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L'INF se conjugue aussi au féminin !

mardi 14 novembre 2023 - 08:45 - RÉDACTION
INF féminin de Clairefontaine

Le Centre National du Football de Clairefontaine accueille désormais les deux premières promotions féminines de l’Institut National du Football. Visite des coulisses de la première structure de préformation féminine mise en place en France.

On peut avoir 14 ans et être une pionnière. Sur l’un des terrains de Clairefontaine, à deux pas des garçons du même âge et d’une séance de l’équipe de France masculine U17, un groupe d’une vingtaine d’adolescentes travaille ses gammes. Autour d’elles, leur entraîneure, l’ancienne défenseure internationale Peggy Provost (91 sélections), mais aussi les regards d’experts d’Hubert Fournier, le DTN, et de Christian Bassila, le directeur de l’INF Clairefontaine depuis juillet 2019. 

En septembre 2022, ces collégiennes ont intégré la première promotion féminine du prestigieux INF. Fondé en 1972 par Georges Boulogne et placé à sa création sous la direction de Pierre Pibarot, l'Institut National du Football basé initialement à Vichy puis à Clairefontaine à partir de 1988, n'accueillait jusqu'à la rentrée dernière que des garçons.

Écoutez le podcast Immersion à l'INF féminin de Clairefontaine

La branche féminine inaugure une nouvelle ère, celle de la mise en place par la FFF d’un système de préformation pour les jeunes joueuses. Jusqu’à présent, les huit Pôles Espoirs féminins répartis de Blagnac à Strasbourg, en passant par Liévin, Lyon, Mérignac, Rennes, Tours ou Vincennes (INSEP, transféré depuis à Clairefontaine), rassemblaient des footballeuses de 16 à 18 ans. À l’horizon 2025, ces Pôles vont progressivement basculer vers la tranche d’âge 13-15 ans, comme c’est déjà le cas chez les garçons, tandis que plusieurs centres de formation vont émerger au sein de clubs professionnels.

L’objectif est de prendre un temps d’avance dans le développement et la formation des joueuses. Licenciées U14 ou U15, les pionnières de Clairefontaine creusent donc, jour après jour, leur sillon pour devenir un jour – du moins l’espèrent-elles intensément – des joueuses professionnelles. 

 Comment une joueuse entre-t-elle à l’INF ? 

Chez les filles aussi, la région Île-de-France dessine un important vivier de footballeuses à haut potentiel. Et c’est sur ce territoire que l’INF a recruté ses deux premières promotions de joueuses. Désormais, tous les ans, chacun des 8 districts franciliens cible 20 joueuses au potentiel prometteur. Ces 160 joueuses sont ensuite invitées à passer un premier tour de détection à Clairefontaine. Une soixantaine d’entre elles seront conservées en vue d’une deuxième phase de détection. Au bout du process, 18 à 20 heureuses élues feront leur entrée à l’INF.

« Cette ultime sélection repose notamment sur les aptitudes des postulantes à suivre une scolarité, détaille Peggy Provost, à la tête, en mai dernier, de la première équipe de France à remporter un Euro 17. On tient compte, aussi, de l’entretien de la joueuse avec un psychologue pour mesurer sa capacité à vivre éloignée de sa famille. Et, bien sûr, il y a une évaluation footballistique à travers des ateliers techniques supervisés par Christian Bassila et Mickaël Vallée, directeur et entraîneur à l’INF. En résumé, on prend les meilleures joueuses d’Île-de-France en s’assurant qu’elles pourront suivre un cursus scolaire et passer la semaine ici en internat. »

« Quand elles passent le concours, elles n’ont que 13 ans et certaines n’ont même pas encore les aptitudes pour le football à 11, relève Christian Bassila, le boss de l’INF. Pendant cette phase de détection, on va s’intéresser à leur potentiel et mettre ça en lien avec le foot de haut niveau, avec notre analyse de l’évolution du football féminin, du jeu, des joueuses, des qualités des équipes qui performent. Ensuite, si on décèle une fille avec des qualités qui cochent ces cases, avec ou sans ballon, ça va nous mettre sur une piste. »

La suite ? Un développement planifié des fondamentaux individuels et collectifs. « La première année, on lui apprend à jouer d’un instrument ; la deuxième année, on la met avec l’orchestre. Ces deux années seront utiles à la joueuse en vue du parcours de formation qui l’attend par la suite », explique Christian Bassila. Dit autrement, les joueuses dédient une partie majeure de la première année à la technique et au développement de la motricité. La saison suivante vise à l’intégrer à la dimension collective du foot : défendre ensemble, attaquer ensemble, courir ensemble.

 Quelle est la vie au sein de l’inf ? 

Elisa, 14 ans, licenciée au Paris Saint-Germain, décortique une semaine-type à l’INF : « On se réveille à 6h, puis on va au petit-déjeuner à 7h. Ensuite, on prend un bus à 7h50 pour arriver au collège à Rambouillet à 8h20. Nos cours durent de 8h30 à 12h30 les mardis et vendredis, et de 8h30 à 15h30 les lundis et jeudis. Quand on rentre à l’INF l’après-midi, on partage un goûter dans notre bâtiment avant d’aller directement à l’entraînement avec Peggy. Chaque vendredi soir, on rentre chez nous. Le samedi, on joue en match avec notre club, puis on rentre à Clairefontaine le dimanche soir. »

Obligatoire dans cette tranche d’âges, la scolarité est essentielle. Le parcours des adolescentes, inscrites en classes de 4e et de 3e, est suivi avec attention par Élodie Le Nouaille. « Quand il y a une difficulté, je reçois la jeune fille, on se fixe des objectifs puis des points réguliers pour voir comment les atteindre, raconte cette responsable de la scolarité de l’INF féminin. Je fais le lien quotidien entre le collège, les jeunes filles et les familles. J’organise le soutien scolaire si besoin, l’aide au devoir avec des tuteurs qui interviennent ici le mardi, le mercredi et le jeudi sur le temps d’étude d’une heure prévu ces jours-là. »


Elodie Le Nouaille, responsable de la scolarité à l'INF féminin (photo FFF). 

Chaque soir, le dîner est pris à 19h30, avant un temps consacré au projet socio-éducatif de l’INF. L’extinction des feux est fixée à 21h45 après avoir remis son portable au personnel de nuit. Sur les deux étages du bâtiment, les 36 joueuses sont réparties à 2 ou 3 par chambre. Au sein des locaux, on trouve une salle de travail équipée d’ordinateurs ainsi que des espaces de détente avec console de jeux, livres et BD sur le foot.

Autre ambiance au rez-de-chaussée : ici, les murs de l’espace d’accueil sont plutôt parsemés d’affiches relatives aux agressions sexuelles et au harcèlement. « La sensibilisation à ces thématiques s’inscrit dans le cahier des charges que nous transmet la FFF », précise Cloé Rallu, chargée de mission socio-éducative à l’INF. Qui ajoute : « On organise aussi avec les joueuses des ateliers comme ces collectes d’équipements sportifs (crampons, shorts…) qu’on a ensuite envoyés au Burkina Faso et au Bénin. » 

Comme chez les garçons, le comportement des joueuses est suivi avec une attention pointue. L’INF féminin a même adopté un système en vigueur à l’INF masculin, celui du « permis à points ». Explications de Cloé Rallu : « À la rentrée, chaque jeune démarre avec un capital de 15 points valable jusqu’aux prochaines vacances scolaires. Si elles font de bonnes actions comme aider à préparer un goûter, soutenir une autre élève sur un devoir, remettre un groupe dans le droit chemin s’il y a une mauvaise ambiance, elles gagnent des points. Inversement, elles en perdent en cas mauvaises actions comme des retards aux repas, à l’étude, aux entraînements. On regarde autant leurs comportements au collège qu’à l’INF et on récompense la première de chaque promo avec un prix au retour des vacances scolaires : souvent, il s’agit d’un maillot de l’Équipe de France. Une joueuse dans le rouge, elle, peut se retrouver privée d’entraînement, voire convoquée en conseil de discipline. »

 Quel avenir pour ces adolescentes ? 

L’ambition de l’INF, c’est de préparer ces joueuses à une entrée en centre de formation, à l’âge de 15 ans, ces structures étant appelées à se développer dans le sillage de celles déjà ouvertes par l’OL et le PSG. Autre objectif : entretenir la compétitivité des équipes de France jeunes et, à terme, contribuer à améliorer encore les résultats des A. Mais, comme pour les garçons, certains rêves n’aboutiront pas. « Il faut encore en sensibiliser certaines au risque d’une éventuelle blessure ou d’un éventuel échec mais les trois quarts d’entre elles ont déjà un plan B en tête, dit même Élodie Le Nouaille, la responsable de la scolarité. C’est notamment dû au fait que, contrairement aux garçons, ces joueuses n’ont pas signé un accord de non-sollicitation qui leur tracerait déjà un horizon dans un club pro. Chez les filles, rien n’est encore gagné. »

En tant que responsable de l’INF, Christian Bassila s’est fixé une règle de transparence avec les joueuses et leur famille. « Au moment du concours, on leur dit qu’on pense que la joueuse a les aptitudes pour le haut niveau. Mais on fait aussi compren-dre que tout le monde ne pourra pas atteindre son rêve. C’est pour ça qu’on promeut ici un triple projet sportif, scolaire et éducatif. Malheureusement, on doit faire des choix et choisir, c’est éliminer. Il n’y a pas de place pour tout le monde. Le parcours est fait de frustrations, de pleurs. Pourquoi ? Parce que c’est beaucoup de sacrifices pour un rêve aléatoire. Et ça, on préfère le dire dès le début aux enfants et aux parents pour qu’ils en aient pleine conscience. » Dans l’histoire, les joueuses sont invitées à toujours croire en l’avenir. « Je leur prends l’image du métro, raconte l’ancien international Espoirs (13 sélections). Pour atteindre une station, il y a plusieurs lignes qui peuvent être empruntées. Ce n’est pas parce que ce n’est pas la ligne de l’INF que tu n’arriveras pas à la destination souhaitée… »

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