FORMATION

« Le bien-être, c’est aussi un vecteur de performance »

lundi 25 décembre 2023 - 10:09 - RÉDACTION
Hubert Fournier

Hubert Fournier, le directeur technique national, formé à l’INF Vichy promotion 1987, évoque les forces du modèle de formation français. Mais également ses évolutions en cours.

« Que représente l’INF pour vous ?
C’est avant tout une école de la vie, à la fois difficile, formatrice, qui nous permettait de mieux nous préparer à affronter la carrière de football professionnel. Nous arrivions à 15 ans dans un univers d’exigence tourné autour de la performance. Le souvenir qui m’a marqué est le  premier stage à Saugues, en août, où nous nous retrouvons à 30 stagiaires. On nous annonce alors qu’au terme des 15 jours nous ne serions plus que 22. Ces 15 jours ont été très intenses, très compétitifs entre les stagiaires. Le coach André Merelle nous poussait sur le plan physique, technique et mental pour voir notre niveau et s’assurer que nous pouvions poursuivre l’aventure.

Entre l’INF des débuts et l’INF d’aujourd’hui, quelles évolutions ?
Le principal changement provient de l’âge des stagiaires qui rentrent en formation. Les générations INF Vichy étaient engagées dans un cycle de formation sur trois ans avec des équipes qui évoluaient dans des championnats fédéraux. Nous ne rentrions dans nos familles que pour les vacances de Noel et celles d’été. A partir de 1990, l’INF est devenu un centre national de préformation (13-15 ans) sur deux ans. Les joueurs rentrent aujourd’hui tous les week-ends dans leur famille et évoluent dans leur club respectif.

Le modèle de la formation française aujourd’hui, c’est quoi ?
Le modèle de la formation française est un modèle systémique. J’entends par systémique, l’implication de tous les acteurs du football français amateur et pro. Cela débute par le travail toujours plus poussé de nos écoles de football dans nos clubs amateurs et professionnels qui permettent le développement de nos jeunes potentiels entre U5 à U12. A la sortie de nos écoles de football, et grâce au travail de supervision et de détection de nos cadres techniques sur l’ensemble du territoire, les meilleurs profils du moment sont orientés vers des structures de préformation (Pôles Espoirs fédéraux, section Élite de clubs pros ou section sportive collèges). A l’issue, les meilleurs potentiels sont orientés vers les centres de formation des clubs professionnels ou bien les sections sportives lycées.

Quel est le rôle de la Direction Technique Nationale ?
Tout au long de ce parcours, la DTN évalue à la fois l’organisation et l’efficacité de nos structures de formation afin d’en optimiser le fonctionnement. En parallèle du cycle de formation, la DTN organise des rassemblements nationaux à partir des U15 jusqu’aux sélections A masculine et féminine. Ces sélections nationales sont pour la Fédération des marqueurs d’évaluation pour l’ensemble des générations.

Comment expliquer son succès ?
C'est la résultante d’une synergie entre football amateur, professionnel et Fédération. Une organisation robuste qui permet de détecter, orienter et accompagner chaque potentiel vers le haut niveau.

Quelles sont ses forces ? 
La formation française s’appuie sur trois piliers : 1. Le maillage territorial grâce au déploiement de nos conseillers techniques sur l’observation dans  chaque ligue et district. 2. La qualité de nos structures de préformation et formation. 3. L’expertise de nos éducateurs.

Et ses axes d’amélioration ?
Il y en a toujours. Les points de progression concernent principalement l’accompagnement psychologique des joueurs et des entraîneurs, relever encore le niveau concernant la qualité technique de nos jeunes talents, renforcer l’encadrement et l’organisation de nos écoles de football et augmenter le temps de jeu de nos néo-professionnels.

Un modèle de jeu français existe-t-il ?
Je ne crois pas à une pensée unique du jeu, avec un seul modèle qui nous représenterait. Je milite pour l’idée et la volonté d’un jeu multiple, évolutif, au carrefour des différents modèles qui sont pratiqués dans le football actuel. Ce qui implique de donner aux jeunes tous les outils pour répon-dre aux attentes de leurs futurs entraîneurs. D’ailleurs, si on constate que si nos jeunes évoluent dans différents championnats parmi les meilleurs, dans différents modèles de jeu, notre démarche est plutôt une bonne chose pour la réussite de nos jeunes talents. Le modèle de jeu qui gagne aujourd’hui n’est sans doute pas celui qui permettra de gagner demain, d’où la nécessité de s’affranchir des modes dans la formation des jeunes talents.

Que sera la formation française demain ?
La formation française doit conforter le modèle pyramidal football amateur – football professionnel et leur collaboration. Grâce à l’apport des nouvelles technologies, nous affinons le parcours individualisé de nos jeunes potentiels en termes de charge interne et externe. « Chatgpt » et les réalités augmentées sont et seront des outils d’aide à la décision. Le Centre de Recherche de la FFF nous accompagne sur ces évolutions.

La notion de bien-être fait partie des dimensions que la performance doit prendre davantage en compte ?
Je pense que les gains en termes de développement technique, tactique et physique seront plutôt minimes à l’avenir mais nous avons encore un potentiel de développement sur la dimension mentale des joueurs, joueuses et entraîneurs. Dans un environnement professionnel particulièrement dégradé sur le plan émotionnel et psychologique pour l’ensemble des acteurs, en termes de stress, de pressions multiples, de précarité, il est indispensable de mieux préparer nos acteurs à mieux gérer, à mieux répondre à ces défis. Le contrôle de la santé physique et mentale est essentiel. La santé, le bien-être doivent être traités comme un vecteur de performance comme le technique, le physique, le tactique.

Vous évoquiez aussi les datas, la réalité virtuelle... comme outils d'aide à la performance ?
A partir de la préformation les données DATA, la vidéo font parties intégrantes des outils d’évaluation à destination des jeunes dans ces structures. A la DTN ces données nous permettent de suivre et accompagner le développement des jeunes. Ces outils nous aident également à construire un parcours prédictif de la performance et de profiler le joueur à chaque étape de sa formation.

L’apport des clubs professionnels a été capital dans la progression de la formation française ?
Leur engagement dans la formation est une des raisons essentielles de la réussite du modèle français. Sous l’impulsion de la DTN, le cahier des charges des centres de formation est très exigeant afin de créer des structures de haut niveau d’excellence, favorisant l’émergence de jeunes talents. La conséquence du succès de la formation française c’est sans doute le départ trop précoce de certains jeunes talents à l’international.

Le rôle du football amateur est moins médiatisé, il est pourtant majeur ? 
C’est là que tout commence, d’où l’importance du football amateur dans le dispositif de la formation française. L’arrivée de plus en plus jeune des talents vers le haut niveau est la conséquence directe du bon travail effectué au sein des clubs amateurs dans les écoles de football.

Pourquoi Clairefontaine reste-t-il un outil de référence internationale ?
La spécificité de l’INF a toujours été d’être un formidable « laboratoire ». Cette notion avant-gardiste de l’INF est toujours présente car depuis 2 ans une structure de préformation féminine est en place au CNF. Ce pôle de préformation féminin nous permet de tester cette nouvelle approche de la préformation féminine avant un déploiement régional. La mixité au sein de structure de préformation est unique. Elle enrichit à la fois le développement des filles et des garçons dans l’objectif commun qui est le nôtre de préserver une expertise et cette référence qu’incarne l’INF. 

Hubert Fournier, promotion 1987 de l’INF Vichy

Originaire de Riom (Puy-de-Dôme), Hubert Fournier fait partie de la promotion 1987 de l’INF Vichy. 
Le défenseur central a notamment fait ses classes avec Franck Dumas avant de commencer sa carrière à Maubeuge, puis à Caen, à Guingamp avant de quitter la D1 en 1996 pour rejoindre le contingent des joueurs français évoluant à l’étranger, à Monchengladbach en Bundesliga. 
De retour en France, à Lyon, puis à Guingamp il terminera sa carrière à Rouen en 2004. 
Après avoir passé son BEPF, Hubert Fournier débute aussitôt sa carrière d’entraîneur à Boulogne comme adjoint de Philippe Montanier, avant d’évoluer à Gueugnon (2008-2009), à Reims (2009-2014) puis à Lyon (2014-2015). 
Il a été nommé DTN en 2017 à la suite de François Blaquart.

 

 

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