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Erwan Lannuzel : « À 22 ans, je me suis lancé »

vendredi 7 janvier 2022 - 15:55 - Philippe MAYEN
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Pour l'entraîneur du Bergerac-Périgord FC, prochain adversaire des Verts de Saint-Étienne en Coupe de France et leader du groupe D de National 2, la valeur n'a jamais attendu le nombre des années.

À 18 ans, il obtenait son premier diplôme d'entraîneur, le BE1. À 22 ans, il coachait sa première équipe, la réserve de la Jeanne-d'Arc de Biarritz, le club de ses débuts, en poussins (1997). Faut-il s'étonner de voir aujourd'hui Erwan Lannuzel à la tête d'une équipe leader de son groupe de National 2 et 8e de finaliste de la Coupe de France, à seulement 33 ans ? Un peu, tout de même... 
S'il n'est pas du genre à vouloir concentrer la lumière sur lui, les résultats et les exploits du Bergerac-Périgord FC ont, eux, forcément fini par attirer l'attention sur la jeunesse et la réussite précoce du technicien dordognot. Ils sont pourtant la récompense de déjà dix années de métier et de travail, et d'une vocation rapidement affirmée. 

Erwan Lannuzel félicite l'un des ses joueurs : le Bergerac Périgord FC sera le Petit Poucet des 8es de finale de la Coupe de France (photo Alexandre DIMOU/ICON SPORT).

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« Les jeunes footballeurs rêvent plutôt de devenir de grands joueurs. Pour vous, l'évidence était ailleurs ?
Oui et cela a commencé très tôt. Aux alentours de 16 ans, je me suis occupé au départ des benjamins de la JA Biarritz [sa ville natale], en tant que bénévole. Deux ans plus tard, après avoir eu mon bac, j'ai passé et validé mon brevet d'entraîneur 1er dégré [BE1]. Je voulais absolument me donner les moyens de pouvoir vivre de ma passion dans mon club, sans autre ambition. Très vite, le président m'a proposé un contrat de travail en CDI, avec diverses missions assez larges, tout en restant joueur. Et lorsque l'entraîneur de la réserve est parti, son poste m'a été proposé. J'ai accepté. J'avais alors 22 ans et j'ai décidé d'arrêter de jouer, parce que d'évidence, je prenais beaucoup plus de plaisir à préparer et mener des séances d'entraînement. 

Mieux qu'un choix, une vocation donc ?
Je ne saurais dire d'où elle m'est venue, mes parents n'étaient pas dans le milieu sportif, mais effectivement, je savais qu'une carrière d'entraîneur, à un certain niveau, pourrait me permettre de connaître des émotions bien plus fortes qu'une carrière de joueur amateur. Pourquoi perdre du temps ? Je voulais en gagner, au contraire, et je me suis lancé. Deux saisons avec la réserve, d'abord, en Promotion de Ligue, puis à la tête de l'équipe première, avec une accession de R2 en R1. À 25 ans, je suis entré en formation pour le DES [DESJEPS, Diplôme d'Etat Supérieur mention football], que j'ai obtenu à 26. Ensuite, tout s'est accéléré. J'ai été sollicité par l'Aviron Bayonnais [2016-2017]. J'ai lâché mon CDI pour un CDD et être l'adjoint de Nicolas Sahnoun [ancien joueur professionnel, fils de l'ancien international Omar Sahnoun, actuellement entraîneur-adjoint au Valenciennes FC, en L2]. Je lui ai succédé à son départ [2017] et coaché pendant trois saisons en National 3. À l'été 2020, je suis parti au Stade Poitevin (N3) pour un projet un peu plus ambitieux, malgré un contrat d'un an seulement. Avant de basculer sur la N2 avec Bergerac, pour me confronter à un niveau supérieur. 

La joie des Bergeracois après leur qualification contre le FC Metz (Ligue 1) en 32es de finale (photo Alexandre DIMOU/ICON SPORT).

Ce parcours traduit une détermination marquée à réussir de manière précoce dans un métier où l'expérience prévaut généralement.
J'exagérerais en disant qu'il s'agissait du projet d'une vie mais cet objectif était très important pour moi, oui. Quand on a envie de faire ce métier-là et que l'on démarre au bas de l'échelle, il faut beaucoup de détermination pour franchir les étapes, se confronter aux moments difficiles. Il faut être solide dans sa tête, sinon c'est compliqué et on n'y arrive pas, souvent. 

Et plus on est jeune, plus il faut faire ses preuves rapidement ?
J'ai eu la chance d'être toujours accompagné de bons dirigeants qui n'ont pas d'abord vu en moi la jeunesse ou l'âge mais plutôt la compétence. Et mine de rien, l'expérience aujourd'hui, je l'ai, avec déjà dix années à coacher des seniors. Dans le milieu amateur, certes, mais ces dix saisons, il faut quand même les passer. Ces dirigeants n'ont pas eu peur de faire des paris avec moi, ils m'ont donné l'opportunité de prouver, et cela a renforcé mon envie de prouver. Je leur étais redevable de ça. J'ai toujours voulu lutter contre cette « jeunesse » et ce parcours amateur en mettant très vite beaucoup de compétence, en marquant le terrain à travers les séances d'entraînement, la recherche du projet de jeu, le système de management ou d'autres choses encore. Pour éviter que les gens se posent la question de mon âge. 

Honnêtement, je n'ai jamais senti de crainte par rapport à ma jeunesse dans les yeux de mes interlocuteurs, qu'ils soient présidents, dirigeants ou joueurs.

 

Diriger des joueurs parfois plus âgés que vous, cela n'arrive pas fréquemment. 
Bien sûr, je savais q'il me fallait prouver un peu plus et un peu plus vite, mais honnêtement, je n'ai jamais senti de crainte par rapport à ma jeunesse dans les yeux de mes interlocuteurs, qu'ils soient présidents, dirigeants ou joueurs. Évidemment, pas question de se « rater », et mon erreur serait d'arrêter de vouloir prouver, en vieillissant. Je me dois de respecter les joueurs, de leur amener du travail, de l'exigence, du plaisir, aussi. Il faut être capable de se remettre en question et être en éveil, avoir l'ouverture d'esprit nécessaire pour créer son mode de management et son profil de jeu idéal.

Votre réusssite actuelle et l'intérêt qu'elle suscite peut-elle être un tremplin pour vous ?
J'ai envie de durer dans ce métier, de passer des étapes. Je découvre cette saison l'étape du National 2. Et donc mon premier objectif est de bien faire mon travail, aujourd'hui, pour me donner par la suite des opportunités, et d'en choisir une, intéressante. Je ne me fixe pas de limite mais je manquerais d'humilité en annonçant que je veux coacher demain en Ligue 1. Je n'ai pas de plan de carrière défini, hormis celui de me construire et de me « récompenser » par mon travail à travers des opportunités qui me permettront de continuer à vivre de ma passion et de vivre des émotions. 

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Bergerac est invaincu depuis le 4 septembre, soit 15 matches (8 en championnat et 7 en Coupe de France)
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L'équipe est leader du groupe D de National avec 8 succès, 3 nuls et 2 défaites.

La récompense, ce sont aussi vos résultats, en championnat comme en Coupe de France. 
Oui, on ne boude pas notre plaisir de n'avoir perdu que deux matches cette saison, d'avoir eu la chance d'éliminer deux équipes hiérarchiquement supérieures en Coupe de France [le FC Metz et l'US Créteil-Lusitanos], d'être encore présents en 8es de finale et de jouer un club historique du football français [l'AS Saint-Étienne, le dimanche 30 janvier à 18h30 à Périgueux]... On n'a surtout pas envie que cela s'arrête -et c'est le côté pervers-, on essaye, avec le staff, de garder tout le monde en éveil pour pouvoir continuer et  maintenir cette spirale positive le plus longtemps possible. C'est tellement agréable de travailler dans ces conditions ! Tout le monde travaille beaucoup, sans s'éparpiller. Depuis le tirage au sort des 8es, les joueurs ne pensent qu'au match contre Les Herbiers en championnat [samedi, 18h00, match en retard de la 14e journée]. Et ensuite, il y aura Trélissac et Yzeure-Moulins. Ce mois de janvier sera passionnant ! »

Souvenirs de Clairefontaine

C'est au CNF Clairetontaine, en 2013-2014, qu'Erwan Lannuzel a suivi la formation au Diplôme d'État Supérieur (DES, option football), sous la direction de Franck Thivillier [aujourd'hui directeur technique national adjoint]. « La promotion était un assez exceptionnelle, avec des garçons comme Ludovic Giuly, Cris, Steve Savidan, Sidney Govou, Jacques Abardonado... Le partage avec ces anciens pros a permis aux amateurs dont j'étais, d'apprendre beaucoup, en plus de la formation de ka DTN en elle-même. Ils étaient en capacité de répondre à nos interrogations sur les attentes des joueurs professionnels. Alors que de notre côté, nous avions déjà une expérience de terrain. Les connexions étaient très intéressantes. »
Le coach bergeracois vise désormais le BEPF [Brevet d'entraîneur professionnel de football], nécessaire pour entraîner en Ligue 1, Ligue 2 et National. 

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