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Un modèle sous l’œil des coaches

mardi 14 novembre 2023 - 17:07 - Richard LOYANT
50 ans de la formation française Didier Deschamps Thierry Henry Arsène Wenger

Réunis en table ronde sur le système de formation français, Didier Deschamps, Thierry Henry, Sabrina Viguier et Arsène Wenger se sont projetés sur l’avenir de ce modèle, mardi 14 novembre au CNF Clairefontaine.

La deuxième table ronde de la journée du cinquantenaire de la formation française, mardi 14 novembre au CNF Clairefontaine, a réuni Sabrina Viguier, responsable des sélections féminines tricolores, Didier Deschamps, sélectionneur de l’Équipe de France, Thierry Henry, son homologue des Espoirs, et Arsène Wenger, ancien entraîneur de Nancy, Monaco, Nagoya et Arsenal, aujourd’hui directeur du Développement du football mondial à la FIFA. Après avoir livré leur vision des principales forces du système de formation français et l’avoir comparé aux modèles étrangers, ils ont livré des pistes pour maintenir le niveau de performance.

LES FORCES DE LA FORMATION FRANÇAISE

Sabrina Viguier : « La première force, pour les féminines est de pouvoir s’appuyer sur un modèle masculin qui fonctionne. Sa principale force est de parvenir à collaborer entre les structures fédérales – nos pôles – et les centres de formation des clubs. C’est ce qui nous permettra d’amener un maximum de joueuses en haut pour performer ».

Sabrina Viguier (photo Sandra RUHAUT/ICON SPORT).

Didier Deschamps : « La création de l’INF a été le point de départ, avec une vision du football pour les années d’après. Ont suivi la structuration des clubs professionnels avec des centres de formation performants, puis les pôles Espoirs et, enfin, la préformation, décisive, à savoir prendre les joueurs plus tôt sans les délocaliser. C’est aussi de bien former, d’accompagner des adolescents pas que sportivement mais aussi humainement et sur le plan social. La capacité d’adaptation des joueurs français est aussi très bonne : ils partent tôt, trop peut-être, mais c’est une fierté pour le football français d’obtenir ainsi cette reconnaissance. Enfin, il y a l’enrichissement issu de différentes origines et cultures, une richesse qui doit le rester, très représentative de notre société et une force pour notre football ».

Thierry Henry : « Clairefontaine n’est pas qu’un centre où tu apprends à jouer au foot et à devenir un homme, c’est aussi une très haute analyse des données et un centre de rééducation performant. J’ai tout appris ici des éducateurs, mot que je préfère à entraîneur : comprendre le jeu, penser à jouer au foot, développer mon cerveau aux niveaux football et humain. Ici, l’éducation hors terrain t’amène à l’éducation du terrain, toujours dans la joie car il est important de prendre du plaisir. Enfin, on te prépare à être plus ouvert pour accepter ensuite certaines tactiques et des choix que tes futurs coachs vont te demander ».

Arsène Wenger : « La force du système français est caractérisée par l’identification rationnelle des talents et d'avoir compris qu’il fallait mettre les meilleurs avec les meilleurs. C’est aussi de s’être aperçu que la formation technique devenait limitée à partir de 18 ans et donc de descendre progressivement les âges pour former. La formation reçue et dispensée par les entraîneurs français est également très bonne, il n’y aurait pas sinon autant d’excellents joueurs formés en France ».

COMPARÉ À L’ÉTRANGER

Arsène Wenger : « Il y a une base culturelle dans chaque pays, qui se transmet de génération en génération. En Italie, le foot est un travail. En Angleterre, c’est un combat. Et en Espagne, c’est un jeu. Mais ailleurs, on travaille aussi et les informations et les entraîneurs circulent de plus en plus vite, ce qui amène une mixité. J’étais le seul à mon arrivée en Angleterre mais à mon départ, la moitié des entraîneurs étaient étrangers. L’Angleterre a ainsi copié le système français, sans craindre de dépenser mais en gardant son fond de base. Enfin, il ne faut pas oublier que sur les 211 pays affiliés à la FIFA, peut-être 70 ont une formation potable et 140 n’ont rien ».

Didier Deschamps (photo Sandra RUHAUT/ICON SPORT).

Didier Deschamps : « Le jeu à la française est un mélange de tout ce qui permet de gagner, on a un peu tout avec une dominante athlétique. L’Angleterre, l’Allemagne, les autres, changent, tout le monde travaille. Pour un entraîneur, il s’agit de tirer le meilleur des joueurs dont il dispose par rapport à l’adversité. Le maître-mot est de s’adapter à ce que l’on a, d’en tirer le maximum et d’être le plus efficace possible par rapport à ce qui se présente en face. Au Mondial au Qatar, les équipes qui ont eu le moins le ballon ont gagné, c’est factuel. Mais il est moins difficile de savoir défendre, la créativité et l’animation offensive demandent plus de temps. Le football français s’inspire un peu de tout cela mais l’objectif n° 1 reste d’aller chercher la gagne ».

PISTES POUR L’AVENIR

Arsène Wenger : « Il faut s’inspirer des sciences du sport, individualiser un peu plus et connaître davantage les singularités de chaque joueur pour trouver une solution adaptée à chacun. Un travail sur l’estime de soi devient aussi davantage nécessaire dans un environnement de plus en plus difficile ».

Thierry Henry : « Plus tôt le cerveau est ouvert, plus il devient apte à recevoir et c’est plus difficile à partir d’un certain âge. C’est pourquoi il est important de mettre les joueurs tôt en situation de compréhension et de jugement, au-delà de la structure établie et de toute la préparation ». 

Arsène Wenger et Thierry Henry (photo Sandra RUHAUT/ICON SPORT).

Arsène Wenger : « Éduquer le jugement implique une dose de liberté dans l’expression de soi. La richesse du foot est qu’il est constitué de milliards de situations différentes que seuls les grands joueurs analysent bien. Le jeu est un bon coach, c’est à travers le jeu libre que les joueurs progressent ». 

Didier Deschamps : « L’apport des nouvelles technologies est aujourd’hui un plus. Il convient toujours de répéter les gammes mais la réflexion est aussi primordiale. Il est important de changer de poste et d’évoluer dans différents systèmes. Plus les joueurs seront confrontés à des situations différentes, plus ils seront prêts mais cela nécessite cet enrichissement, de développer cette capacité d’adaptation. Ce sont les aptitudes techniques, l’intelligence du joueur, l’instinct peut-être aussi, et la réflexion qui l’amèneront à faire la passe juste ou la bonne intervention. L’aspect psychologique est aussi essentiel au plus haut niveau. À qualités égales, c’est la tête, le mental, celui qui lâche le moins et qui y croit le plus qui font la différence. Il ne faut jamais oublier que le joueur est maître du jeu et que le premier mérite d’une victoire lui revient ».

L’INF de Mbappé, Thuram, Areola et Fofana

Quatre Bleus actuels passés par l’INF sont venus résumer en une phrase en fin de table ronde ce que l’Institut représentait pour eux.

  • Kylian Mbappé : « Arrivés avec une passion, c’est là que l’on a commencé à comprendre ce qu’est le foot et à apprendre que c’est un métier ».
  • Marcus Thuram : « Un rêve et une fierté, mais aussi une responsabilité envers nos collègues que l’on retrouvait en rentrant en club puis en centre de formation. On nous a appris ici à vivre foot ».
  • Alphonse Areola : « L’INF nous a appris beaucoup et bien au-delà du foot : à devenir des hommes très rapidement avant tout ».
  • Youssouf Fofana : « Cela nous a préparés au futur, à l’exigence, avec petit à petit en intégrant les sélections de jeunes une seule idée : aller au Château ! ».

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