Kylian Mbappé : « Être tourné vers les autres »

L’attaquant des Bleus a honoré sa première conférence de presse en tant que capitaine avant de laisser la parole à son sélectionneur, jeudi 23 mars à la veille du match de qualification à l’Euro 2024 face aux Pays-Bas (20h45).

« Qu’est-ce qu’un bon capitaine selon vous et quel type de capitaine voulez-vous être ?
C’est quelqu’un avant tout tourné vers l’équipe, capable d’être rassembleur, fédérateur et d’emmener les autres dans son sillage. Il y a des fondamentaux qu’il n’est pas possible de bouger et c’est en fonction de la personnalité de chacun. Je pense que je serais un capitaine tourné vers les autres, qui n’a pas une grande expérience du capitanat mais je sais qu’il y a des joueurs importants dans l’équipe et je n’ai pas envie de décider, d’imposer. J’ai envie d’ouvrir aux autres la possibilité de s’exprimer. Je pense que l’on est un groupe uni, on a montré lors de nos grandes performances que lorsque l’on était tous ensemble et que chacun avait sa place, on était capables de faire de grandes choses. Ce serait une erreur de bouleverser tout cela.  

Qu’attends de vous le sélectionneur Didier Deschamps dans ce rôle ?
Il veut que je sois fédérateur, que j’essaie d’emmener cette équipe dans mon sillage parce que j’ai une certaine expérience de l’Équipe de France. Je suis le lien entre la nouvelle génération et l’ancienne, je connais les deux. Il veut que je contribue à ce que l’on soit un groupe uni et que cela nous emmène vers les sommets, c’est-à-dire les titres.

Ce nouveau rôle va-t-il vous obliger à vous transformer et allez-vous plus défendre ?
Je ne vais pas me transformer, c’est la première des choses. Je pense avoir une parole écoutée dans le vestiaire, il suffit juste de la prendre à bon escient. C’est-à-dire de penser au collectif, de toujours essayer d’amener les autres à être tourné vers le même objectif, qu’il n’y ait pas un décalage entre moi et mes coéquipiers, que l’on forme un seul groupe, que l’on soit unis. Quant à plus défendre, c’est une question d’organisation. C’est en fonction de ce que me demande l’entraîneur, je ferai toujours ce qu’il me demandera. S’il me demande d’aller au but, j’y vais, s’il me demande de sortir, je sors, de défendre, je défends… 

Antoine Griezmann ? Il a 32 ans, il a passé dix ans en Équipe de France, il a été l’un, ou peut-être LE, joueur le plus important de l’ère Didier Deschamps (...) Il a une expérience que je n’ai pas.

 

Avez-vous échangé avec Antoine Griezmann et quels autres joueurs peuvent vous accompagner ? 
J’ai parlé avec Antoine parce qu’il était déçu, et c’est normal. Franchement, c’est compréhensible, c’est une réaction qui s’entend. Je lui ai dit qu’à sa place, j’aurais peut-être eu la même. Il a 32 ans, il a passé dix ans en Équipe de France, il a été l’un, ou peut-être LE, joueur le plus important de l’ère Didier Deschamps, c’est donc normal qu’il ait cette déception. Je suis capitaine et lui vice-capitaine mais je ne suis pas son supérieur hiérarchique. Il a une expérience en Équipe de France que je n’ai pas. Il est arrivé avant moi, j’étais au centre de formation et il était déjà là. C’est quelqu’un d’estimé et aimé de tout le groupe, ce serait vraiment dommage de ne pas bénéficier de son expérience et de sa joie de vivre. On sera lui et moi main dans la main pour essayer de faire régner cette Équipe de France aux niveaux européen et mondial. Ce ne sera pas moi devant et lui derrière, on sera côte à côte. S’il a quelque chose à dire devant le groupe, je m’assieds et j’écoute. Qui m’accompagnera avec Antoine dans ce leadership ? Il ne faut fermer cette porte à personne, chacun est libre de s’exprimer dans ce groupe. C’est ça l’Équipe de France, elle n’appartient à personne.

À l'entraînement cette semaine avec Khephren Thuram et Brice Samba (photo Simon MORCEL / FFF).

Quelle a été votre réaction personnelle quand Didier Deschamps vous a dit que vous seriez le capitaine des Bleus ?
En mettant de côté tout ce qui est responsabilités, c’est avant tout un kif’ ! Je suis capitaine (de l’équipe) de mon pays, c’est quelque chose que l’on ne peut pas éluder. J’ai été très content quand il me l’a annoncé mais une fois passées cette joie et cette émotion, c’est une nouvelle responsabilité que je vais assumer naturellement et pour laquelle je ne vais pas me mettre de pression. Cela ne va pas changer ma manière de jouer, peut-être celle de me comporter parce qu’il faut être encore plus tourné vers les autres. Je vais l’être avec beaucoup de bienveillance et de positivité. 

Ceux qui ont joué avec moi savent que ma première obsession, c’est de gagner et je ne gagne pas tout seul, je gagne avec l’équipe.

 

Comment prenez-vous les remarques sur votre soi-disant égoïsme, d’être autocentré ? 
Je ne comprends pas forcément mais j’accepte, c’est la vie d’un joueur de haut niveau ultra médiatisé. Les gens jugent sans parfois être de l’intérieur, ils ne m’ont pas côtoyé et ne savent pas le comportement que j’ai à l’intérieur d’un groupe et d’un vestiaire. Ceux qui ont joué avec moi savent que ma première obsession, c’est de gagner et je ne gagne pas tout seul, je gagne avec l’équipe. Un attaquant, tant qu’il marque des buts, ça va mais si un jour il ne marque pas, il est vite taxé d’égoïsme. C’est normal, je n’ai jamais eu de problème avec cela. Il faut laisser couler, être sûr de ce que l’on sait faire et le faire bien.

Garderez-vous la même liberté de parole et est-ce que cet exercice d’aujourd’hui vous plait ?
Pourquoi voulez-vous que cela change ? Chacun est capitaine en fonction de sa personnalité. Je ne suis pas comme Hugo (Lloris, son prédécesseur), il n’est pas comme moi, ni comme les anciens capitaines. Chacun a été un capitaine différent et je le serai également. Je ne pense pas que Didier Deschamps m’a mis capitaine parce qu’il s’est dit que j’allais faire exactement la même chose qu’Hugo, mais peut-être que je me trompe… Si cet exercice me plait ? Cela dépend des jours... Alors oui, on va me voir plus souvent, mais il ne faut pas non plus que je monopolise tout l’espace médiatique de l’Équipe de France. Il va falloir laisser de la place aux autres, c’est comme cela que l’Équipe de France a réussi à régner, quand tout le monde a trouvé sa place. Je ne pense donc pas venir vous parler à tous les matches parce que je sais qu’il est important que l’ensemble des joueurs ait une place dans cette équipe. 

Quel effet cela vous fait-il d’être le leader de cette nouvelle génération ? 
C’est un plaisir, déjà en tant que joueur d’évoluer avec des joueurs de cette qualité. La vie est beaucoup plus facile quand vous jouez dans une équipe qui est bonne. En tant que leader, c’est facile car ce sont des gens qui comprennent vite, je n’aurai pas besoin de répéter soixante-dix fois des choses. Ils sont doués, ils jouent dans les meilleurs clubs du monde. C’est donc avant tout un plaisir de pouvoir faire partie de cette équipe et d’en être considéré comme le leader. »