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Habib Beye : « Le Red Star était prêt »

vendredi 3 mai 2024 - 07:55 - Philippe MAYEN
Habib Beye Red Star joie

Alors que le National aborde ce vendredi soir sa 32e journée, l'entraîneur du Red Star retrace la saison de son équipe, récompensée par une montée en Ligue 2 et un titre de champion.

3, 2, 1... Le National n'est plus qu'à trois journées du terme de son édition 2023-2024 et n'a pas encore livré toutes ses clés. Si le Red Star FC a déjà assuré son titre de champion et son ascension, rien n'est joué pour le second billet pour la Ligue 2 et encore moins pour les six places de relégables. La 32e étape composée de huit matches ce vendredi soir (19h00, 19h30, 21h00 sur FFFtv, Canal+ Foot et DAZN) et d'une rencontre décalée samedi (Rouen-Niort, 18h00) éclairera peut-être la situation.  

Côtée montée, Martigues (2e, 53 points) peut planter un nouveau jalon lors de la réception d'un Marignane-Gignac très en danger (16e, 34 pts) et mettre ainsi la pression sur Niort (3e, 52 pts) avant son déplacement de samedi à Rouen (7e, 46 pts). Pour conserver une chance, Le Mans (4e, 48 pts), Nancy (5e, 47 pts) et Dijon (6e, 47 pts) ont une obligation de victoire face à Cholet, Avranches et Sochaux. 

Côté descente, si cette journée peut être officiellement fatale à Cholet (18e, 28 pts), huit autres équipes, d'Orléans à Épinal en passant par Nîmes, Châteauroux, Villefranche, Avranches, GOAL, Marignane-Gignac, dans l'ordre du classement, sont dans la bataille. 

La 32ème journée de National (19h00, 19h30 et 21h00) est à suivre sur FFFtv et sur le Scores en Direct de la FFF

« Comment est l'ambiance au sein du club depuis la validation de la montée en Ligue 2 ? Et pour le groupe et vous-même ? 
L'ambiance est belle, on voit que tout le monde est soulagé et très content de ce que l'on a réalisé. On voit aussi et surtout que le club peut se projeter vers l'avenir et peut gagner du temps dans sa projection vers la Ligue 2, dans tous les domaines, pas seulement le sportif. Avoir atteint l'objectif presque un mois avant la fin de la compétition est une vraie satisfaction. Il y a eu beaucoup de joie chez les gens du club, les supporters, chez les joueurs aussi le soir de la montée. On l'a obtenue après une défaite, donc il y a eu un peu de frustration pour nous. On a été gâté cette saison, on a très peu perdu, on aurait aimé vivre cette montée autrement. Après, on a réussi à se détacher du résultat pour se dire que l'objectif que l'on poursuivait depuis deux ans et demi, pour lequel on a travaillé, avait été atteint. On a réussi à basculer dans l'euphorie qui nous entourait. Mais on avait à cœur, aussi, de rester concentrés pour les matches suivants, par respect de nous-mêmes et de nos performances, respect des autres équipes et du championnat. On voulait bien négocier ces matches et être un très beau champion. Mais forcément, il est difficile de maintenir le curseur aussi haut qu'avant et continuer d'activer les mêmes leviers que durant les dix mois précédents, une forme de légereté s'installe. On essaye tout de même de bien travailler, de respecter ce que l'on a mis en place, de garder la même éthique de travail au quotidien. 

Je pense que le Red Star monte au bon moment. On était déjà prêt l'an passé et le club l'est encore plus cette année.

 

Le club espérait ce moment depuis sa descente en 2019 et vous aviez raté la marche de peu la saison dernière. L'attente n'en était que plus grande ? 
Il y avait une grosse pression cette saison, oui. Même si le mot peut paraître fort, j'avais vécu la saison passée comme un échec. J'avais la responsabilité de faire monter le club et je n'y étais par parvenu. On a construit sur cette déception, sur cette cicatrice un peu béante qui a été la nôtre lors de la dernière journée où on "saute" pour deux points (derrière l'US Concarneau et l'USL Dunkerque) après avoir été vingt minutes en Ligue 2. Ce sont toujours des moments difficiles à vivre avec un groupe et un club. On est resté très concentré, on connaissait les attentes autour de nous, de la part du club et des supporters. On a travaillé avec une pression très positive, c'est ce qui fait avancer un groupe et un staff. Je pense que le club monte au bon moment, même si on aurait préféré que cela arrive plus tôt. On était déjà prêt l'an passé et le club l'est encore plus cette année. Les infrastructures ont évolué, le stade se développe, le camp d'entraînement nous permet de travailler dans un très bon confort. On verra un Red Star en Ligue 2 à Bauer, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années. Cela montre à quel point le club s'est structuré et a mis en place ce qu'il fallait pour aller chercher son destin dans un championnat loin d'être simple. Voilà deux saisons que l'on évolue dans une compétition avec six relégations, où un tiers des équipes descendent en National 2. On a rempli le contrat, en réalisant deux saisons exceptionnelles en termes de points et de victoires. C'est une grande satisfaction de donner autant de plaisir à nos supporters qui ont toujours été derrière nous. Ils expriment parfois quelques revendications mais ils nous ont permis de vivre cette très belle saison qui est la nôtre à domicile. 

18
victoires en 31 matches pour le Red Star (pour 8 nuls et 5 défaites)
49
buts marqués par l'équipe audonienne, deuxième meilleure attaque derrière Niort (51)
28
buts concédés, deuxième meilleure défense à égalité avec Rouen et derrière Martigues (25)

Mission accomplie pour les joueurs audoniens : le Red Star est de retour en Ligue 2 (photo Sulyvan MANFROI/APL/FFF).

Hormis une défaite à GOAL (3-1, 2ème journée), vous avez commencé ce championnat avec huit victoires en neuf journées et pris rapidement sept points d'avance. Cela faisait partie de vos plans ? Est-ce l'une des clés de votre réussite ? 
On a calé notre préparation sur une volonté de démarrer très, très, fort le championnat, en effet. Lorsque l'on a repris l'équipe il y a deux ans et demi, beaucoup de gens disaient qu'il fallait être très fort en février-mars. Mais dans un championnat à six descentes, je pense que c'est une erreur d'être dans l'optique d'une montée progressive en puissance à partir de janvier. Moi je voulais que l'équipe soit très puissante dès le 12 août et on a donc fait une préparation dans ce sens-là. On a travaillé pour que l'équipe soit prête et impactante tout de suite. Le match et la défaite à GOAL ont servi de socle à notre saison. La semaine qui a suivi a été salvatrice pour nous, les joueurs ont pris conscience de beaucoup de choses, on les a mis devant leurs responsabilités, le staff s'est mis lui-même devant ses responsabilités. Ce jour-là, on s'est dit que l'on ne voulait pas vivre la même chose que la saison d'avant. On a donc changé beaucoup de choses dans l'état d'esprit, dans l'approche du championnat, dans la volonté de le dominer, de vite l'impacter. Sept victoires d'affilée ont suivi et ensuite, on a été constants, équilibrés dans nos performances. On a surtout battu tous nos concurrents directs, Martigues deux fois (0-1 et 2-0), Niort chez nous (2-1) et nul (1-1) chez lui. Ne pas avoir de déficit face à ces équipes, avoir été meilleurs dans les confrontations directes a fait la grosse différence, ce qui n'avait pas été le cas l'année d'avant face à Concarneau et Dunkerque. 

Le match et la défaite à GOAL ont servi de socle à notre saison. On a changé beaucoup de choses dans l'état d'esprit. Sept victoires d'affilée ont suivi.

 

L'équipe s'est montrée régulière, conservant toujours au moins un écart de cinq points sur ses poursuivants. Vous n'avez jamais connu de baisse de régime ? 
Avoir toujours au moins cinq points d'écart cela peut donner une forme de confort mais ce confort peut aussi vous endormir. On s'est attaché à ce que confort ne soit jamais un acquis, on n'a jamais fonctionné avec un logique de grande avance mais toujours avec celle de dominer le championnat, d'avoir une continuité dans les résultats. À chaque contre-coup, un match nul ou une défaite, l'objectif était de très vite regagner de nouveau derrière. Et lorsque l'on connaissait une période un peu plus délicate, que l'on était un peu moins bien dans le jeu, que l'on avait des blessés ou des suspendus, l'objectif était surtout de ne pas perdre car perdre donne de mauvais repères. Après deux matches nuls de rang contre Avranches et Châteauroux (0-0, 23e et 24e journées), c'est à dire deux points sur six possibles, on n'a pas paniqué, on s'est adapté et bien géré ces moments-là avec les joueurs et le staff. On a quand même montré une certaine constance, ce qui n'a pas été le cas de Niort, notamment. 

Premier au classement à domicile (38 points), deuxième à l'extérieur (24 points), votre équipe s'est révélée performante sur tous les fronts ? 
Oui, on a su voyager et avant de perdre chez nous contre Dijon (0-2), on avait établi un record à domicile où l'on avait tout gagné avec seulement deux matches nuls contre Châteauroux (0-0) et Nancy (1-1). Cela aide à réussir un bon championnat, les équipes sont venues à Bauer avec une vraie crainte. On aurait aimé finir la saison invaincu à domicile, cela aurait marqué notre parcours. Mais Dijon a fait un très bon match ce soir-là et a mérité sa victoire, il faut l'accepter même si l'on est très exigeant. On ne se plaint pas de notre sort, le nôtre étant magnifique puisque nous serons en Ligue 2 la saison prochaine ! 

1897
L'année de création du Red Star, deuxième plus ancien club français
5
victoires en Coupe de France (1921, 1922, 1923, 1928, 1942)
2
titres de champion de France de D2 (1934, 1939)
3
titres de champion de National (2015, 2018, 2024)

Habib Beye attentif à la prestation de son équipe (photo Anthony DIBON/ICON SPORT).

Sur quelles qualités, collectives ou individuelles, cette accession en Ligue 2 s'est-elle construite ? 
Premièrement, ce groupe a montré beaucoup de résilience, il a su ne pas accepter le fatalisme d'une non montée la saison passée, il s'est très vite remobilisé sur le même objectif. Les joueurs en ont fait un mode de vie, je dirais. Deuxièmement, il a adhéré au discours qu'on lui a tenu très vite dans la saison. On a créé un allant qu'ils ont maintenu entre eux, un peu comme un mot clé. Ils ont eu l'intelligence de suivre une voie que le staff a essayé de leur montrer. Enfin troisièment, ce groupe a à la fois beaucoup de talent, avec des joueurs qui ont énormément de qualités, individuelles et collectives, et beaucoup de caractère. L'équipe a su dégager des émotions, c'est ce qu'il y a de plus beau aujourd'hui dans le football. Ce groupe a su dominer ce championnat car il s'est construit sur les trois dernières années avec un projet de jeu qui est sûrement ce qui s'est fait de mieux depuis de nombreuses années dans cette division en termes de qualité. Je n'ai pas peur de le dire parce que j'ai envie de montrer à mes joueurs toute ma gratitude. Lorsque vous êtes le Red Star dans ce National, vous êtes l'équipe à battre, vous êtes le club dont tout le monde parle, parce que ce club a une histoire. L'adversité à laquelle vous devez faire face est plus importante qu'ailleurs. L'équipe a eu cette faculté d'assumer ce statut de favori dans une saison où on parlait de nous comme l'ogre du championnat. 

Le mélange entre la jeunesse et l'expérience, à l'image de votre capitaine Cheick N'Doye, semble avoir bien pris également ? 
Et le groupe a peu bougé entre les deux saisons, avec cinq arrivées seulement. Cheick est l'un des piliers de ce club. Il lui a énormément apporté pour son rayonnement, sa visibilité. De le voir arriver ici était un peu inespéré. Il réalise sa dernière année de contrat avec des valeurs et une implication exceptionnelle. C'est pour cela qu'il est mon capitaine et que j'ai une reconnaissance infinie envers l'homme qu'il est aujourd'hui, et au regard de sa carrière aussi. Il a guidé ce groupe dans l'éthique de travail. Avoir quelqu'un et un capitaine comme lui dans mon vestiaire m'a permis de gagner du temps. J'ai pu dire aux jeunes : regardez Cheick au quotidien, regardez-le tous les jours, et vous comprendrez ce que c'est d'être un joueur professionnel. Il fixe l'exigence de travail, il montre la voie. Et surtout, il est exemplaire. Je lui souhaite de continuer à jouer le plus longtemps possible. Ces joueurs-là sont exceptionnels à entraîner et surtout avec lesquels vous partagez des moments de vie et des aventures humaines bien plus importantes que le football. 

19
Le Red Star a évolué 19 saisons en D1/Ligue 1
37
Le club audonien a vécu 37 saisons en D2/Ligue 2
11
Cette saison était la onzième du Red Star en National

Une première expérience d'entraîneur aboutie pour Habib Beye(photo Anthony DIBON/ICON SPORT).

Vous dîtes que le groupe s'est bâti depuis deux saisons et demi. Et vous-même ? Comment jugez-vous votre propre construction, en parallèle, en tant qu'entraîneur ? 
J'aurais toujours l'humilité de dire que mes joueurs ont progressé plus vite que moi. J'avais pris en engagement vis-à-vis de mon président (Patrice Haddad, président depuis 2008), pour lequel j'ai beaucoup d'affection, je lui avais promis de le ramener au plus haut niveau. Cette montée est une première étape de ce plus haut niveau. Je lui avais également promis de mettre toute mon énergie pour que le Red Star soit un club qui compte. Il était quinzième de National et pouvait descendre en National 2 quand le l'ai repris (octobre 2021). J'ai évolué avec mon équipe, j'ai grandi, progressé, changé avec elle. Chaque situation au quotidien vous amène de l'expérience. Souvent, je souris quand on me dit que je suis un entraîneur qui manque d'expérience. Oui, mais en l'espace de trois ans, j'ai connu un maintien avec une équipe qui était mal embarquée et a réussi à finir onzième. La deuxième année, on m'a dit que l'on devait monter, c'est-à-dire finir premier ou deuxième. J'ai dit OK. On a fini troisième. Et cette année, on m'a donné l'obligation de monter. Quand vous vivez ces challenges-là en tant que jeune coach, vous gagnez forcément en expérience. Mais l'expérience vient surtout de toutes les situations vécues avec mon groupe, les échecs que l'on a rencontrés, les moments difficiles, les moments d'euphorie. Aujourd'hui, je suis un entraîneur bien plus accompli qu'il y a trois ans et je le serai encore bien plus dans trois ans. 

Mon job était d'emmener le Red Star en Ligue 2. C'est fait.

 

Cette saison plus singulièrement vous aura-t-elle apporté quelque chose en particulier ? 
Avant d'être entraîneur, je disais souvent que le football est la quête d'une vie. Quand vous pensez le maîtriser, il vous met une claque dans la figure. Cette année, j'ai vécu des moments que je n'aurais jamais pensé vivre avec mon groupe, des moments faciles, d'autres difficiles, des moments de doute ou de certitudes, qui font de moi un meilleur entraîneur. Mais au fond, ce qui m'intéresse, c'est d'avoir vécu ces moments avec mes joueurs, et la plus belle reconnaissance vient de leur part quand ils m'en parlent. Je leur avais promis de changer leur vie en les emmenant en Ligue 2. Ils vont quitter un  championnat semi-amateur pour rentrer dans le monde des grands, celui des professionnels, qui représente une autre dimension. Cet engagement, on l'a tenu tous ensemble et j'ai énormément progressé à leur côté, je suis forcément un entraîneur différent, qui a avancé, mais toujours avec des convictions très fortes et des certitudes dans ce que je veux mettre en place, et cela ne changera pas. 

Comment le club prépare-t-il déjà cette Ligue 2 qui l'attend la saison prochaine ? 
C'est un autre monde, en termes d'adversité, de compétitivité, de niveau, c'est une certitude. Le club s'y prépare et peut anticiper ce qu'il avait budgété. On a donné du temps à tous les gens qui doivent travailler autour de l'équipe, au directeur sportif pour construire une équipe compétitive, et on s'est donné du temps pour réfléchir à ce qui est bon pour le club mais aussi bon pour moi. On discute. Tout le monde connaît mon ambition et ma volonté d'entraîner au plus haut niveau. On s'était promis d'échanger autour du projet du club et quand j'aurai tous les éléments du projet, je serai en capacité de prendre une décision. Cela sera une décision  simple à prendre puisque chacun a respecté ses engagements respectifs. Mon job était d'emmener le Red Star en Ligue 2. C'est fait. Et le Red Star a respecté le contrat qu'il avait envers moi. Si on continue, on sera très content de le faire dans une logique de liberté totale, et si cela doit s'arrêter, on le fera dans la même logique puisqu'aujourd'hui, je suis libre de tout contrat. 

93
Habib Beye compte 93 matches à la tête du Red Star en championnat National : 46 V, 23 N, 24 D

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