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CS d’Ayze, partie intégrante

lundi 18 mars 2024 - 09:00 - Richard LOYANT
Mineurs réfugiés CS d'Ayze

Le club haut-savoyard facilite grâce au football l’intégration de mineurs isolés issus de foyers de réfugiés, du soutien scolaire jusqu’à la participation à un tournoi de l’UEFA.

Entre lacs et montagnes au cœur de la vallée alpine de l’Arve, le Club Sportif d’Ayze est depuis quatre saisons un refuge pour les mineurs non accompagnés (MNA) de la région, exilés contraints d’Afrique ou d’Europe de l’Est. Le club de Haute-Savoie, implanté dans une petite commune de 2 300 habitants située entre Annecy, Chamonix et Genève (Suisse), s’appuie sur un partenariat avec trois maisons éducatives à caractère social pour faciliter, grâce au football, l’intégration de ces jeunes déracinés. Apprentissage du français, soutien scolaire, insertion professionnelle et participation à la vie du club complètent la pratique de leur passion, qui en a mené certains jusqu’à une coupe européenne. Cheville ouvrière de cette action, Amandine Badin raconte une aventure baptisée « Football, un langage universel », qui a valu au CS d’Ayze d’être lauréat des Trophées Philippe-Séguin 2023 du Fondaction du Football, dans la catégorie « solidarité et inclusion ».

 DE L’EXIL AUX FOYERS 
« Les libérer des lourdes charges de leurs parcours »

Le football, Amandine Badin l’a découvert en 2002 comme joueuse à l’US Rochemaure (Ardèche) et ne l’a plus quitté depuis, embrassant toutes ses fonctions : arbitre (depuis janvier 2006), dirigeante (depuis juillet 2014), éducatrice fédérale (depuis septembre 2017), élue au Comité directeur du District Haute-Savoie Pays-de-Gex (depuis juillet 2021)… À 35 ans, la native de Pierrelatte (Drôme) cumule également les fonctions d’entraîneure des U17, responsable des catégories de jeunes, du Programme éducatif fédéral (PEF) et du pôle féminin au CS d’Ayze, qu’elle a rejoint il y a bientôt sept ans. Mais c’est son activité professionnelle d’éducatrice au Centre Saint-Exupéry, association d’aide sociale à l’enfance basée à Villeurbanne (Rhône), qui l’a menée à initier cette action d’insertion.

« De nombreux mineurs non accompagnés se retrouvent dans le centre où je travaille et 80 % d’entre eux veulent jouer au foot, raconte-t-elle. C’est une grande passion, ils sont tout le temps à regarder les matches et c’est aussi pour eux un moyen d’évacuer pas mal de choses. Mais faire le pas vers un club peut être compliqué : certains craignent les démarches administratives ou n’acceptent pas ces jeunes pour différentes raisons, plus ou moins bonnes. Avec ma double casquette d’éducatrice sociale au centre et sportive au club, j’ai eu la facilité de présenter ce projet au président du CS d’Ayze puis au directeur de l’association L'Escale 74 Saint-Exupéry. Ils ont accepté avec grand plaisir. »

Le club a conclu il y a quatre ans un partenariat avec le centre, renouvelé cette saison. Il reçoit depuis des jeunes issus des trois maisons éducatives à caractère social de la structure implantées en Haute-Savoie, à Cluses, Marnaz et Mont-Saxonnex. « L’objectif est d’abord de permettre aux MNA d’avoir une pratique sportive dans de bonnes infrastructures, au sein d’un club convivial et réputé dans le département, explique Amandine Badin. Jouer au football dans ces conditions peut leur permettre de se libérer des lourdes charges amenées par leurs parcours. Ils viennent à 80 % d’Afrique (Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali…), à 10 % de pays de l’Est (Albanie, Kosovo…) et du Bangladesh. Leurs trajectoires sont très diverses mais c’est à peu près la même chose pour tous : ils ont fui leur pays ou en ont été chassés par la guerre, la maltraitance, la misère… Certains n’ont plus de famille et c’était une question de vie ou de mort pour la plupart. » 

Les participants au tournoi organisé par le CS d’Ayze à l’été 2023 (photo CS d’Ayze).

 DU DISTRICT À L’EUROPE 
« Un honneur de représenter la France »

Fondé en 1972, le CS d’Ayze compte aujourd’hui 278 licenciés et licenciées, des U7 aux vétérans. Parmi eux, douze MNA ont intégré grâce à une politique tarifaire adaptée ses équipes U17, U20 et senior, cette dernière évoluant en Division 1 départementale. « Bien que les démarches administratives soient parfois compliquées, on a mis en place pour eux un prix préférentiel avec une licence à 50 au lieu de 200 euros, afin que le centre qui les prend en charge n’ait pas une trop grosse somme à débourser. L’association où je travaille a environ cent-trente jeunes et les licencier tous n’est malheureusement pas possible. » Ceux qui ne bénéficient pas d’un tel sésame ne restent pourtant pas sur la touche, participant à des entraînements et des tournois internes au club (photo ci-dessus).

Ils ont aussi été les premiers supporters des quatre jeunes retenus pour disputer, en juin dernier en Allemagne sous le maillot bleu, la 2e Coupe d'Europe de l'unité, tournoi de l’UEFA et du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) destiné à favoriser leur accès au sport et à améliorer leur inclusion sociale. « Cette Coupe d’Europe, on ne s’y attendait pas du tout, je croyais que c’était une blague, en sourit encore Amandine Badin. Mais on a bien été sollicité par la FFF pour ce tournoi à Francfort et c’était extraordinaire, les jeunes en ont gardé un excellent souvenir. C’est toujours un honneur de représenter la France en compétition internationale et au-delà de l’aspect sportif, on retient le partage et la communion entre nations. »

Amandine Badin (n° 8) capitaine de l’équipe composée pour partie de mineurs isolés du CS d’Ayze, à la Coupe d'Europe de l'unité de l'UEFA en juin 2023 (photo CS d’Ayze).

 DU CLUB À LA VIE ACTIVE 
« Associés à nos projets »

Pris en charge au quotidien par l’aide sociale à l’enfance et placés dans des foyers dont la mission consiste à les insérer socialement, les jeunes ont trouvé au CS d’Ayze d’autres relais au-delà des terrains. « Lorsqu’ils arrivent ici, ils ne disposent pas forcément des mêmes bases que n’importe quel jeune de leur âge en France, explique l’éducatrice. À commencer par la maîtrise du français. Il faut tout leur réapprendre. Dans le cadre de leur développement et de leur insertion, on s’appuie sur le programme Puissance Foot du Fondaction du Football et de la FFF. Basé sur le football, il les aide grandement dans leur processus d’inclusion. »  

Une première étape que le club a poussée plus loin. « Ils ont 15-16 ans quand ils arrivent, en tout cas sur notre secteur, ils découvrent la vie en autonomie et on participe avec leurs foyers au travail d’identité mais l’aspect insertion sociale est plus important. C’est-à-dire leur scolarité car 99 % sont en voie d’apprentissage. On a la chance au club d’avoir des éducateurs et des dirigeants qui sont auto-entrepreneurs ou travaillent dans de grands groupes de différents secteurs d’activité. Cela permet, par le bouche-à-oreille, de faire entrer plus facilement ces jeunes dans le monde du travail. »

Participer activement aux diverses actions déployées par le CS d’Ayze concourt également à la réussite de leur intégration. « C’est l’un des points que l’on tient à leur faire partager, détaille Amandine Badin. On les associe à plusieurs projets que le club met en place en interne durant une saison, comme Octobre Rose, une journée de ramassage des déchets terminée par la visite d’un centre de tri, une collecte de denrées alimentaires… Pour la Coupe du monde 2022, on a organisé la diffusion des matches de l’Équipe de France et pour le premier, ils ont eux-mêmes proposé de préparer un repas africain pour les licenciés du club. On a vu ensemble France-Australie au club-house et on a passé un très bon moment de convivialité. On l’a répété ensuite et cela a très bien fonctionné, cela a aussi permis à certaines personnes de changer leur vision des choses sur les MNA ». 

L’une des soirées montées par le club autour des matches des Bleus au Mondial 2022 (photo CS d’Ayze).

 DU TERRAIN À L’HUMAIN 
« Des leçons de vie »

Le premier regard porté sur les mineurs isolés peut en effet parfois freiner ce type d’initiatives. « Il n’y a eu aucun problème avec nos joueurs, se réjouit l’éducatrice. Les MNA se sont super bien intégrés surtout qu’en termes de performance, ils jouent vraiment très bien, avec un état d’esprit irréprochable. Côté parents, certains ont été un peu réticents au début, avec un peu d’amalgame, surtout par méconnaissance. La barrière de la langue a aussi été compliquée au départ mais on trouve toujours des moyens de se comprendre, par le français ou l’anglais, du travail éducatif en interne comme de l’aide aux devoirs pour améliorer leur français. L’intégration s’est faite finalement facilement et cela a été mutuellement très enrichissant. Leur arrivée a été très positive sur le plan humain. Par leurs parcours et leurs cultures différentes, ils ont donné à beaucoup d’entre nous des leçons de vie et une vision du monde totalement différente de la nôtre, beaucoup moins matérialiste. »

Aux autres clubs qui souhaiteraient s’engager dans ce type d’actions, Amandine Badin donne pour seul conseil « de n’avoir aucun a priori, aucun préjugé. On est tous réunis par la même passion, on apprend énormément les uns des autres, c’est pour cela que le football est un langage universel. Dans éducateur, il y a éducation et dans l’éducation, il y a aussi le football, également vecteur d’intégration. C’est aussi un enrichissement personnel pour nos joueurs : ils se rendent compte qu’en France, on est plutôt pas mal lotis par rapport à la misère d’autres pays où avec rien, il faut se contenter de rien. Des parents nous ont dit que certains de leurs enfants un peu exigeants se sont ainsi aperçus que d’autres avaient beaucoup moins mais qu’ils ne se plaignaient pas, qu’ils se servaient au contraire de leurs situations difficiles pour rebondir et que ce n’est pas parce qu’ils étaient à terre qu’ils ne pouvaient pas se relever. » 

Le président de la FFF Philippe Diallo avec les récipiendaires du club à la cérémonie de remise en mai 2023 : la dirigeante d’équipe Laura Rolland, Amandine Badin, l’arbitre Andréa Martins et le co-président Philippe Aron (photo Bruno BADE/Fondaction du Football).

Le guide Football & réfugiés du Fondaction du Football

 

Les bonnes pratiques du football amateur

Avec cette série des « Belles réussites du football amateur », la FFF met à l’honneur les initiatives et actions engagées par ses clubs partout en France. De quartier ou ruraux, avec plus ou moins de licenciés et licenciées mais toujours la même passion des pratiquants et pratiquantes, éducateurs et éducatrices, dirigeants et dirigeantes, de tous âges et toutes générations.

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