Équipe de France

Jean Taillandier : « Les Bleus un honneur, Pelé une fierté »

samedi 22 janvier 2022 - 16:45 - Richard LOYANT
Jean Taillandier

Gardien des Bleus en 1960, Jean Taillandier plonge dans ses souvenirs pour nous raconter, entre autres, ses rencontres avec des grandes stars de l'époque.

Enjoué jusqu’à l’espièglerie en évoquant Pelé – qui lui a inscrit deux buts –, lucide et la voix claire, sa compagne vigilante à ses côtés, l’international Jean Taillandier est  désormais retiré dans sa Creuse natale. Celui qui, formé à l’ES Charron-Auzances, a gardé entre autres les buts du RC de Paris et du RC Lens, revient sur son parcours en Bleu, la spécificité de son poste et les grands joueurs qu’il a rencontrés.

L’AVANT EURO 1960

« Une préparation toute simple »

« La concurrence était rude avec les François Remetter, Dominique Colonna, Claude Abbes… Il y avait du beau monde devant moi. J’avais déjà été appelé en B, où tout s’était bien passé. La surprise d’être retenu a donc été relative, d’autant qu’il y avait des blessés. Georges Lamia avait réalisé un bon championnat avec l’OGC Nice [champion de France 1959 et gardien de l’équipe battant 3-0 le Real Madrid CF en quart de finale aller de la Coupe d’Europe des clubs champions 1960] et il était logique qu’il soit n°1. Nous n’avions pas spécialement conscience de jouer une première grande compétition européenne, qui en était à ses balbutiements. La préparation a été toute simple, on s’est réunis deux semaines à Chantilly. Nous étions en fin de saison et beaucoup de joueurs pensait déjà aux vacances. » 

Le groupe France de l’Euro 1960 avec Jean Taillandier (troisième debout en partant de la droite), encadré par Robert Jonquet et Bruno Rodzik – Archives FFF. 

FRANCE-YOUGOSLAVIE SUR LE BANC

« Décontracté, en spectateur… »

« À l’époque, onze joueurs partaient sur le terrain et devaient finir la rencontre, sans remplaçant sur la feuille de match. On n’était donc pas concentré de la même façon. On est sur la touche, plus décontracté et on regarde comme un spectateur. On a fait un bon match mais tout s’est écroulé en cinq minutes [battus 4-5 en menant 4-2 à quinze minutes du terme]. On a incriminé Lamia, il a une certaine responsabilité mais on lui a mis trop de choses sur le dos*. Cela a été très dur pour lui alors que cela peut arriver à n’importe qui de perdre pied. Cela a été un concours de circonstances et encore aujourd’hui, on ne sait toujours pas collectivement ce qu’il s’est passé. » 

TITULAIRE CONTRE LA TCHÉCOSLOVAQUIE

« Une occasion ratée »

« Je ne pensais pas jouer car bien souvent, lorsqu’un gardien fait une ou deux erreurs, on le laisse se rattraper au match suivant. Là, ils ont changé la moitié de l’équipe. On voulait la troisième place mais on n’a pas été très bons non plus. Il y avait un peu de démobilisation [battus 0-2]. On a très certainement raté l’occasion lors de ce premier Euro mais la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie et l’URSS étaient alors très solides. Peut-être que physiquement, on était un peu usés par le championnat ? Il n’y avait pas de trêve hivernale et donc peu de récupération. »

3
sélections en Équipe de France A (une en phase finale de l’Euro 1960, deux en amicaux).
305
matches professionnels disputés (272 de D1 et D2, 31 de coupes nationales, 2 de Coupe d’Europe).
1
sélection en Équipe de France B, en amical face au Portugal B le 24 mars 1957 à Nantes.

DES LENDEMAINS QUI DÉCHANTENT

« Un honneur d’avoir joué en Bleu »

« J’ai été rappelé contre la Pologne [2-2] et la Suède [défaite 1-0] puis j’ai été sérieusement blessé. Le temps de me remettre d’aplomb, de reprendre la compétition en étant plus ou moins diminué et tout s’est mal enclenché… Cela reste un honneur d’avoir joué en Bleu, quelque chose d’indescriptible. Jeune footballeur, on veut tous aller en Équipe de France et y arriver, c’est d’une joie… Ce que l’on ressent en entrant sur le terrain est différent, on a le trac et en même temps on est content, tout un tas de sensations se mélangent… »

Avec le RC de Paris vice-champion de France de D1 1961 (de gauche à droite) : Bernard Lelong, Jean-Jacques Marcel, Bruno Bollini, Guy Sénac, Jean Taillandier, Roger Marche (debout), Jean Tokpa, Jean Guillot, Joseph Ujlaki, François Heutte, Claude Dusseau (accroupis) – DR. 

GARDIENS D’HIER ET D’AUJOURD’HUI

« Plus la même conception du poste »

« On n’avait pas d’entraînement spécifique, on jouait plus sur nos qualités naturelles que sur la répétition du travail. Je jouais d’instinct, on ne m’a jamais appris à bloquer un ballon, ni à le dégager. On s’entretenait physiquement comme tout autre joueur, on restait parfois un peu plus longtemps pour des prises de balle sur des frappes mais ce n’était pas programmé. Les ballons n’étaient pas les mêmes et on n’avait pas le droit de les relâcher. Il fallait les capter et dégager loin ou passer au partenaire le plus proche pour contre-attaquer. Il fallait aussi prendre des risques dans les seize mètres, aller dans les pieds des adversaires, anticiper les actions au maximum pour soulager la défense. Maintenant, c’est un peu l’inverse : le gardien attend pour agir, il ne sort plus autant pour être maître de ses seize mètres et ne s’expose plus comme on le faisait. Ce n’est plus la même conception du poste. »

Un arrêt conforme à la publicité qui le surplombe : « Nettoie, fait briller, protège » - Archives FFF.

YACHINE, FONTAINE, KOPA, PELÉ…

« Une fierté d’avoir joué contre Pelé »

« Lev Yachine** est le meilleur gardien de l’Histoire. Il avait tout, moderne avant l’heure. Just Fontaine*** avait le sens du but, opportuniste, l’attaquant-type… Raymond Kopa**** était l’organisateur, avec le sens du jeu et des techniques individuelle et collective hors normes… Le plus fort reste Pelé***** de l’époque Santos FC. Je l’ai rencontré plusieurs fois lors du Tournoi de Paris, organisé par le Racing et auquel son club était invité. Il m’a marqué deux buts en deux matches ! C’est une fierté d’avoir joué contre lui, il était un peu au-dessus de la moyenne [rires]… » 

Pris en modèle pour des cartes recto-verso éditées par Miroir Sprint dans les années 1960 – Montage FFF. 

* Le journaliste de France-Football Jacques Ferran écrira cruellement : « Lamia n’a pas commis une erreur ou deux ou trois. Il a en quelque sorte commis l’erreur d’être là ».

** International soviétique (80 sélections), vainqueur des JO 1956 et de l’Euro 1960, Ballon d’or 1963, meilleur gardien du Mondial 1966.

*** International français (45 sélections, 18 buts), Ballon d’or 1958, troisième et meilleur joueur du Mondial 1958, triple vainqueur de la Coupe d’Europe des clubs champions avec le Real Madrid CF (1957, 1958, 1959).

**** International français (21 sélections, 30 buts), troisième et Soulier d’or du Mondial 1958 (13 buts, record en une édition), record de buts sur une année civile avec les Bleus (18 en 1958).

***** International brésilien (92 sélections, 77 buts), triple vainqueur du Mondial (1958, 1962, 1970) et avec Santos FC des Coupes Libertadores (1961, 1962) et Intercontinentales (1962, 1963), meilleur joueur du XXe siècle de la FIFA et du siècle IFFHS, athlète du siècle du CIO.

Jean Taillandier en bref

Né le : 22 janvier 1938 à Auzances (Creuse).
Clubs : ES Charron-Auzances (1953-1955), RC de Paris (1955-1964), RC Lens (1964-1968), CSM Puteaux (1969-1970), RC Vichy (1970-1973), US Beaugency (1974-1975).
Palmarès : Coupe Charles-Drago 1965 (RC Lens), vice-champion de France de Division 1 1961 et 1962 (RC de Paris), champion de Départemental 1 de la Creuse 1954 (ES Charron-Auzances).

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