LA SAGA DE L'EURO

Maxime Bossis (Euro 1984) : "Une équipe à son summum"

mardi 4 mai 2021 - 13:10 - Philippe MAYEN
Equipe de France

L'ancien défenseur international (76 sélections) raconte l'Euro 1984 et la conquête du titre européen par les Bleus de Michel Hidalgo. Le "grand Max" a joué en intégralité les cinq rencontres de cette phase finale.

« L’Euro 1984, est-ce un peu la chronique d’un sacre annoncé ? 
Tout était réuni pour que l’on aille au bout, oui. Nous étions animés d’une grande motivation avant cet Euro. La Coupe du monde en Espagne, deux ans auparavant, avec cette fameuse demi-finale contre la RFA (élimination aux tirs au but après un match nul 3-3, à Séville), avait créé une vraie frustration de ne pas avoir pu aller en finale, un sentiment de revanche existait. L’Équipe de France jouait sur ses terres, aussi, et partait pour la première fois favorite d’une compétition, malgré la présence de bonnes équipes. Les huit pays engagés se tenaient de près. Nous avons gagné tous nos matches. Ce fut un bel Euro et c’est un grand souvenir.

La fiche de Maxime Bossis

C’était « votre » Euro ? 
Nous n’avions sans doute jamais ressenti une confiance aussi importante. Sans avoir bien sûr une certitude absolue, on savait que l’on était capable de bien jouer et de gagner, quel que soit notre adversaire. L’équipe était prête, ni deux ans trop tôt ni deux ans trop tard. Nous avons bénéficié d’une grosse préparation de plusieurs semaines avec notamment un stage en altitude à Font-Romeu. Tout avait été bien organisé par la Fédération, elle avait mis les moyens nécessaires à notre disposition. De Paris à Marseille en passant par Nantes et Saint-Étienne, on a joué devant des stades combles et un public extraordinaire qui nous a permis de renverser les montagnes.

Nous avions une telle confiance et un Michel Platini hors normes.

 

Gagner, la France n’y était jamais parvenue. 
L’équipe avait appris de ses deux Coupes du monde précédentes, en 1978 et 1982. Ce que nous avions connu auparavant, en Espagne en particulier, nous a permis de bien maîtriser cet évènement. Les qualités, nous les avions, mais nous devions apprendre à garder un résultat, ce qui n’était pas forcément le cas avant. Michel Hidalgo avait constitué son groupe avec des joueurs déjà confirmés et quelques nouveaux. Il l’avait en tête depuis un moment. L’amalgame s’est bien opéré. Dès la fin avril, les vingt sélectionnés était connus, ce qui serait inimaginable aujourd’hui. Ce fut un « plus » pour la confiance de chacun.

Que retenez-vous de votre parcours avant la finale ? 
Le premier match a été compliqué. Le Danemark avait une grosse équipe avec des joueurs tels que Simonsen, ancien Ballon d’Or, Elkjaer Larsen en attaque ou Morten Olsen, le libéro. On la redoutait. On gagne 1-0, et là, on a commencé à s’apercevoir que la France avait appris des compétitions précédentes. Sans être exceptionnels, on avait su obtenir et conserver un résultat. À partir de là, on s’est lâchés et on a enchaîné les victoires, avec la qualité de jeu qui était l’apanage de cette équipe. La Belgique, avec beaucoup de grands joueurs, était à craindre aussi, mais nous avions une telle confiance et un Michel Platini hors normes (succès 5-0) ! Personne n'a réussi à marquer 9 buts. 

29 avril 1985 : comme tous les champions d'Europe 1984, Maxime Bossis est décoré des insignes de chevalier de la Légion d'honneur par le Président François Mitterrand au Palais de l'Elysée (photo archives FFF).

Le Portugal a bien failli se mettre en travers de votre route en demi-finale...
On a connu une très, très grosse frayeur, oui. On a cru que l’histoire du Mondial en Espagne allait se répéter. Le Portugal mène 2 à 1 en prolongation. Mais nous n’avons jamais paniqué et on a joué le coup jusqu’au bout, dans une ambiance de folie au stade Vélodrome. Dans cette rencontre, Jean-François Domergue signe un doublé, un peu comme Lilian Thuram contre la Croatie, en 1998.

C’était le jour où jamais de remporter enfin un titre !

 

Comment abordez-vous la finale contre l’Espagne, la première de l’histoire des Bleus ? 
Souvent, les finales ne sont pas les meilleurs matches. L’Espagne, comme nous, avait disputé une prolongation pour se qualifier (contre le Danemark, 1-1 et 5 tab 4). Les deux équipes étaient un peu fatiguées. Mais on ne voulait pas lâcher cette première finale, surtout chez nous, c’était le jour où jamais de remporter enfin un titre. Michel Hidalgo n’avait pas son pareil pour nous motiver avec de belles paroles bien choisies pour faire appel à nos qualités morales et mentales, en dehors des aspects technico-tactiques. On était prêts.

4 septembre 2014 : trente ans après leur titre européen, les Bleus "1984" reçoivent l'hommage du Stade de France avant un match amical contre l'Espagne. De gauche à droite : Six, Ferreri, Fernandez, Bossis, Rocheteau, Tigana, Amoros, Bellone (photo FFF).

Qu’éprouvez-vous au coup de sifflet final ?
De la joie, bien sûr, mais aussi un grand soulagement. Soulagement d’avoir enfin un titre, d’avoir répondu à l’attente des supporters. Il y avait une vraie tension pour cet Euro chez nous, de la part ces médias, de tout le monde. C’est un avantage de jouer à la maison mais cela peut se retourner contre soi si on n’est pas assez costauds. Il ne fallait pas se rater. On était heureux d’avoir ce titre que l’on n’avait pas volé, je crois. Cette victoire a marqué l’avènement d’une génération lancée en grande partie par Michel Hidalgo et symbolisée par Michel Platini.

Nous voulions gagner pour Michel Hidalgo. Nous voulions lui offrir ce cadeau pour sa dernière compétition

 

Parlez-nous de la « patte » de Michel Hidalgo. 
Michel Hidalgo avait pour lui de croire aux qualités des joueurs français, de ne pas vouloir copier ce qui se faisait ailleurs. Il nous disait souvent : je ne vais pas vous apprendre à jouer, je ne peux rien vous apporter, hormis la motivation, la confiance et la liberté sur le terrain. Il tenait un discours un peu paternaliste qui ne passerait pas forcément aujourd’hui. C’était un grand sélectionneur, très humain. Nous avions envie de gagner pour lui car nous savions que c’était sa dernière compétition. Nous voulions lui offrir ce cadeau plus que mérité. Ses choix tactiques étaient parfois surprenants, mais souvent très bons. Il n’était jamais fermé et n’hésitait pas à revenir en arrière quand ça ne marchait pas. Il m’a lancé en Équipe de France, en 1976. J’espère que nous pourrons bientôt lui rendre un grand hommage.

Quelle place cet Euro 1984 occupe-t-il dans votre carrière ?
Je garde de très forts souvenirs de mes trois Coupes du monde (1978, 1982, 1986) et de certains matches en particulier, contre la RFA et le Brésil. Cet Euro est la compétition la plus aboutie que nous ayons jouée, avec une Équipe de France à son summum. Il a créé des liens très solides entre nous, surtout entre ceux qui ont passé dix années inoubliables en bleu ensemble, Michel Platini, Patrick Battiston, Dominique Rocheteau... Quand on se revoit, c’est comme si on ne s’était pas quittés, même plus de trente ans après. »

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