ÉQUIPE DE FRANCE

Guy Stéphan revisite ses phases finales

samedi 19 novembre 2022 - 19:36 - Claire GAILLARD
Guy Stéphan

Avant de lancer sa 7ème phase finale avec les Bleus, l’adjoint du sélectionneur ouvre le livre des souvenirs, du titre de l’Euro 2000 au sacre de la Coupe du monde 2018, en passant par l'échec de 2002. Et évoque aussi l’opus 2022, forcément spécial.

À 66 ans, Guy Stéphan s’apprête à vivre sa 4ème Coupe du monde après 2002, 2014 et 2018. Au Qatar, en hiver (20 novembre-18 décembre), sans la logistique des déplacements entre les matches mais avec vingt-six joueurs, l’aventure sera forcément différente des précédentes. L’adjoint du sélectionneur Didier Deschamps, qu’il a dirigé lorsqu’il était dans le staff de Roger Lemerre à l’Euro 2000, se remémore pour FFF.FR ses phases finales, Mondial et Euro confondus, soit six au total, et se projette sur sa septième qui s'ouvre le mardi 22 novembre pour les Bleus. En ajoutant la Coupe d’Afrique des Nations avec le Sénégal en 2004, Guy Stéphan monte même dans le grand huit.

 EURO 2000 
« À quelques secondes de perdre et… »

« J’ai rejoint la FFF en 1998 au sein de la Direction technique nationale à la demande d’Aimé Jacquet. J’étais dans la formation des cadres et m’occupais de la sélection des 18 ans ainsi que de l’équipe A’. J’ai intégré le staff de Roger Lemerre en 1999 où étaient déjà présents René Girard et le regretté Bruno Martini. On est champions du monde en titre et on prépare le Championnat d’Europe 2000. Je découvre une équipe complètement organisée. Ça coulait de source, le jeu collectif, les individualités, les leaders : tout allait dans le bon sens. Ils renversaient tout sur leur passage et on est sacrés champions d’Europe. Roger a eu l’intelligence de les accompagner. Il y avait beaucoup de joueurs extrêmement mâtures et c’était une équipe très complémentaire. »


14 juin 2000 : Guy Stéphan avec Didier Deschamps à la fin d'une séance d'entraînement durant l'Euro en Belgique (photo Alain GADOFFRE / ONZE / ICON SPORT). 

« On finit deuxième d’un groupe composé des Pays-Bas, du Danemark et de la République tchèque. Puis on affronte que des ''gros'' : Espagne, Portugal et Italie. On est parfois en difficulté mais on arrive à refaire surface. On est quand même à quelques secondes de perdre la finale et il a fallu ce long ballon de Fabien Barthez sur la tête de David Trezeguet qui dévie sur Sylvain Wiltord pour égaliser. Les Italiens était déjà en train de fêter leur titre. C’est une équipe qui avait de la ressource. Elle réalise le doublé Coupe du monde-Euro. C’est l’une des émotions les plus intenses de ma carrière car le but de Sylvain arrive très tard. On est au bout du bout. En nous voyant égaliser, les Italiens ont pris un gros coup derrière la tête. Après, le but en or est presque acquis car on avait pris l’ascendant psychologique. Il intervient avec le débordement de Robert Pirès et la magnifique reprise de Trezeguet. »

 COUPE DU MONDE 2002 
« Une immense déception après des succès exceptionnels »

« Elle intervient après le succès en Coupe des confédérations en 2001. On aborde cette Coupe du monde euphoriques, confiants et quand je dis confiants, c’est trop confiants. Ça va être le problème de cette préparation, ajoutée à quelques blessures avec notamment celle de Zinédine Zidane. Ça laisse des traces et on espère toujours qu’il va revenir, ce qu’il fera lors du troisième match. On a perdu le premier contre le Sénégal 0-1 et cela conditionne la suite du parcours. On a enchaîné par un résultat nul face à l’Uruguay. Inconsciemment, quand on s’installe dans un certain confort, c’est plus difficile de faire des efforts. Le confort n’est pas générateur d’efforts. Malheureusement, c’est ce qui est arrivé. C’est extrêmement difficile d’aller tout là-haut, ce qui a été fait en 1998. C’est extrêmement difficile d’y rester, c’est pourtant ce qui a été réussi en 2000. Et à un moment, il y a le contrecoup, c’est arrivé en 2002 sans enlever aucun mérite au Sénégal, à l’Uruguay ni au Danemark. Une immense déception qui intervient après des succès exceptionnels. »


Guy Stéphan avec Henri Émile, René Girard et Roger Lemerre lors de la Coupe du monde 2002 (photo Alain GADOFFRE / ONZE / ICON SPORT). 

 COUPE DU MONDE 2014 
« On avait une équipe qui se préparait »

« Après l’Euro 2012, le président Noël Le Graët a souhaité changer de sélectionneur. Il a proposé à Didier de succéder à Laurent Blanc. Didier avait fini l’épisode marseillais assez fatigué. Il a demandé quelques jours de réflexion avant d’accepter la proposition et m’a demandé de l’accompagner. Cela lui paraissait naturel après nos trois saisons à l’OM et quelques résultats. On a disputé notre premier match le 15 août 2012 au Havre contre l’Uruguay (0-0). L’effectif est rajeuni. Puis il y a ce match de barrage retour qualificatif à la Coupe du monde contre l’Ukraine au stade de France à l’automne 2013. C’est un match charnière. S’il n’y a pas victoire le 19 novembre par deux buts d’écart minimum, il ne se passe pas tout ce qui est arrivé derrière. Il y a eu une force terrible chez les joueurs et le public. Une communion comme rarement j’ai vu, probablement car c’était un match couperet ayant perdu l’aller (0-2). Il fallait faire mieux, ce qu’aucune équipe n’avait réalisé en barrage. »


À Brasilia avant le huitième de finale du Mondial face au Nigeria le 30 juin 2014, Guy Stéphan, devant Franck Raviot, emboîte le pas de Didier Deschamps (photo Dave WINTER / ICON SPORT). 

« On s’est senti porté par une force qui venait du public et les joueurs étaient transcendés, dans un état d’euphorie, capables de tout. On l’emporte 3-0 et on file au Brésil. Difficile de faire mieux pour une Coupe du monde. On arrive là-bas, les matches de poules se passent plutôt bien, le huitième aussi. Et puis ce quart de finale face à l’Allemagne... Un peu comme la Tunisie lors de la CAN 2004 (voir plus bas), on est battus 0-1 par les Allemands futurs champions du monde. On avait une équipe qui se préparait. Ça a servi, comme l’Euro 2016 y a contribué, au titre de 2018. Les Lloris, Varane, Pogba, Giroud, Griezmann étaient là… Cela a permis à beaucoup de joueurs déjà présents d’accumuler de l’expérience et des forces pour 2016 et 2018. »

Le parcours des Bleus

Premier tour :

Huitième de finaleFrance-Nigeria : 2-0

Quart de finaleFrance-Allemagne : 0-1

 EURO 2016 
« On est en finale, on ne l’a pas gagnée mais ça va nous servir »

« À l’Euro 2016, on a eu des matches peu évidents. Je pense à la Roumanie, l’Albanie et la Suisse en phase de poules. Le travail est fait, les deux premières victoires nous assurent la première place. Il y a ensuite ce huitième de finale à Lyon contre la République d’Irlande où on est menés à la mi-temps. Didier effectue un changement d’organisation et cela nous permet de revenir et de l’emporter sur un doublé d’Antoine Griezmann. Cela amène beaucoup de buts en quart contre l’Islande et nous voilà en demi-finale où on retrouve l’Allemagne à Marseille. On fait la finale avant l’heure devant un public formidable. »


Guy Stéphan et Antoine Griezmann lors de la demi-finale de l'Euro remportée contre l'Allemagne (2-0) au stade Vélodrome (photo Jean-Paul Thomas / ICON SPORT). 

« Derrière, on a peu de temps pour récupérer. Le Portugal avait quatre jours de repos, nous trois et en fin de compétition, tous les joueurs vous diront qu’avant une finale, la différence est importante. Ça se joue à trois fois rien : à l’épaisseur d’un poteau quand André-Pierre Gignac le trouve à la 89e minute. Les Portugais ont le droit de jouer aussi. On est en finale, on ne l’a pas gagnée mais ça va nous servir. En 2018, le huitième contre l’Argentine était déjà une grosse réussite mais sans cesse le discours des joueurs c’était : ‘‘les gars, on est en huitièmes mais on veut les quarts’’ et ainsi de suite... Ils voulaient toujours viser plus haut. Ils étaient contents de la victoire mais ça ne leur suffisait pas et ça, c’est l’héritage de l’Euro. »

 COUPE DU MONDE 2018 
« Coucou, on est là »

« Je me souviens que le troisième match a été très critiqué. Ce nul contre le Danemark intervient après de courtes victoires contre l’Australie puis le Pérou face auquel c’était très serré. Mais la grosse satisfaction de ce match, c’est le système de jeu. Celui mis en place ce jour-là va rester jusqu’à la fin de la compétition. Un 4-2-3-1 avec sensiblement les mêmes joueurs. Le huitième de finale contre l’Argentine est le seul match où on a été menés durant le tournoi pendant neuf minutes alors qu’on avait ouvert le score. Intervient alors le but de Benjamin Pavard sur le centre de Lucas (Hernandez). C’est une rencontre spectaculaire : il y a Messi en face, c’est un match couperet, avec sept buts. Il nous propulse parmi les très bonnes équipes du Mondial. Avant qu’il ne commence, on ne figurait pas parmi les favoris, on le devient. Se qualifier face à l’Argentine en marquant beaucoup de buts, c’est dire : ‘‘Coucou, on est là’’. Lors de cette Coupe du monde, on a inscrit 14 buts alors qu’on disait qu’on marquait peu ! »


Les Bleus avec le président de la FFF Noël Le Graët reçus à l'Élysée après le titre de champion du monde 2018 (photo Ludovic BRUNEAU / FFF). 

Le parcours des Bleus

Premier tour :

Huitième de finaleFrance-Argentine, 4-3

Quart de finaleUruguay-France, 0-2

Demi-finaleFrance-Belgique, 1-0

FinaleFrance-Croatie, 4-2

 EURO 2020 
« Toute la difficulté de rester au haut niveau »
 

« Un Euro atypique, décalé d’une année en raison de la crise sanitaire et organisé dans plusieurs pays ce qui a engendré de nombreux déplacements. Sans se chercher d’excuses, on est l’une des équipes qui s’est déplacée le plus contrairement à l’Angleterre ou l’Italie par exemple. La canicule a aussi été un élément qui a compté : jouer à 15 heures en Hongrie sous 38 degrés… Malgré tout on finit premier de ce que tout le monde appelait le groupe de la mort devant l’Allemagne, le Portugal et la Hongrie. La Coupe du monde 2002 constitue un échec car on est éliminés au premier tour. Là, on sort de ce groupe. »


Lors de la séance de tirs au but en huitièmes de finale face à la Suisse (photo Baptiste FERNANDEZ / ICON SPORT).

« On rencontre la Suisse en huitième de finale. Dans l’imaginaire collectif, la Suisse est un petit pays de football, ils étaient 13e ou 14e nation FIFA à l'époque. Ça se passe d’abord bien puisqu’on mène 3-1 à 10 minutes de la fin puis moins bien car on se fait reprendre. C’est le scénario qui est difficile à digérer. Cela reste un échec quand on est des compétiteurs. Cela prouve une fois de plus toute la difficulté de rester au haut niveau. Pourquoi aucun pays n’a réussi à gagner deux fois d’affilée la Coupe du monde depuis le Brésil en 1958 et 1962 ? Parce que le plus dur, c'est de rester tout en haut. »

 COUPE DU MONDE 2022 
« L’expérience accumulée doit nous servir »

« Une Coupe du monde sans préparation, organisée en hiver dans un petit pays, l’équivalent de deux départements français, peu de déplacements donc une logistique simplifiée par rapport aux autres grandes compétitions, notamment la dernière en Russie ou au Brésil. Le nécessaire a été fait pour bien préparer le camp de base. On va essayer d’arriver avec de la fraîcheur, un maximum de joueurs d’expérience à disposition face à des adversaires que l’on connaît un peu : l’Australie, le Danemark pour les avoir affrontés lors du dernier Mondial, et la Tunisie. Le premier match doit donner le ton de la compétition. Et l’expérience accumulée lors des dix dernières années doit nous servir malgré les absences. »


Mardi 15 novembre au CNF Clairefontaine au lendemain du rassemblement des Bleus (photo Sandra RUHAUT / ICON SPORT). 

Le programme des Bleus

Premier tour

  • Mardi 22 novembre : France-Australie (20 heures)
  • Samedi 26 novembre : France-Danemark (17 heures)
  • Mercredi 30 novembre : Tunisie-France (16 heures)

 ET AUSSI... LA CAN 2004 
« Un passage qui m’a beaucoup apporté »

Photo Gavin BARKER / PA IMAGES / ICON SPORT

« Je prends la tête du Sénégal début 2003. On dispute la Coupe d’Afrique des nations en Tunisie en janvier-février 2004 où on est éliminé en quarts de finale par le pays hôte entraîné par… Roger Lemerre ! C’est un clin d’œil du destin. Cette rencontre est très équilibrée, on perd 0-1 mais ça se joue à peu de choses et la Tunisie sera, au final, sacrée. C'est à la fois un bon et un mauvais souvenir puisqu’on va être sortis dès les quarts mais j’ai aussi la sensation qu’on avait donné le maximum. On était tout proches de la demi-finale mais la force du pays hôte soutenu par son public a certainement fait la différence. Ce que je retiens de cette aventure ? Je vais vous répondre en citant Didier, interrogé sur son choix de me prendre comme adjoint quand on a signé à Marseille en 2009. Il a dit : 1/ parce que je le connais puisqu’il était capitaine de l’Équipe de France championne d’Europe en 2000 quand j’étais dans le staff de Roger Lemerre ; 2/ parce qu’il a déjà été numéro 1 et connait les besoins d’un n°1 et 3/ parce qu’il a déjà travaillé à l’étranger. Pour lui, cela signifiait que j’étais capable de m’adapter à différentes situations. Entraîner le Sénégal m’a aussi permis de découvrir un autre pays, une autre culture, d’autres coutumes, la ferveur populaire. C’est un passage de trois ans qui m’a beaucoup apporté. »

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