FORMATION

Reims, une vie au Pôle Espoirs

mercredi 27 décembre 2023 - 08:55 - RÉDACTION
Pôle Espoirs de Reims

Mbappé, Varane, Rabiot, Pavard, Thuram, Fofana… Autant d’internationaux français qui ont fait leurs gammes dans l'un des Pôles Espoirs. Réparties sur l’ensemble du pays, ces structures fédérales préparent des joueurs de 13 à 15 ans à intégrer le centre de formation d’un club pro. Immersion dans celui du Grand Est.

Chaque vendredi matin, dans le bureau qu’il partage avec son staff, Gilles Thieblemont est plongé dans un rituel : maintenir le lien avec les familles des jeunes joueurs du Pôle Espoirs Grand Est de Reims. Pour l’ancien joueur du Stade du Reims, directeur de ce Pôle Espoirs ouvert en 2007, ces fiches de liaison sont apparues comme une évidence : « En m’apercevant que beaucoup de gamins racontaient très peu de choses à leurs parents sur leur vie au Pôle, j’ai décidé de mettre en place des comptes rendus hebdomadaires pour que chaque famille dispose d’informations sur l’évolution sportive de son enfant. »

Il y en aurait, pourtant, des choses à raconter. Parce qu’intégrer à 13 ou 14 ans l’un des Pôles Espoirs du pays marque à la fois une séparation, très jeune, avec l’environnement familial et une entrée dans une adolescence au double visage. D’un côté, le rythme traditionnel du collège. De l’autre, la vie hors-norme d’un jeune sportif dans l’un des centres de préformation mis en place par la Fédération.

15 à 20 % des joueurs passés au Pôle Espoirs ont fini par signer un contrat professionnel

À Reims, ils sont ainsi 31 joueurs – 16 en U14, 15 en U15 – à grandir cette saison au sein de cette structure d’excellence, tout en rejoignant leur club d’origine pour le match du week-end. Dans la dernière promotion de septembre 2023, la moitié des entrants est originaire de Champagne-Ardenne, l’autre moitié venant de la région parisienne, principalement des joueurs ayant échoué aux portes du prestigieux INF Clairefontaine. Une partie d’entre eux a déjà signé un accord de non-sollicitation avec un club professionnel, à l’image d’un gardien âgé de 13 ans, Alassane, engagé avec le RC Lens et qui travaille ses gammes au Pôle Espoirs de Reims.


Les pensionnaires du Pôle Espoirs de Reims avec leurs formateurs (photo Kévin FERNANDEZ / Kévin FERNANDEZ / LIGUE GRAND EST DE FOOTBALL). 

Tous partagent une ambition, une détermination : intégrer le centre de formation d’un club professionnel au bout de leur cursus de deux années en Pôle Espoirs. Si ce chemin vers une carrière professionnelle reste encore incertain, une admission en Pôle Espoirs dessine un marqueur. Le signe, chez un joueur prometteur, d’aptitudes qui sortent du lot. Et d’une force de caractère pour franchir les premières étapes. 

 « Nous allons deux ou trois fois par an dans les centres de perfectionnement situés au niveau des districts pour y cibler leurs joueurs à fort potentiel en fonction du plan de détection fédéral, explique Gilles Thieblemont. Ces joueurs, nous les invitons ensuite à disputer une finale interrégionale, sur deux tours, pour les évaluer sur le côté sportif. Ensuite, après cette nouvelle sélection, une commission de scolarité épluche les dossiers scolaires des joueurs retenus. Cette étape peut ainsi éliminer des joueurs très bons mais qui ne possèdent pas les capacités espérées en termes de scolarité ou d’attitude… Au terme de tout ce processus de détection, on retient la quinzaine de joueurs ayant coché les cases essentielles. »

« C’est un rythme très intense, mais c’est tellement beau  de vivre cette expérience »

Victor, pensionnaire

Chaque année, la moitié d’une promotion sortante poursuit son apprentissage en centre de formation. Mais, au final, depuis la création du Pôle de Reims, seuls 15 à 20% des joueurs qui y sont passés ont fini par signer un contrat professionnel. Parmi eux, les défenseurs internationaux Espoirs, Faitout Maoussa (Lens) et Chrislain Matsima (Monaco), ainsi que l’ancien attaquant des Espoirs et de Lille, Jonathan Bamba (Celta Vigo), recruté au Pôle Espoirs après avoir échoué à l’entrée de l’INF Clairefontaine. Tous les trois ont grandi en région parisienne. La lumière n’attend pas tous ces ados à la sortie du Pôle, d’où l’importance accordée à la scolarité pour maintenir ouverts tous les horizons possibles. « Bien sûr, comme tous les jeunes présents ici, je rêve de devenir footballeur professionnel, souligne Victor, milieu de terrain de 13 ans, qui rejoint le week-end son club amateur situé à Épernay. Si je n’y arrive pas, j’envisage d’être pharmacien ou de suivre le chemin de mon père, qui était professeur d’EPS. »


Ancien joueur professionnel, Gilles Thieblemont (au centre) dirige le Pôle Espoirs de Reims (photo Kévin FERNANDEZ / LIGUE GRAND EST DE FOOTBALL). 

Chaque matin, Alassane, Victor et les autres joueurs se réveillent aux alentours de 6h30 et enchaînent avec un petit déjeuner sans écran, leur téléphone étant remis tous les soirs au surveillant d’étage, à 22h au plus tard, lors de l’extinction des feux. Le matin, les internes du ballon rond doivent également remplir deux questionnaires : un sur le « Bien-être » afin d’évaluer leur sommeil, leurs niveaux de fatigue et de stress, leur humeur, leur gestion des douleurs ; l’autre pour mieux cerner leurs sensations sur l’entraînement de la veille.

« Chaque matin, on part à pied au collège François Legros, situé à 2 kilomètres, raconte Victor. Après les cours du matin, on revient ici pour déjeuner. On a peu de temps pour manger. On remonte ensuite dans notre chambre, puis il y a un nouveau pointage à 13h avant de retourner à l’école. On en revient à 16h pour se préparer pour l’entraînement du jour, souvent intense. Après la séance, on dîne, avant de partir en études de 20h30 à 21h30. » Pas trop éreintant ? « C’est un rythme très intense, on ne va pas se mentir, souffle Victor. Mais c’est tellement beau de pouvoir vivre cette expérience… »

Comme Victor, la plupart de ses copains de promotion mesurent leur chance d’enrichir leur bagage footballistique au sein de ce Pôle Espoirs planté au cœur du CREPS de Reims, un véritable campus dédié au sport sur 12 hectares (*). « Les conditions d’entraînement se sont améliorées, observe Gilles Thieblemont. Au départ, on disposait d’un seul terrain, un stabilisé. Maintenant, on évolue sur deux synthétiques. »


(Photo Kévin FERNANDEZ / LIGUE GRAND EST DE FOOTBALL)

Pendant les séances encadrées par le directeur du Pôle et son staff (Anthony Huck, Quentin Mezieres, Cyril Gervasoni), les apprentis du Pôle Espoirs sont équipés d’un GPS afin de récupérer de la data sur leur niveau de performance athlétique. Un avant-goût de l’univers des pros qu’ils retrouvent aussi au centre de balnéothérapie du CREPS, équipé d’un bain froid, d’un jacuzzi et d’un bassin de nage à contre-courant. Ou lorsqu’ils ont droit à une séance vidéo à partir des images captées par les caméras installées sur les pylônes autour des terrains. Oui, il y a un peu du monde des grands dans un Pôle Espoirs, mais ceux qui sont là semblent garder les pieds sur terre, à l’image d’Alassane, le gardien : « J’ai signé au RC Lens mais je ne m’enflamme absolument pas. Je sais qu’il reste énormément de travail pour espérer devenir un joueur professionnel… »

 EN CHIFFRES 

18
Le nombre de Pôles Espoirs masculins. 17 en métropole dont un dédié au Futsal 1 en Guadeloupe (Centre Elite des Régions Françaises d'Amérique)
8
Le nombre de Pôles Espoirs féminins
170
Séances d’entraînement par an pour un joueur en Pôle Espoirs sur 36 semaines (vacances scolaires déduites)
7
Internationaux français ayant participé au Mondial 2022 passés par un Pôle Espoirs : Kylian Mbappé, Marcus Thuram, Youssouf Fofana, Alphonse Areola (Clairefontaine), Raphaël Varane, Benjamin Pavard (Liévin), Adrien Rabiot (Castelmaurou). Soit près de 30 % du groupe. 

(*) CREPS pour Centre de Ressources, d’Expertise et de Performance Sportive. La France compte 17 CREPS, rattachés au ministère des Sports. Inauguré en 1981, le CREPS de Reims accueille 185 sportifs  - répartis en 11 sections. Pascal Martinot-Lagarde, le recordman de France du 110m haies, s’entraîne régulièrement sur ce site qui emploie 82 personnes.

« On repense les rythmes de vie »

Séverine Delanglez (coordinatrice du suivi scolaire auprès des footballeurs du Pôle Espoirs de Reims) : « Mon rôle est de coordonner le suivi scolaire avec tous les services qui gravitent autour des joueurs pour que leur scolarité se passe du mieux possible. Tout au long de l’année, j’échange avec le collège pour avoir toutes les infos utiles au suivi de l’élève et de ses résultats. Je participe aux conseils de classe, je rencontre les équipes éducatives. Et j’ai une enveloppe d’heures supplémentaires pour permettre à des professeurs tuteurs de donner des cours de soutien individuel, des rattrapages de cours ou encore une aide à la préparation des examens. Les joueurs suivent quasiment le même programme hebdomadaire que les autres collégiens, à part une heure d’EPS en moins. Nous faisons en sorte de leur offrir un emploi du temps compatible avec leurs entraînements. D’autant qu’ils ont aussi un programme à suivre de séances vidéo, de récupération, de soins. Si on veut gagner en engagement et en performance, il y a besoin de repenser les rythmes de vie des élèves sportifs car ils sont aussi parfois très fatigués… »

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