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CSO Amnéville, le féminin à long terme

vendredi 8 mars 2024 - 12:24 - Richard LOYANT
Seniors féminines CSO Amnéville

Lancé dans un vaste plan de féminisation depuis près de dix ans, le club mosellan est passé à la vitesse supérieure pour pérenniser la présence de femmes non seulement sur le terrain et dans ses structures mais aussi celles des instances.

Peu avant de fêter son centenaire, le Club sportif Orne 1919 Amnéville-les-Thermes s’est lancé dans un vaste projet centré sur le football féminin. Baptisé « L’égalité homme-femme, vecteur de performance pour une association », il est basé sur un triptyque : création d’équipes féminines dans toutes les catégories d’âge, structuration d’un pôle féminin et recrutement favorisé de femmes à des postes à responsabilité. Pour y parvenir, le club lorrain de la vallée de l’Orne (District Mosellan/Ligue du Grand Est) a notamment fait appel à Adeline Janela (photo principale, avec les seniors féminines), dont la carrière de haut niveau s’achevait au FC Metz (2014-2019) un an après un titre de championne de France de Division 2 féminine. Devenue éducatrice fédérale et, côté professionnel, reconvertie dans le conseil en ressources humaines, celle qui est depuis 2022 vice-présidente du CSO Amnéville mais aussi membre des commissions féminisation et mixité de la Ligue du Grand Est (depuis le 1er juillet 2023) et féminine du District Mosellan (depuis le 1er juillet 2021) raconte une expérience qui a valu à son club le Grand Prix 2023 des Trophées Philippe-Séguin du Fondaction du Football, dans la catégorie « mixité et diversité ».

 LE COUP D’ENVOI 
« Construire l’avenir »

Le CSO Amnéville a commencé à structurer son pôle féminin en 2015-2016 en engageant une équipe senior, composée de vingt-deux licenciées. Mais trois saisons plus tard, « le club a constaté qu’il était arrivé au bout d’un développement, explique Adeline Janela. Il m’a contactée avec l’idée de faire passer un cap à la structure et de développer un pôle féminin très en profondeur, avec notre propre budget et nos propres moyens, qui ont permis d’accélérer les choses. » 

Ce « travail de fond » passait par « la volonté d’être représenté dans toutes les catégories d’âge. On a construit la section féminine autour, des plus petites aux plus âgées. Notre force a été d’être capable de travailler autour des plus jeunes et de pouvoir construire l’avenir, ce qui est le plus important pour nous. » Pour la vice-présidente, « passer par ces étapes nous a permis de grandir plus vite puisque l’on avait plus de moyens, notamment pour l’équipe senior. On a pu mettre en place des encadrements de meilleure qualité pour les jeunes, et même une section sport-études au lycée Louis-de-Cormontaigne, dédiée pour le club au niveau des féminines, puis avec le collègue La Source d'Amnéville en mixité. »

 LES RÉSULTATS 
« Pérenniser et travailler la qualité »

Sur le plan sportif, l’équipe senior a particulièrement brillé la saison dernière. Championnes de Moselle et finalistes régionales, les joueuses dirigées par le Martiniquais David Régis, un autre ancien du FC Metz qui a disputé le Mondial 1998 en France avec les États-Unis, ont ainsi validé le projet sur les terrains. Mais aussi importants que soient ces succès, là n’est pas l’essentiel aux yeux d’Adeline Janela. « Cela s’exprime d’abord en nombre de licenciées, vraiment accru ces dernières années. Il avait diminué avec le Covid et réaugmente depuis pour être aujourd’hui autour de la centaine, proche du niveau atteint en 2021. Avec, surtout, des pratiquantes dans toutes les catégories, des U6 aux seniors. »

Une saison 2022-2023 riche en trophées pour les féminines (photo CSO Amnéville).

Ce point acquis, un autre aspect est à considérer. « Selon moi, il existe deux axes : le développement effectivement du nombre de licenciées mais aussi pouvoir le pérenniser. Cela signifie travailler davantage sur la qualité, ce à quoi on s’attelle aujourd’hui. En termes de niveau par exemple, les filles sont capables aujourd’hui d’amener des choses qu’elles n’apportaient pas avant, notamment sur tout ce qui est travail athlétique. » 

 ENCADREMENT ET PROJET CLUB 
« L’amour du maillot nous rend plus performant »

Pour parvenir à « professionnaliser les approches, notamment autour de l’équipe senior, on a vraiment développé les encadrantes, explique-t-elle. Quand je suis arrivée, il n’y avait qu’une éducatrice au pôle féminin. C’est davantage généralisé aujourd’hui, quatre personnes ont été recrutées en technique et on a même eu l’occasion d’avoir des éducatrices en BMF apprentissage. Tout cela a permis de pouvoir compter sur un encadrement de qualité et, surtout, complètement disponible pour mettre en place un certain nombre de projets plus vite que si on n’avait eu que des bénévoles, par exemple. » 

Avec l’ambition de franchir un nouveau cap. « On essaie de favoriser le développement interne. Plusieurs de nos joueuses seniors gèrent ainsi des équipes de jeunes. La prochaine étape est de continuer à les former et de permettre à ces femmes compétentes dans l’encadrement de gérer des équipes d’hommes, parce qu’il n’y a aucune raison que cela ne marche pas. Une de nos seniors est ainsi éducatrice des U13, elle les implique énormément en leur demandant d’analyser les matches des seniors, de s’investir dans la communication… En fait, sur des compétences transverses qui leur permettent de développer un regard différent. Elles sont encore jeunes mais elles auront peut-être plus facilement soif d’apprendre et de s’engager à terme sur des postes à responsabilité ou d’encadrants, tout simplement. » 

Micro et Trophée Philippe-Séguin en main lors de la cérémonie de remise, en mai 2023 (photo Bruno BADE / Fondaction du Football).

Le tout après avoir rectifié une première approche restée inaboutie. « J’ai d’abord commis l’erreur de détacher un petit peu les féminines et l’on a abouti à une sorte de "club dans le club", admet Adeline Janela. On s’en est aperçu et on est très vite revenu à l’idée de mixer les approches, car cela nous semblait extrêmement important de ne pas perdre l’ADN du club. S’être repositionné, et donc être véritablement ancré dans un "projet club", nous a montré que ce sont des hommes et des femmes qui font la force d’un club. Encore plus quand on arrive à créer des synergies entre tous et que l’on développe une cohésion globale. C’est ce qui se passe aujourd’hui : quand des filles jouent, des garçons viennent voir leurs matches et vice-versa. Elles ou ils ne viennent plus voir jouer l’équipe des filles ou celle des garçons mais une équipe du club. Ce que l’on est en train de créer, cette cohésion, renforce le sentiment d’appartenance, l’amour du maillot, et nous rend plus performant. » 

 FEMMES ET DIRIGEANTES 
« Faire valoir la compétence, pas le sexe »

La vice-présidente ne cache pas qu’un autre axe du projet a entraîné davantage de difficultés : celui de permettre à des femmes de s’engager sur des postes à responsabilités, « comme dans beaucoup de clubs. Notre volonté est réelle d’aider les femmes qui ont envie de s’investir dans ce monde qui reste encore aujourd’hui très masculin, à prendre des responsabilités et à s’affirmer grâce à leurs compétences. Mais on a encore entendu des phrases du type : "De toute façon, vous n’êtes bonnes qu’à faire la cuisine" ou "Votre place le dimanche est à la buvette pour faire la vaisselle"… Après ce genre de réflexions, le plus grand défi a été de faire valoir la compétence et pas le sexe. » 

« J’ai heureusement pu m’appuyer sur des présidents qui ont toujours été très ouverts et très investis dans ce développement, se réjouit-elle. On a donc tout simplement permis à des femmes compétentes de se positionner sur des postes en interne, que ce soit de salariés – notre responsable administrative est une femme, par exemple – ou au niveau du Comité de direction, où l’on est deux femmes sur cinq (elle vice-présidente et la trésorière). Que je sois positionnée comme la référente du pôle féminin a aussi aidé car j’ai gagné en légitimité. Aujourd’hui, il est naturel de dire que tout ce qui se passe d’un point de vue féminin est de mon ressort, il n’y a pas de débat. D’où l’importance de clarifier le rôle de chacun et de l’ancrer dans un document officiel, pour faire reconnaître les personnes. » 

Le club est associé depuis quatre saisons à la Ligue du Grand Est pour le Mois du football féminin (photo CSO Amnéville).

S’il reste du chemin à parcourir, la progression lui semble bien réelle. « Les institutions, les clubs, tout le monde évolue dans un sens plutôt positif. On parle de parité mais je préfère utiliser la notion de mixité : pour moi, on place une compétence et pas un sexe alors que la parité force un peu à tout prix que ce soit 50/50 et on perd alors cette notion de compétence. Cela va se mettre en œuvre progressivement dans les instances, on trouve des personnes extrêmement ouvertes dans chaque territoire pour essayer de faire avancer les choses. Plus on aura de femmes sur des postes à responsabilités, plus l’ouverture d’esprit sera importante et plus on minimisera le genre de questions que l’on peut se poser aujourd’hui. Plus on aura de femmes dans les comités directeurs, plus elles seront représentées dans les commissions et sur le terrain, et plus elles aideront à identifier plus facilement des talents qui se placeront dans des commissions autres que celles de féminisation. »

 LE CSO AMNÉVILLE EN VIDÉO 



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