FOOTBALL AMATEUR

Gisèle, la "mamie du foot"

lundi 8 mars 2021 - 12:31 - Claire GAILLARD
Gisèle Garnier doyenne des licenciées

À 89 ans, Gisèle Garnier, dirigeante et doyenne des licenciées, a consacré sa vie au La Rochelle Villeneuve FC où elle est active depuis sa création. Des maillots qu’elle faisait bouillir à l’enregistrement des licences en passant par l’arbitrage ou la préparation des sandwichs, récit de 50 ans de passion.

C’est une maison blanche, avec un portail en bois, située dans une rue pavillonnaire, à 3km du centre-ville de La Rochelle. Les arbustes et fleurs sont bien entretenus. Gisèle Garnier adore ça mais, à 89 ans, elle n’a plus forcément les jambes pour s’en occuper. On l’a contactée mercredi sur son téléphone fixe afin de lui annoncer qu’elle était, en tant que dirigeante de La Rochelle Villeneuve FC, l’une des licenciées doyennes de la FFF (*). Elle a ri et nous a donné rendez-vous le lendemain, "après ma sieste, vers 14h30"

Sous un rayon de soleil, avec le sourire, Gisèle ouvre la porte et nous conduit dans sa véranda. Le café sur la table, avec biscuits et chocolats, la discussion démarre sur la soirée de la veille : "J’ai regardé Strasbourg-Monaco, j’étais contente pour le Racing, 1-0 ce n’est pas cher payé, ils ont eu plusieurs occasions. De temps en temps, je zappais sur Bordeaux-PSG (1-0), je n’aime pas trop les Girondins alors tant mieux pour Paris."

J’aime l’entraîneur puis le sélectionneur que Didier Deschamps est devenu, c’est un vrai manager, j’apprécie les discours qu’il tient à ses joueurs.

 

Depuis de longues années, Gisèle est passionnée de football sans vraiment savoir comment elle est tombée dedans. Bordeaux, en revanche, lui rappelle des souvenirs. "Avec mon mari, quand nous étions jeunes, nous allions voir des matches à Nantes et Bordeaux mais l’ambiance n’était pas la même et nous avons préféré celle de Nantes où les supporters soutiennent leur équipe même lorsqu’elle perd. Mon club, c’est le FCN mais il ne se porte pas très bien en ce moment." Gisèle a encore en tête le jeu à la nantaise, les titres de champion de France de 1965 et 1966, les années Suaudeau et les débuts de Didier Deschamps dont elle continue de suivre le parcours. "J’aime l’entraîneur puis le sélectionneur qu’il est devenu, c’est un vrai manager, j’apprécie les discours qu’il tient à ses joueurs."

Dans le couple qu’elle forme avec Marc, Gisèle est celle qui a poussé en faveur du ballon rond : "C’est moi qui ai entraîné mon mari, je ne l’ai pas suivi. Il était toujours partant."  Originaire de Vendée, elle est arrivée à La Rochelle lorsqu’elle avait une vingtaine d’années, son mari venait de Saône-et-Loire. Elle a travaillé dans l’exportation du poisson avant de rejoindre l’usine SIMCA et ses chaînes de montage automobiles durant 25 ans. Marc, lui, était employé à la municipalité. 

J’ai commencé par laver les maillots. Il fallait les faire bouillir puis les repasser. La seule chose que je ne voulais pas toucher, c’étaient les chaussettes !

 

En juin 1970, le club La Rochelle Villeneuve FC voit le jour grâce au soutien de la ville qui finance équipements et matériel. Gisèle et Marc en sont. "Le président à l’époque ne connaissait rien au football, il travaillait chez EDF et comme on avait peu de moyens, il avait confectionné des poteaux de but à partir d’anciens poteaux électriques, se remémore-t-elle. On jouait sur un terrain qui, au début de l’hiver, ressemblait à une mare aux canards !"  Son mari a été le trésorier du club et touchait un peu à tout. « Moi, j’ai commencé par laver les maillots. Il fallait les faire bouillir puis les repasser. La seule chose que je ne voulais pas toucher, c’étaient les chaussettes !" Avec le développement du club, le nombre d’équipes a augmenté, comme les besoins : "On est passé à 150 ou 170 joueurs, cela me prenait la semaine. Alors j’ai acheté la première machine à laver du club."

J’ai été la première femme arbitre de touche dans le coin. Les joueurs ne m’ont jamais manqué de respect mais le public m’a traité de tous les noms. Il fallait avoir les épaules solides et aimer ça pour continuer.

 

Avec deux garçons, eux aussi licenciés, l’histoire de famille est en marche même si tout n’a pas été facile. "J’ai été la première femme arbitre de touche dans le coin, raconte-t-elle. Les joueurs ne m’ont jamais manqué de respect mais le public m’a traité de tous les noms. Il fallait avoir les épaules solides et aimer ça pour continuer. Aujourd’hui, on voit davantage de femmes. Les petites filles peuvent jouer, les matches sont retransmis à la télévision. C’est une avancée."

En charge du suivi des pupilles puis poussins, elle a aussi animé certaines séances pour dépanner. « Je leur ai appris à bien faire des touches, faire des dribbles, slalomer…" Elle les accompagnait disputer des tournois sur l’Île de Ré et prenait part à la confection des chars pour les fameuses Cavalcades de La Rochelle. Quand les enfants tombaient sur elle au supermarché, ils l’interpellaient : "C’est la mamie du foot" et venaient l’embrasser. Spontanément, un joueur lui revient à l’esprit : l’attaquant du SCO Angers Rachid Alioui, natif de la Rochelle et qui, surclassé, évoluait avec l’un de ses petits-fils. "Il était doué et ne voulait qu’une chose : devenir footballeur. Je suis contente qu’il y soit parvenu. Je sais qu’il a eu des soucis de santé. J’espère que ça va mieux."

J’aime la convivialité, voir du monde, discuter et le contact avec la jeunesse (…) En ce moment, on ne peut pas s’amuser, il faut faire avec et être patients.

 

Gisèle a également été secrétaire du club et enregistrait les licences. "J’ai arrêté lorsque les demandes sont passées sur ordinateur, j’étais incapable de m’en servir." Depuis, elle a un peu appris, au moins pour disputer ses parties de belote quotidiennes. Elle a continué de s’investir en aidant à la buvette, par exemple, ou à la préparation des sandwichs. "Autrefois, on les vendait aux joueurs à la fin des matches. Désormais, ils leur sont fournis. Mohamed (Azhar, le président, ancien joueur puis éducateur) passe me chercher en voiture pour m’emmener. Je prépare les sandwichs au bord du terrain pendant la rencontre. J’en ai 36 à faire pour les joueurs, les arbitres et le délégué, autant dire que je ne vois pas trop le match ! Avec le virus et l’arrêt des compétitions, on n’a plus joué depuis un moment." Elle dit ne pas se souvenir du dernier match (en octobre 2020). « Mais je sais qu’on est en tête du Championnat (1er de Régional 2), alors peu importe ce qui sera décidé !", sourit-elle.

Ces temps-ci, sa mission consiste à réceptionner le courrier. "J’aurai tout fait dans ce club, sauf la présidence, ça, je ne veux pas, plaisante la dirigeante qui a continué à s’investir malgré le décès de son mari en 1992. J’aime la convivialité, voir du monde, discuter et le contact avec la jeunesse." Le club de football, comme lieu de vie, de partage, de transmission, de mixité… Forcément, les temps sont plus durs avec l’épidémie : "J’ai connu la privation pendant la Seconde Guerre Mondiale alors quand j’entends des jeunes ou des adultes se plaindre de ne pas pouvoir faire ci ou ça… On ne peut pas s’amuser, il faut faire avec et être patients."

(*) Née en 1931, Gisèle Garnier figure parmi les doyennes des licenciées derrière deux autres dirigeantes : l’une née en 1927 (Ligue de Bretagne) et l’autre née en 1930 (Ligue Nouvelle-Aquitaine). Contactées, elles n’ont pas souhaité s’exprimer.

La Rochelle Villeuneuve FC en bref

Création : juin 1970
Président : Mohamed Akhar depuis 2014
Licencié(e)s : entre 150 et 170 par saison
Équipes seniors : 2 (Régional 2 et Départemental 2)
Autres équipes : entre 2 et 3 selon les catégories (U6-U7, U8, U9, U11, U13, U15 et U17) et une équipe féminine U14.
Educateurs et éducatrices : deux par équipes dont des contrats civiques
Arbitres : 5
Dirigeant(e)s : 10

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