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US Noyelles, en mode emploi

samedi 23 décembre 2023 - 11:01 - Richard LOYANT
US Noyelles Fondaction

Le club du Pas-de-Calais multiplie les actions individuelles et collectives pour apporter à ses 16-25 ans soutien et accompagnement dans leurs orientations et démarches professionnelles ou quotidiennes.

Le football, Ingrid Leclercq l’a découvert au stade Bollaert où son grand-père l’emmenait, enfant, soutenir le RC Lens. Devenue adulte, elle l’a retrouvé il y a dix ans « en tant que maman d’un petit garçon qui a commencé à y jouer ». Pour s’y investir pleinement, un peu sur les terrains – « pas très douée pour le foot classique, à l’inverse de mon fils, je fais du fit foot avec ma fille », s’excuse-t-elle presque – et beaucoup en coulisses, en offrant ses compétences professionnelles. Du Stade Héninois à l’US Noyelles, où elle est aujourd’hui dirigeante en charge du développement socio-sportif, elle raconte les actions d’insertion sociale et professionnelle qui ont permis à ces clubs de recevoir tour à tour un trophée Philippe-Séguin du Fondaction du Football. Dont le Grand Prix « éducation et citoyenneté » pour l'action « Foot orientation, pour construire ton projet et atteindre ton but », décerné en mai dernier à l’US Noyelles.

 AUX ORIGINES 
« Un petit mercato pour grandir »

D’abord animatrice d’actions sociales puis formatrice avant de devenir conseillère en insertion, Ingrid Leclercq ne cache pas évoluer dans « une famille de foot, où il fait partie du quotidien ». Un sport qu’elle a cherché à conjuger avec sa vie professionnelle. « J’ai démarré en bénévolat au Stade Héninois en juillet 2017, où j’ai peu à peu détecté des besoins pour des papas en difficulté de recherche d’emploi. Avec le président Éric Druart, on a commencé à travailler sur des projets d’insertion. Ils se sont traduits par "Un but pour un emploi", qui consistait à organiser une rencontre conviviale entre des entreprises et des chercheurs d'emploi autour du football ». Cette première action a permis au club d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) d’être lauréat d’un trophée du Fondaction en 2022.

Cette reconnaissance a débouché sur « plein de contacts » et donné des idées à d’autres clubs des alentours, dont celui de Noyelles-sous-Lens (Pas-de-Calais). « J’ai eu une belle rencontre avec son président, Ludovic Sibirin, se souvient-elle. C’était un beau Club de lieu de vie mais sans ce côté social et insertion. Noyelles-sous-Lens est une petite commune de 6 800 habitants mais avec une grande précarité. Au vu de nos échanges et de la structure du club, j’ai accepté un petit mercato, aussi pour me permettre de grandir dans ma fonction de dirigeante. Ce club pouvait m’apporter une ouverture dans les futurs projets que j’avais envie de mettre en place ».

 FOOT ORIENTATION 
« Avancer avec chacune et chacun et en commun »

Son « transfert » acté en juillet 2022, elle et son équipe mettent rapidement sur pied le projet « Foot orientation », un programme d’accompagnement dans le temps destiné aux 16-25 ans. « On a commencé par des repérages en allant à la rencontre de nos jeunes au sein du club avec de petits questionnaires, explique la dirigeante. Ils ont été 70 à être suivis la saison dernière et sont 60 cette année, avec des demandes diverses et variées : sur le permis de conduire, les besoins de vacances, de formation, de CV pour un job étudiant… ». 

Pour y répondre, des permanences appelées « Écoute et vous » ont été mises en place : un mardi sur deux, les licenciées et licenciés peuvent rencontrer Ingrid au club pour « un petit entretien individuel, avec du coaching pour avancer et accompagner chacune et chacun dans diverses démarches ». Et si « un besoin en commun se fait sentir », place à une animation collective (photo ci-dessous). « On travaille alors sur une thématique, détaille-t-elle. C’est souvent le CV et la lettre de motivation, mais aussi comment contacter un employeur, quelles sont les nouvelles techniques à comprendre, les nouveaux outils mis en place, pas forcément connus des jeunes aujourd’hui ». 

Ingrid Leclercq conduit une animation collective (photo US Noyelles). 

 PLATEFORME, SOIRÉES VIP ET TOURNOI 
« Des échanges pour ouvrir d’autres horizons »

Ce programme d’accompagnement à la fois individuel et collectif s’appuie notamment sur une plateforme « qui permet de répondre à de multiples questions et leur présente des domaines professionnels pouvant potentiellement coller avec leur personnalité, leurs qualités, leurs défauts… Avec cet outil, ils s’aperçoivent qu’ils ont des qualités qu’ils n’imaginaient pas. À moi ensuite de les faire produire sur ces points forts, leur ouvrir d’autres horizons, leur faire prendre conscience qu’ils ont du potentiel et qu’il faut peut-être aller voir de ce côté jusqu’ici ignoré ».

Des pistes concrètes leur sont aussi proposées une fois par mois en rencontrant des « partenaires d’emploi en soirée VIP ». Ingrid Leclercq explique : « Les représentants d'une entreprise qui a du mal à recruter dans certains domaines peuvent venir lors d’un entraînement. Ils s’entraînent avec nos joueuses et joueurs, puis se présentent lors d’une pause et exposent leurs besoins, avec des offres d’emplois. Un échange et du dialogue se créent, des opportunités sont ainsi offertes à nos jeunes. Mais on ne fait pas de forcing : ça matche ou pas, on ne leur impose rien ». 

Dernière pierre à cet édifice, et à plus grande échelle, un tournoi annuel (photo ci-dessous) où sont réunis partenaires d’insertion, professionnels de l’emploi, de la formation, de la mobilité, du logement, du planning familial, de structures de jeunes en difficulté… et d’autres clubs des environs présentant des équipes U15 à U25. « C’est un rendez-vous d'échanges entre ces jeunes qui ont des besoins et des partenaires qui vont leur amener toutes les informations possibles et imaginables. L’idée est de mettre les outils devant eux et qu’ils aillent les chercher ! »  Le premier tournoi a été si réussi que le suivant, début mai 2024, « prend déjà une autre tournure. Maintenant que l’on est connu, plein de clubs veulent venir. On va donc doubler en partenaires, qui étaient vingt-cinq, et en équipes participantes pour passer à trente. »

Un tournoi et une idée à succès (photo US Noyelles).

 LA PLACE DES PARENTS 
« Cela s’étend à la vie du club en général »

L’initiative a rencontré un écho certain chez les parents, pour une part devenus demandeurs. « Certains pensent que leur enfant ne fait rien, qu’il ne profite pas des outils proposés au club ou en-dehors et parfois le sur-sollicite, raconte la conseillère. Quand j’ai détecté ce qui s’apparente à une certaine détresse parentale, je vais discrètement voir leur enfant à l’entraînement sans qu’il sache l’origine de la démarche. On partage d’abord au niveau du ballon, puis on dévie sur autre chose et cela se passe généralement très bien ». 

La reconnaissance induite par le trophée Philippe-Séguin a également entraînée des répercussions plus inattendues. « Des adultes, des mamans et des papas avec leurs propres besoins, ont craint de me déranger mais m’ont interpellée au stade en me disant : "Ingrid, au fait, en ce moment, ce n’est pas facile pour moi, tu n’aurais pas deux ou trois adresses ou contacts ?". Je leur propose alors de venir nous voir les mardis et si je suis disponible, on regarde plus en détail leur situation. On s’aperçoit ainsi que ce que l’on a développé pour nos jeunes s’étend à la vie du club en général ». 

Le stand d'un partenaire lors du tournoi organisé en avril 2023 (photo US Noyelles.).

 PAR-DELÀ LES RÉTICENCES 
« Le football aide à être bien dans sa tête »

Si l’ensemble du projet a globalement été bien accepté, quelques doutes ont néanmoins dû être levés. La dirigeante ne cache pas que « certains partenaires n’ont d’abord pas compris pourquoi on faisait cela : pour eux, ce n’était pas le rôle d’un club de foot d’organiser du job dating. En fait, si, car c’est proposé avec une pédagogie ludique très différente. On a observé au niveau de notre territoire que les jeunes n’allaient pas spontanément vers la mission locale pour l'emploi, par exemple. Beaucoup m’ont dit : "Avec toi Ingrid, c’est plus cool, c’est fun…". Ils sont dans une autre ambiance, moins formelle. On a délocalisé le cadre professionnel dans un environnement ludique où, du coup, cela passe mieux. Et ça marche ! »

Ingrid Leclercq en est persuadée, « l’emploi, la santé, l’environnement, la mixité… toutes ces thématiques ont bien un lien avec le football. Ce sport, le plus populaire en France, est le vecteur de beaucoup de choses dans la société d’aujourd’hui. Quand mon grand-père m’a amenée pour la première fois toute gamine au stade Bollaert, j’ai vu tous ces drapeaux, les chants, cette ambiance et je me suis dit : "Je suis trop bien, on est bien ici, il y a la fête !". Le foot, c’est ça, il aide à être bien dans sa tête et si on peut apporter tous ces outils à coté, c’est encore mieux ». 

Dès lors, pour elle, « il ne faut pas s’arrêter aux barrières. Quand on a un projet auquel on croit, il faut foncer et aller chercher les personnes positives qui y croient également. C’est avec elles et cette positivité que vous allez pouvoir avancer. Et finalement, même les personnes négatives sont constructives : il suffit de retenir ce qu’elles ont dit mais de ne pas faire comme elles ont dit… ».

 L’US NOYELLES EN VIDÉO 




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Avec cette série des « Belles réussites du football amateur », la FFF met à l’honneur les initiatives et actions engagées par ses clubs partout en France. De quartier ou ruraux, avec plus ou moins de licenciés et licenciées mais toujours la même passion des pratiquants et pratiquantes, éducateurs et éducatrices, dirigeants et dirigeantes, de tous âges et toutes générations.

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