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Hubert Fournier (volet 2) : « Nos clubs ? Des lieux d’épanouissement et d’émotion »

jeudi 23 décembre 2021 - 10:56 - Alexandre CHAMORET
DTN FFF

Hubert Fournier, le directeur technique national de la FFF, chapeaute avec son équipe la formation française. L’ancien joueur et entraîneur fait le point sur le vivier français, les structures de formation, les évolutions techniques, la protection des joueurs et joueuses et la crise sanitaire. Voici le second volet de cet entretien.

Les entraîneurs français sont parfois pointés du doigt par certains médias ou consultants, au prétexte qu’ils s’exportent peu. Qu’en pensez-vous ?
Zinédine Zidane entraînait encore le Real Madrid il y a peu. Arsène Wenger a dirigé Arsenal de 1996 à 2018. Claude Puel a entraîné en Premier League, Rudi Garcia en Italie, Philippe Montanier a été élu meilleur entraîneur de la Liga avec la Real Sociedad, ce n’est pas rien et si vieux… Je pourrais en citer plein d’autres, comme Claude Leroy, Sabri Lamouchi, Hervé Renard… à la tête de sélections nationales importantes. Nous avons des entraîneurs de grande qualité, à l’image de Christophe Galtier. Les entraîneurs étrangers qui découvrent notre championnat reconnaissent tous l’expertise et la difficulté à jouer en L1, car toutes les équipes sont bien préparées sur le plan technique et tactique. Mais il est vrai que nos entraîneurs pâtissent parfois d’un manque de réseaux auprès des agents les plus puissants qui régissent la gestion sportive de beaucoup de clubs européens. 

Quels sont les modèles de jeu en vue aujourd’hui ?
Une des évolutions les plus marquantes, c’est la flexibilité tactique. Certaines équipes sont capables de changer de dispositif tactique plusieurs fois au cours d’un même match. Cela nécessite une grande adaptabilité pour les joueurs et un gros travail technico-tactique pour les staffs en amont. Cette évolution nécessite que l’ensemble des dispositifs tactiques soient assimilés durant le parcours de formation. 

Nos clubs sont et doivent rester des lieux d'épanouissement, de partage et d'émotion.

 

Peut-on parler de grand bond en avant dans l’analyse de la performance, grâce aux datas ?
L’arrivée des datas a aidé à mieux quantifier les charges d’entrainements de manière plus scientifique. Avant, cette approche était plus subjective, moins précise. Toutes ces données collectées permettent au staff de mieux connaître le potentiel individuel de chaque joueur, son état de forme et d’individualiser la charge de travail. Ce sont des outils d’aide à la prise de décision pour l’entraîneur et son staff dans l’élaboration de son équipe et de son plan de jeu. L’analyse vidéo couplée à celle des datas offre une lecture plus précise de la performance individuelle et collective et aide à mieux identifier celle de l’adversaire. Les staffs techniques se sont beaucoup enrichis à ce niveau ces dernières années avec des analystes vidéo, des analystes Data, des responsables de la Performance, au niveau des staffs médicaux, de la diététique… 

Séance d'entraînement avec mesures GPS pour Paul Pogba à Clairefontaine (photo Johnny FIDELIN/ICON SPORT).

Ibrahimovic (39 ans), Ronaldo (36 ans), Thiago Silva (36 ans), Karim Benzema (34 ans), Olivier Giroud (35 ans), pour ne citer qu’eux… Cette longévité au plus haut niveau de joueurs majeurs est-elle le fruit du hasard ?
Non. Leur professionnalisme est d’abord à souligner mais c’est aussi la conséquence des améliorations dans le suivi et l’accompagnement individualisé du joueur, dans toutes les composantes de la performance : le sommeil, l’alimentation, l’hydratation, la récupération, les soins médicaux, l’individualisation des charges d’entraînement. Cette culture de la performance est déjà cultivée dans nos structures de formation dès les Pôles Espoirs où depuis deux ans nous avons un analyste vidéo, Data, préparateur physique, staff médical et adjoint au service du développement de la performance individuel et collective. L’enjeu est que le jeune talent soit acteur de sa performance et devienne autonome, ce qui lui permettra d’être performant tout au long de sa carrière. 

Un sujet vous tient à cœur : la protection des jeunes joueurs et joueuses qui peuvent être l’objet de sollicitations déstabilisantes dès leur plus jeune âge (recruteurs, agents, faux conseillers…). Comment luttez-vous contre ? 
Nous luttons avec l’ensemble des directeurs de pôles Espoirs et des centres de formation pour limiter l’impact des sollicitations trop précoces qui peuvent avoir des effets néfastes sur le développement sportif de l’enfant, sa scolarité, son équilibre familial. Avec les clubs professionnels, nous avons mis en place tout un arsenal de sanctions dissuasives, avec l’objectif notamment de contrer les clubs qui sollicitent des jeunes avant les U13. Nous limitons aussi l’éloignement du foyer familial à 100 km du lieu d’habitation jusqu’en U15. À partir de la catégorie U16, des conventions de formation tripartite entre le jeune, sa famille et le club sont signées, avec des engagements précis et à la clef, s’ils sont respectés, la signature d’un contrat pro pour les meilleurs d’entre eux. Spéculer sur un jeune U10-11-12, le déraciner est une dérive et une erreur. 

Le ministère des Sports cite en référence la FFF concernant le croisement des fichiers dans le cadre de la lutte contre les délinquants sexuels… 
C’est un enjeu global de société mais en tant que sport numéro un, qui compte 2 millions de licencié(e) s, avec la plus importante fédération sportive, nous nous devions d’agir avec volontarisme, rigueur et être moteur. La protection des mineurs est une priorité, d’où la mise en place du contrôle d’honorabilité pour l’ensemble des intervenants (éducateurs, dirigeants). Nous avons également mis en place dans nos structures de formation des programmes de sensibilisation et d’ouverture à la parole. Nos clubs sont et doivent rester des lieux d’épanouissement, de partage et d’émotion. »

Retrouvez le premier volet de l'entretien d'Hubert Fournier

Les chiffres de la formation française

35
Nombre de centres de formation
25
Nombre de pôles Espoirs (16 masculins, 8 féminins, 1 Futsal)
500
joueurs en Pôles Espoirs par saison
200
joueurs issus des centres de formation français évoluent dans les 2 premières divisions du Big 4 européen
5 sur 700
joueurs formés en centre de formation évolueront en Équipe de France A par génération
10 M€
L’investissement de la FFF pour la formation (structure PPF/Détection)
40
Nombre d’entraîneurs nationaux
150
Nombre d’entraîneurs français évoluant à l’étranger
350
Nombre de cadres

 

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