INF, les stages, les sélections, j’ai grandi là-bas ou plutôt Clairefontaine m’a vu grandir. Tout a changé pour moi. Que du bonheur ! »


La poignée de mains de Claude Simonet, alors président de la FFF, après avoir remporté le championnat d'Europe juniors en 1996 (photo Archives FFF). 

 SON ŒIL SUR... 
 Les sélections nationales 

« Pour moi, oui, ce parcours a été important » 

« C’est une fierté d’avoir été appelé dans toutes les sélections, U16, U17, U18, U19, U20, U21 et A, d’avoir porté tous les maillots et d’avoir toujours essayé de donner le maximum, quel que soit le résultat. Et à chaque fois, waouh ! Un joueur extraordinaire tel que Franck Ribéry n’a pas connu les sélections de jeunes. Et pourtant, il a marqué l’histoire du football français et s’est imposé à l’étranger, aussi. Et il y en a d’autres. Ce n’est pas forcément le chemin qu’il faut prendre, mais pour moi oui, ce parcours a été important. J’ai disputé le Tournoi de Montaigu, le Tournoi de Toulon, le championnat d’Europe Juniors U18, la Coupe du monde U20, en Malaisie. Cela fait partie de mon éducation. Aucun match n’est facile même quand tout le monde pense qu’il le sera. Vous partez jouer à l’extérieur, le terrain n’est pas bon, il pleut, et vous n’êtes jamais à l’abri de concéder un but. Mais ça te forge l’esprit, car quand tu arrives en A, il faut aussi aller gagner ces matches-là. Quand tu arrives avec l’Équipe de France, tout le monde veut te battre, quand tu as le coq sur le cœur, tout le monde veut ta peau. Il faut connaître, vivre et assumer ça très tôt, dès les moins de 15 ans et dans toutes les sélections ensuite. Goûter à cela assez tôt permet de t’affirmer et d’arriver avec une certaine confiance en A. Je dis bien confiance, pas arrogance. »


Thierry Henry a porté le maillot bleu à 123 reprises et marqué 51 buts (photo Archives FFF). 

 SON ŒIL SUR... 
 La sélection Espoirs 

« Avoir la culture de la gagne »

« J’ai parfois le sentiment que cette sélection Espoirs est prise comme une punition. Ce n’est pas toujours évident de devoir revenir en Espoirs quand on a été proche des A, en termes d’émotion. J’ai connu cela. C’est une sélection importante que l’on doit respecter comme toute sélection, même s’il n’y a pas les étoiles sur le maillot. Le coq est là. C’est une équipe de France avec laquelle on doit développer une culture de la gagne. C’est un super tremplin pour passer au-dessus. Gagner le titre de champion d’Europe est difficile, on ne l’a pas fait depuis 1988. Pas mal de générations auraient pu le faire. Je tiens à rendre hommage à Sylvain Ripoll (son prédecesseur) qui a effectué un travail extraordinaire, avec des générations différentes. L’Équipe de France Espoirs ne s’était plus qualifiée pour l’Euro depuis un moment. Il a souvent été loin. Chapeau bas, même s’il n’y a pas eu la victoire au bout. Ces matches de qualification sont durs à jouer et à gagner. Les gens n’ont pas la perception de la difficulté que cela représente. C’est flatteur d’entendre que les jeunes avaient hâte de m’avoir en tant que coach, je suis vraiment content de leur réaction. Ils se basent sur mon vécu de joueur, sur ce qu’ils ont entendu. Les gens en parlent. Mais j’essaye de ne pas toujours me retourner sur ce que j’ai fait et de sortir le plus vite possible de ça. C’est fini. Maintenant, c’est différent. On va essayer d’avancer avec une nouvelle génération. Il faut travailler et aller chercher cette qualification. Les JO ? Bien sûr. Participer aux JO, dans son pays, c’est le rêve de tous. »


Thierry Henry avec ses Espoirs lors de France-Danemark en septembre 2023 (photo Pauline CARRÉ / APL / FFF). 

 SON ŒIL SUR... 
 Le maillot bleu 

« Le Coq est plus qu’un symbole »

« J’ai tout de suite senti une grosse envie, autant du côté de la FFF de m’accueillir que de mon côté de venir. J’ai en moi l’amour des Bleus et du maillot. J’ai dû le mettre un temps de côté lorsque le travail m’a appelé ailleurs. Cela a été difficile. Je suis vraiment content d’être de retour. Le coq est plus qu’un symbole. J’ai joué pratiquement dans toutes les sélections. J’ai gagné et perdu des grandes finales avec ce maillot, j’ai ri et pleuré avec ce maillot. Cette fois, je mets le survê-tement. Retourner à Claire-fon-taine, toucher les équipements, j’étais un peu comme un gosse. C’est un retour aux sources. Cela faisait longtemps que je n’étais pas revenu à la FFF. C’est un honneur, une joie. Le coq, l’hymne, pouvoir chanter La Marseillaise ailleurs qu’à la maison. Pas mal de choses se sont passées dans ma tête, j’ai pensé à beaucoup de choses. »  


12 juillet 1998 : aux côtés de Laurent Blanc, Didier Deschamps et Marcel Desailly, le jeune attaquant international, alors âgé de 20 ans, savoure le premier titre de champion du monde du football français (photo PIXSELL / ICON SPORT). 

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